Article de Gilles Munier (Afrique Asie - janvier 2011)
En mai dernier, Dmitri Medvedev a remis à Bachar al-Assad, un message de Shimon Pérès affirmant «qu’Israël était prêt à lui céder le Golan en contrepartie de la fin de l’alliance stratégique entre la Syrie et l’Iran » (1). Dans le même temps, Benjamin Netanyahou et son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, peaufinaient une loi, déposée en 2008, interdisant toute rétrocession de territoires occupés sans l’accord des deux-tiers des députés ou l’organisation préalable d’un referendum général. Dans un pays dominé par l’extrême droite raciste, hostile à la restitution du Golan et de Jérusalem-Est, la nouvelle loi rend pratiquement impossible la signature d’un traité de paix avec les Arabes.
Guerre de l’eau
Interrogé en 2009 sur l’importance du Golan pour Israël Uzi Arad, conseiller pour la sécurité de Netanyahou, agent du Mossad à Paris en 1987, a répondu: «pour des raisons stratégiques, militaires et agricoles. Les besoins en eau, en vin et… pour la vue » (2). On sait que les visées d’Israël sur le sud du Liban et le Golan ne datent pas d’hier. Dès 1919, Chaïm Weizman, président de l’Organisation sioniste mondiale et futur président d’Israël, écrivait à Llyod George, Premier ministre britannique, que l’avenir du « Foyer national juif » dépendait de son alimentation en eau provenant des sources du Jourdain, du Mont Hermon et du fleuve Litani (3). Le général Moshe Dayan, ministre de la Défense « conquérant » du Golan en 1967, a raconté au journaliste israélien Rami Tal que plus de 80% des tirs syriens sur les kibboutz, dénoncés par Israël, répondaient à des provocations israéliennes (4). La soi-disant menace que faisait peser Damas sur le nord d’Israël n’était qu’un prétexte pour s’approprier un jour les terres fertiles des paysans syriens.
Loi scélérate
Le Golan a été annexé en 1981. Depuis, sa colonisation s’est intensifiée. Plus de 100 000 paysans syriens, druzes pour la plupart, ont été expulsés de leurs terres. Ceux qui restent – environ 18 000 personnes – refusent la nationalité israélienne et manifestent régulièrement leur attachement à la Syrie. Des résolutions de l’ONU exigent la restitution des territoires occupés en juin 1967 (5), mais la communauté internationale est incapable de sanctionner Israël qui ne les respecte pas. La Syrie s’est plaint du détournement des eaux du Golan, du pompage de la nappe phréatique, du percement de tunnels pour entreposer des déchets nucléaires… sans résultat. Elle a négocié la paix avec Israël à chaque fois que l’occasion s’est présentée. La dernière, en 2008, en Turquie, a débouché encore une fois sur une impasse. Comme l’a avoué Yéhuda Harel, représentant des 19 000 colons israéliens du Golan, ce genre de discussion relevait du spectacle (6)…
La houtzpah israélienne – mot yiddish signifiant arrogance – est sans limite. L’impunité dont Israël jouit, aussi. La loi scélérate votée le 22 novembre dernier par la Knesset, imposant un referendum avant tout retrait de territoires occupés, en particulier du Golan et de Jérusalem-Est, conduit mécaniquement à la guerre.
Notes :
(1) Assad: Peres Offered Us 'Golan for Iran and Resistance Movements (interview du Président Bachar al-Assad au quotidien libanais al-Safir, cité par Al-Manar TV, le 18/5/10)
(2) No Golan heights pullout dor Syria peace: Netanyahu aid , par Matti Friedman(The Huffington Post – 10/7/09). Uzi Arad a été interdit d’entrée aux Etats-Unis pour son implication dans un scandale d’espionnage lié à l’AIPEC.
(3) Cité dans « Eaux et territoires: tensions, coopérations et géopolitique de l'eau », par Frédéric Lasserre et Luc Descroix (Presse de l’Université du Québec, 2005)
(4) General's Words Shed a New Light on the Golan, par Serge Schmeman (New York Times- 11/5/97)
(5) Israël refuse toujours d’appliquer les résolutions 242 (22/11/67) et 338 (22/10/73) du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que la résolution 497 (17/12/81) qui considère comme nulle, non avenue et sans aucun effet juridique sur le plan international, la décision d'Israël d'imposer ses lois et son autorité judiciaire et administrative sur le Golan occupé.
(6) Reprise des discussions entre la Syrie et Israël - Le vote de la Knesset risque de peser lourd (AFP – 1/7/08)(5) Israël refuse toujours d’appliquer les résolutions 242 (22/11/67) et 338 (22/10/73) du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que la résolution 497 (17/12/81) qui considère comme nulle, non avenue et sans aucun effet juridique sur le plan international, la décision d'Israël d'imposer ses lois et son autorité judiciaire et administrative sur le Golan occupé.
