"Ne nous soumettons à aucune autorité"
Terrorisme
La leçon en serait que le terrorisme a des causes ? A moins de s’en prendre aux causes, on ne résoudra pas le problème. Bien sûr, une bonne part de cela est de l’activité criminelle et toute activité criminelle doit être réprimée honnêtement et équitablement par le pouvoir judiciaire.
Mais à défaut de s’intéresser aux causes du mécontentement, vous vous retrouvez dans la position d’un médecin qui injecterait du poison à son patient et se demanderait ensuite quel est le meilleur moyen de traiter les symptômes.
Cela n’aurait pas de sens - commencez d’abord par arrêter d’administrer le poison.-
Il y avait des reproches fondés en Irlande du Nord et la Grande Bretagne y était pour une bonne part. Quand la Grande Bretagne cessa finalement de répondre à la terreur par plus de violences encore et répondit à la terreur en s’attaquant aux problèmes, cela commença enfin à s’améliorer.
La réponse au 11 septembre
Après le 9/11, il y eut un immense mouvement de sympathie pour les Etats-Unis, y compris de la part du mouvement du jihad. Des fatwas furent émises ? Oui, condamnant Osama bin Laden. Comment répondirent les Etats-Unis ? En s’aliénant les peuples qui commençaient à sympathiser. En envahissant l’Afghanistan et l’Iraq et en alimentant le soutien au terrorisme.
Cela revient à injecter le poison au patient. Et on s‘étonne après cela que le terrorisme croisse. La réponse au 9/11- comme le fit remarquer presque immédiatement l’historien Michael Howard – aurait dû être : c’est un acte criminel, essayons d’identifier les coupables et amenons les devant la justice pour qu’ils soient jugés de manière équitable.
L’administration Bush s’y est refusée. Il est possible qu’elle aurait pu être en mesure d’extrader al-Qaida et bin Laden. En fait, les Talibans avaient évoqué des possibilités d’extradition si les Etats-Unis fournissaient des preuves, ce que ferait n’importe quel pays. L’administration Bush a écarté cette proposition et a répondu : nous allons vous bombarder parce que vous ne nous le livrez pas. Il s’agit là d’un crime majeur qui a reserré les rangs du mouvement jihadiste. L’invasion de l’Irak a achevé la reconstruction d’un puissant mouvement terroriste mondial.
Résistance non violente en Irak
Jusqu’en novembre 2007, la position officielle des Etats-Unis, confirmée par Bush, consistait à affirmer que tout accord sur le statut des forces en présence devait impliquer le droit à une présence illimitée de l’armée U.S, y compris par le biais d’importantes bases militaires et bien sûr, un rôle privilégié pour les investisseurs américains.
Deux mois plus tard, Bush était contraint à une marche arrière sur ces positions et , au moins sur papier, à accepter un retrait. Ce sont là d’impressionnantes victoires pour les forces de résistance non violentes. Les U.S pouvaient tuer des rebelles mais ils ne pouvaient venir à bout de centaines de milliers de personnes manifestant dans les rues.
L’approche U.S vis à vis de l’Iran
Celui qui verrait cette situation depuis la planète Mars serait renversé par son côté ridicule. Les Etats-Unis disent à l’Iran de mettre fin à son militarisme agressif ! Ainsi, nous occupons deux de leurs pays frontaliers, les dépenses U.S en armement sont égales à celles du reste du monde, nous leur reprochons des attaques et violations de la charte des Nations Unies et ainsi de suite…alors que l’Iran n’a envahi personne depuis des siècles, à l’exception de deux îles arabes du golfe que le SHAH a conquises avec le soutien des Etats-Unis.
Les problèmes de sécurité d’Israël
L’invasion Israélienne de la bande de Gaza en janvier n’avait pas la moindre justification. Ils prétendent qu’ils devaient se défendre d’attaques de roquettes et que cela est admis de manière générale et notamment par les groupes de défense des droits de l’homme. Mais c’est tout à fait ridicule. Vous n’avez pas le droit de recourir à la force pour vous défendre sans avoir épuisé tous les moyens de recours pacifiques. Cela leur aurait donné l’occasion d’accepter un cessez-le-feu pour la première fois.
Quand ils en acceptèrent partiellement un cessez-le-feu pendant quelques mois en 2008, il n’y avait plus de roquettes Hamas.
