01 septembre 2010

Un président illégitime accepte de participer à des négociations sans but

mardi 31 août 2010

Abdel Bari Atwan


Depuis son intronisation à la présidence de l’Autorité palestinienne à Ramallah, Mahmoud Abbas a plusieurs fois trahi ses promesses, détruisant ainsi sa crédibilité et celle de tout le peuple palestinien auprès des Arabes et du reste du monde.

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N’est pas Yasser Arafat qui veut... L’ex-président Mahmoud Abbas ne représente plus qu’un comité exécutif de l’OLP fantôme et une direction du Fatah accrochée à ses privilèges.

Après la conférence d’Annapolis, il avait promis de ne pas entamer de négociations aussi longtemps que la construction des colonies se poursuivait ; pourtant, il l’a fait. Il a dit qu’il ne passerait pas des négociations indirectes aux négociations directes à moins que des progrès n’aient été réalisés, mais il se prépare maintenant à se rendre à Washington cette semaine bien qu’aucune de ses conditions préalables aux entretiens n’ait été remplie.

On ne comprend pas très bien pourquoi le président Abbas assiste aux négociations qui n’ont essentiellement aucun cadre de référence bien que même s’il y en avait un, il ne le respecterait pas plus que ceux qui le représentent et il ne s’en tiendrait pas plus à ses objectifs. Je n’exagère pas en disant que Abbas ne respecte pas le peuple palestinien et ses points de vue à supposer qu’il en reconnaisse même l’existence.

Par le passé, Mahmoud Abbas avait recours au comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine et non pas aux conseils national et central pour l’adoption d’une décision justifiant sa participation aux négociations en réponse aux pressions étasuniennes. Toutefois, comme il n’a pas de légitimité personnelle et qu’il n’est pas certain d’obtenir ce soutien, il ne suit plus cette démarche et il a tendance à décider de son propre chef du sort des Palestiniens, avec pour conséquence logique qu’il signerait un accord de paix en son seul nom.

Neuf membres seulement du comité exécutif de l’OLP ont assisté à la dernière réunion, bien que la télévision palestinienne officielle ait montré une salle bondée de participants pour donner l’impression que le quorum était atteint et que la décision du Président était donc légale. Ce fut une des supercheries les plus graves que Abbas ait commises à l’encontre de son peuple.

La liste d’organes représentatifs qui ne le soutiennent pas est longue : le Front populaire démocratique, le Parti du peuple palestinien, ce qui reste des mouvements de libération palestiniens et arabes, les dix factions représentées à Damas (notamment le Hamas et le Djihad islamique, le commandement général du Front populaire pour la libération de la Palestine et la plupart des mouvements de résistance dans la bande de Gaza) ainsi que le Forum économique palestinien. Alors qui le soutient ? Et qui représente-t-il dans ces négociations ?

Un jour après qu’il eut accepté d’aller à Washington, une fuite a révélé qu’il s’indignait de la déclaration faite par la secrétaire d’État US, Hillary Clinton, qui confirmait que les négociations auraient lieu sans aucune condition préalable, reprenant ainsi mot pour mot les exigences du premier ministre Benjamin Nétanyahou. On a dit que Abbas s’est calmé après des appels téléphoniques du département d’État, mais le négociateur palestinien, Saeb Erekat, a ensuite affirmé que le président de l’AP ne retournerait pas aux négociations « s’il était posé ne fût-ce qu’une pierre » dans les colonies israéliennes.

Saeb Erekat a de toute évidence complètement oublié la série de déclarations « pas de pourparlers à moins que ... » que le président Abbas et lui-même avaient faites. Il les retrouvera toutes sur YouTube s’il les a oubliées. Aucune des objections palestiniennes n’a duré plus de quelques jours, parfois quelques heures à peine avant d’être remplacée par un « oui » retentissant, justifié de manière naïve et peu convaincante.

Ce n’est pas par hasard que chaque fois que le Président palestinien décide d’annuler une de ses conditions préalables, ou leur totalité, il retourne néanmoins aux négociations à cause des retards dans le paiement des salaires des 160 000 employés de l’AP. Ce retard est expliqué dans de longs rapports sur l’ampleur du déficit budgétaire et la menace de ne pas payer les salaires pendant des mois s’il n’est pas tenu compte des exigences US.

Aussi, la réalisation la plus pernicieuse de l’Autorité palestinienne est-elle d’avoir réduit le peuple de Cisjordanie et d’une partie de Gaza à devenir « esclaves de leur salaire », exposés à un chantage mensuel. Ce que nous craignons est que cet esclavage conduira à renoncer à toute la Palestine ou à ce qui en reste.

