07 janvier 2011

Ben Ali contre le peuple tunisien


Les Tunisiens vont-ils parvenir à se débarrasser du dictateur Ben Ali, le grand... ami des pays occidentaux ?
N’importe quel autre dirigeant aurait été dézingué de longue date par les belles âmes qui nous gouvernent. Mais Sarkozy, comme Chirac, adore Ben Ali. Les visites présidentielles en Tunisie n’ont été que de sinistres provocations. Le Parti Socialiste fait semblant d’agiter ses petits bras, mais il est sur la même ligne. Ben Ali est un bon gars qui fait régner l’ordre, et impose à son peuple le rôle du gentil sous traitant institutionnel de l’ancienne puissance coloniale. Alors chez ceux qui de longue date ont fait le choix de l’ordre contre celui de la justice, c’est un héros. Ben Ali, un brave arabe absent de toutes les causes arabes...
Le régime ne tient pas par son économie ou sa société, mais par le contrôle policier qu’impose Ben Ali depuis 1987, avec des élections bidon saluées comme des réussites par les pays européens. Il suffit de s’écarter des grands axes, des centres touristiques, et des alignements d’immeubles beaux comme la Silicon Valley pour sentir l’air puant de la dictature policière. Allez dans les banlieues, ou l’arrière pays, restez quelques heures dans les cafés, regardez la télévision d’Etat. Glissez-vous dans un congrès médical, et allez discuter à côté de la salle officielle. Observez les réponses gênées des salariés des hôtels qui ne veulent parler de rien d’autres que du soleil, des épices ou des beautés du pays. Et n’oubliez pas les préfectures et les sous-préfectures, couvertes de photos de Ben Ali, comme les locaux de permanence électorale. La Tunisie est un Etat policier, au service de l’enrichissement d’un clan. Le régime joue sur sa soit-disante lutte contre l’islamisme pour obtenir les grâces absolues des occidentaux, et tout se permettre contre son peuple.
Loin du miracle économique, la société se scinde sous les coups de l’injustice économique et de la répression. Le peuple tunisien est grand, et la société n’a jamais abdiqué de rien. La pensée libre n’a jamais été contenue sur les campus universitaires ; le barreau ne cesse de se battre, procès après procès ; le syndicalisme vit, sous les structures étouffantes qu’impose le pouvoir ; la jeunesse se forme, étudie et tire d’Internet tout ce qu’elle peut pour échapper aux flics.
Ben Ali n’a jamais pris le risque de vraies élections, car il serait balayé. Gbagbo a accepté le jeu électoral. Ben Ali n’est pas assez courageux. Et ceux qui font les matadors devant Gbagbo n’ont pas un mot à dire à Ben Ali.
Quand la situation est explosive, une étincelle peut mettre le feu.
Cette étincelle, c’est l’histoire de Mohamed Bouazizi, ce jeune vendeur de fruits et légumes, âgé de 26 ans, qui s'était immolé le 17 décembre à Sidi Bouzid, dans le centre du pays. Un chômage endémique et une famille à nourrir. Mohamed s’est essayé à vendre dans la rue des fruits et légumes, sur sa carriole. Pas d’autorisation : la police a embarqué ce qui permettait à une famille de survivre. Mohamed s’est rendu à la préfecture, pour rencontrer quelqu’un : niet. Il s’est immolé, et il est décédé hier.
Lors des funérailles, 5 000 personnes étaient réunies, dénonçant cette injustice qui fait mourir. Les manifestations se répandent dans le pays, mêlant la lutte contre l’injustice sociale et la revendication des libertés. Ben Ali a repris sa tronche des mauvais jours pour dire que « la loi sera appliquée avec fermeté ». Appliquer la loi… Un jour, la loi sera appliquée contre toi, Ben Ali. C’est tout ce que je te souhaite.
Pour ce jeudi, on attend de nouvelles manifestations. Les réseaux cherchent à se constituer. Les avocats ont annoncés qu’ils seraient en grève. Tous les démocrates rêvent d’un dénouement, avec des forces qui parviendraient à renverser le dictateur honni, qui ruine son peuple pour mieux enrichir ses proches. Parviendront-ils, alors qu’il y aura un flic pour chaque manifestant, à créer le rapport de forces ?
Avec un courage infini, les Tunisiens seront aujourd’hui devant celui qui usurpe le pouvoir. Si je savais que faire pour leur donner le moindre coup de main…

"20 MINUTES", le 06 janvier 2011

un grand et chaleureux MERCI à notre amie Najoua

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