Ils n’ont aucun problème de sécurité hormis ceux qu’ils se créent ; dès lors, aussi longtemps qu’ils préfèrent l’expansion territoriale à la sécurité, ils continueront à avoir un problème de sécurité.
Le poids des espoirs suscités par Obama
Si Barack Obama n’est pas à la hauteur des espérances qu’il a fait naître, deux choses peuvent se produire. Kennedy aussi avait suscité un énorme enthousiasme et il a rapidement déçu. Il avait un bon appareil de propagande mais quand on regarde d’un peu plus près ses réalisations, il aura sans doute été le président le plus dangereux du 20ème siècle.
Les énergies qui furent alors éveillées se transformèrent en quelque chose de très constructif : l’activisme des années 60. Kennedy n’a certainement pas soutenu le mouvement des droits civiques mais il avait inspiré sa rhétorique et il s’y est assimilé. C’est une possibilité pour Obama.
L’autre possibilité relève du cynisme. Le choix constructif d’Obama va devoir s’appuyer sur le réalisme de la situation actuelle et non sur les illusions du marketing politique.
Le déficit démocratique des Etats-Unis
L’inconsistance de l’opinion publique aux Etats-Unis est dramatique. Prenons le problème principal de politique intérieure à l’heure actuelle, qui est celui de la santé publique : c’est une catastrophe.
Le débat dont il fait l’objet a de nombreux aspects surréalistes et pas seulement avec Sarah Palin et les groupes de débat sur la mort. Il y avait aussi un article en première page du New York Times rapportant que l’administration Obama avait passé un accord secret avec l’industrie pharmaceutique par lequel elle s’engageait à ne pas autoriser le gouvernement à recourir aux appels d’offre pour négocier le prix des médicaments comme on le fait dans tous les autres pays et comme le fait par exemple le Pentagone pour ses achats de trombones.
Mais ça a été rendu légalement impossible aux Etats-Unis. C’est la principale raison pour laquelle le prix des médicaments y est deux fois plus élevé qu’ailleurs dans le monde. Environ 85 % de la population pense que l’on devrait négocier le prix des médicaments mais on n’en parle pas. En fait, je ne pense pas qu’il soit possible de trouver le résultat d’un sondage sur ce sujet.
Les progrès en Amérique du Sud
On dit qu’une des erreurs principales de l’administration Bush a été de se désintéresser de l’Amérique Latine. Cela a sans doute été une des meilleures choses pour l’Amérique Latine. Si les Etats-Unis voulaient cesser de s’intéresser à eux de la façon dont ils le font habituellement, cela leur laisserait enfin quelques perspectives pour aller de l’avant.
Les Etats-Unis soutiennent les démocraties si, et uniquement si, elles sont conformes à leurs intérêts stratégiques et économiques. En fait, ce qui se produit en Amérique du Sud est impressionnant.
Pour la première fois depuis des centaines d’années, l’Amérique du Sud commence à prendre ses énormes problèmes à bras le corps. En réalité, de multiples manières, elle est devenue une des régions les plus intéressantes du globe.
Le manque d’action sur le changement climatique
La catastrophe climatique affectera plus durement les pays les plus pauvres. Ce sera affreux pour certains – Boston pourrait se retrouver sous eau par exemple - mais les pays riches ont les moyens d’affronter ce problème, les pauvres pas.
Les pays riches doivent faire un choix : allons nous opter pour un futur dans lequel nos petits enfants puissent survivre ou allons-nous choisir les bénéfices à court terme pour le monde des affaires. Jusqu’ici, c’est manifestement la seconde option qui est retenue.
La situation des droits de l’homme
J’ai toujours été assez optimiste, c’est à dire que j’ai évité de placer trop haut le niveau de mes espérances. Je pense que si vous regardez la trajectoire de l’Histoire sur une longue période, y compris la plus récente, vous conclurez à une amélioration sur le plan des droits humains, pas seulement dans le Tiers-Monde mais aussi dans les pays riches.
Prenez par exemple les dernières élections aux Etats-Unis. Le parti démocrate a mis en campagne deux candidats, une femme et un Afro-Américain. C’était inconcevable il y a trente ans et même il y a vingt ans. Les intellectuels n’aiment pas en parler, mais c’est le résultat de l’activisme des années 60.
Le nouveau livre de Noam Chomsky, Hope and prospect, sera publié par HamishHamilton le 29 octobre.
(transmis par Djamal Benmerad)
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