La conséquence la plus sérieuse de la « paix économique » adoptée par l’AP est l’oblitération de l’ histoire honorable des Palestiniens. Juste avant la création de l’Autorité un des slogans les plus importants et vigoureux de l’histoire palestinienne était « pain et dignité ».

Maintenant, en Cisjordanie la nouvelle génération ne connaît rien de l’intifada ni de toutes les autres options de résistance possibles pour les Palestiniens si ce n’est les négociations pour l’obtention d’un salaire à la fin du mois. Cette génération ne sait guère que la situation à l’époque de leurs parents, avant l’arrivée de l’AP, était bien meilleure qu’aujourd’hui. Les choses étaient claires alors : d’une part l’occupation israélienne, et d’autre part une résistance populaire féroce.

Aujourd’hui il y a toujours l’occupation, et en face des agents locaux dont la priorité est d’assurer la sécurité et le confort des colons israéliens ; ces agents sont prêts à attaquer brutalement quiconque insulte ou agace ces colons par des appels à la prière ou la récitation de versets du Coran du haut des minarets en Cisjordanie occupée. Pour apaiser les colons illégaux, le ministre des Awqaf islamiques émet des fatwas qui font injure à la logique et à toute les prescriptions islamiques. Les forces de sécurité palestinienne sont devenues une filiale de leurs homologues israéliens et coordonnent leur activité avec les USA contre leur propre peuple qui envisage un retour au statu quo d’avant la création de l’AP.

Netanyahu ment aux Arabes tout comme aux Étasuniens, mais il n’ose pas mentir à ses alliés de la coalition au pouvoir en Israël, ni à l’électorat israélien parce qu’on lui demandera des comptes s’il ne s’en tient pas à sa plate-forme électorale. Le président Abbas par contre n’a pas de tels comptes à rendre et le peuple de Palestine n’a pas l’occasion de lui rappeler son programme électoral ; il n’a pas non plus la possibilité de menacer Abbas d’un vote de défiance en ce qui concerne sa présidence ; son mandat légal a expiré il y a deux ans et en dépit de cela, il agit toujours comme s’il était un président unanimement élu, doté d’un mandat ouvert.

La Maison-Blanche est bien au courant de cette situation tout comme elle connaît le mécanisme de décision de l’Autorité palestinienne ainsi que les points faibles de ceux qui entourent le président (ils n’ont ni autorité, ni pouvoir politiques). C’est ainsi que l’administration US fait pression et donne ses ordres sachant bien qu’ils seront exécutés sans hésitation.

Avec la bénédiction de certains dirigeants arabes « modérés » (c’est-à-dire également aux ordres des USA) dont le président Abbas sera entouré à Washington, nous pouvons nous attendre à un nouveau massacre dans les annales de la cause palestinienne, cette fois par des moyens politiques et par l’humiliation de l’Autorité palestinienne. Peut-être ces dirigeants encourageront-ils Abbas à serrer chaleureusement la main de Netanyahu devant les caméras de télévision à Washington lorsque l’on annoncera « une percée importante dans le processus de paix ».

Je ne vous apprendrai rien de neuf en disant que ces négociations n’aboutiront pas à un traité de paix équitable ni même inéquitable. Ce dernier spectacle vise à créer un écran de fumée ainsi que les circonstances propices pour lancer encore une autre guerre contre un pays musulman, projet en tête de liste pour les USA et Israël.

L’ancien premier ministre israélien Yitzhak Shamir a accepté d’assister à la conférence de paix de Madrid en 1991 pour couvrir la destruction de l’Irak et le massacre de centaines de milliers d’Irakiens ainsi que pour préparer des négociations avec les Arabes qui dureraient plus de 20 ans sans qu’un pouce soit cédé aux Palestiniens. Par coïncidence, le bras droit de Shamir à Madrid n’était personne d’autre que Benjamin Nétanyahou. Les plans de Shamir ont donc été exécutés avec une avance d’un an sur le programme, avant que le « processus de paix » n’atteigne sa 20e année ; les résultats de ce processus sur le terrain, tout le monde les connaît et il n’est pas nécessaire de les expliquer.

Netanyahu continuera sur le chemin tracé par son professeur Shamir ; il fera tout ce qu’il veut aussi longtemps que ceux qui sont « esclaves de leur salaire » apprécieront la paix économique, qu’ils préféreront le pain à la dignité et qu’ils oublieront qu’ils sont les fils du soulèvement le plus important de l’histoire moderne.

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* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

Du même auteur :

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26 août 2010 - Cet article peut être consulté ici :
http://www.palthawabet.org/en/newsD...
Traduction : Anne-Marie Goossens

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