Et dans AFI-Flash n°110 (janvier 2011)
Appendice 1 :
Golan : toute question portant
sur la poursuite de l’occupation est illégitime (Gideon Levy)
… (…)… La rouerie israélienne se porte bien, elle aussi : on adopte des lois qui prendront effet au jour de l'accord afin de mieux en éloigner la venue. La morale israélienne n'est pas en reste ; la question posée lors de ce référendum sera immorale par excellence ; et à l'erreur s'ajoute la faute puisque nous seuls, Israéliens, fils du peuple élu, déciderons du destin d'un autre peuple qui, depuis deux générations, vit sous occupation. Et c'est cela que nous osons nommer démocratie ! En fait, c'est la houtzpah israélienne qui va pour le pire. La question qui sera posée au peuple n'est pas morale. Elle revient à se prononcer sur la poursuite de l'occupation - qui est pour / qui est contre - comme s'il était légitime de poser une telle question. De même qu'un accord entre bandes sur la répartition d'un butin ne saurait être entériné par un tribunal, toute question portant sur la poursuite de l'occupation est parfaitement illégitime. Penser qu'il puisse nous appartenir à nous, Israéliens, de décider si les habitants syriens du Golan, et les Palestiniens de Cisjordanie comme ceux de la Bande de Gaza, jouiront du droit à l'autodétermination et des libertés fondamentales est grotesque. Cela montre à quel point les valeurs morales et le sens de la justice se sont chez nous pervertis et dégradés.
Source: Israel can't put occupation up for immoral referendum, par Gideon Levy (Haaretz 28/11/10 - extrait)
Traduction :Ilan Rozenkier pour La Paix Maintenant
Appendice 2 : En décembre 1981,
un appel publié
dans le quotidien Le Monde…
resté lettre morte
NON A L’ANNEXION DU GOLAN
PAR ISRAEL
A l’appel du Comité pour la Paix au Proche-Orient (CPO), les signataires condamnent la décision d’annexion du Golan syrien par les autorités israéliennes. Ce nouvel acte contraire aux résolutions des Nations unies sur les territoires arabes occupés depuis 1967 est un prolongement de l’annexion de Jérusalem en 1980. Il démontre la volonté expansionniste du gouvernement israélien et sa politique extrémiste dans la région.
Les signataires demandent instamment au gouvernement français de dénoncer sans ambiguïté la décision du régime israélien et d’en tirer toutes les conséquences dans ses relations avec Tel Aviv. Le Président de la République ne devrait pas cautionner l’annexion du Golan en se rendant en Israël.
Les signataires appellent le gouvernement français et tous les gouvernements européens :
· à agir pour l’application des résolutions des Nations unies relatives au « retrait de tous les territoires arabes occupés depuis 1967 », y compris Jérusalem et le Golan syrien ;
· à prendre des sanctions pour condamner les atteintes au droit international et les agressions de l’Etat d’Israël contre ses voisins arabes.
Signataires (première liste) :
Michel Alloncle, sénateur RPR – professeur Mohamed Arkoun (Paris III) – Denise Barrat, écrivain – professeur Jacques Berque, du Collège de France – général Georges Buis – Régis de Castelnau - Jean Charbonnel, ancien ministre, maire de Brives – Philippe de Saint Robert, écrivain – professeur Dresh – Georges Fisher, directeur de recherche au CNRS – Roger Garaudy, écrivain – Daniel Goulet, député RPR – Michel Grimard, co-président du CPO – Michel Habib-Deloncle, ancien ministre, président de la Chambre de commerce franco-arabe – professeur Jouve (Paris 1) – Roger Kempf, écrivain – professeur Larivière, président de l’Association médicale franco-palestinienne – père Michel Lelong, consulteur du Vatican pour les religions non chrétiennes – Jean-Yves Le Drian, député-maire de Lorient (PS) – Alain Mayoud, député UDF – Serge Mathieu, sénateur – pasteur Mathiot – Elisabeth Mahiot – professeur Miquel, du Collège de France – professeur Monteil – Gilles Munier, secrétaire général exécutif de l’APEBA – Monseigneur Nasrallah, exarque patriarcal d’Antioche – Raymond Offroy, fondateur et président d’honneur de l’Association parlementaire de coopération euro-arabe – M. Pince, président de la Fondation pour l’Europe – Pierre Rondot – Charles Saint-Prot, écrivain, co-président du CPO.
Nota - AFI-Flash : Depuis 1981, tous les présidents français se sont rendu en Israël. Le Comité pour la Paix au Proche-Orient (CPO) a cessé ses activités à la fin des années 80. Plusieurs signataires de cet appel sont aujourd’hui décédés.
Par Gilles Munier
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