14 janvier 2011

A qui Stéphane Hessel fait-il peur ?

par bernard leon, Vérités et mensonges


Depuis que son court texte « Indignez-vous », publié par une petite maison d’édition de Montpellier et vendu au public 3 €, remporte un succès plus qu’inattendu, étonnant (plus de 800 000 exemplaires à ce jour), une campagne de dénigrement est orchestrée pour tourner en dérision, et Stéphane Hessel, et son appel à s’indigner.

Cela a commencé dans plusieurs journaux, allant du Monde à Libération, dans lesquels des chroniqueurs divers et connus, comme Assouline, Marcelle, Delhommais, ont commis de petits brulots plus ignobles que vraiment incendiaires.
Cela ressemblait fort à un mouvement orchestré par les tenants de la cause sioniste, le témoignage de Hessel sur la douloureuse existence des Gazouis étant connu et affiché dans son texte à succès.
À 3000 exemplaires, personne n’aurait réagi. À 500 000 puis 800 000, enfin à bientôt
1 000 000 d’exemplaires, « Indignez-vous » n’est plus du poil à gratter. Il cause un véritable prurit chez certains.
Mais voilà qu’en plus, une émission sur l’économie sociale et solidaire, réunissant Stéphane Hessel, Claude Alphandéry et Edgar Morin prévue sur France Inter dimanche prochain 16 janvier, est subitement déprogrammée et annoncée comme telle dès le 12 janvier. Sous le prétexte des évènements de Tunisie.
Un proche de Stéphane Hessel, questionné, avoue qu’il y aurait eu d’autres entraves ailleurs dans les médias.
La question se pose donc. Qui a peur de Stéphane Hessel ? Outre les dévots du sionisme. Le pouvoir ? C’est possible.
Car Hessel ne craint pas de développer, dans son petit livre dérangeant, que le motif de la résistance c’est l’indignation. Et il donne quelques causes actuelles. L’affaire des Roms, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres, l’état de la planète, le traitement fait aux sans-papiers, aux immigrés.
Et ce qu’il développe comme argumentaire, et qui recueille donc l’assentiment d’un nombre chaque jour croissant de citoyens s’articule fort justement autour de ce que l’État ne fait pas, et qu’il faisait autrefois, alors que la production de richesse à considérablement augmenté depuis la libération, période où la France était ruinée, ce qu’elle n’est pas aujourd’hui.
Sous prétexte de nous parler du programme, de la résistance Hessel nous parle donc, en fait, de notre monde et de notre quotidien, et nous encourage à reprendre le flambeau des  résistants de la Seconde Guerre mondiale, et à le faire vivre.
À l’heure où la jeunesse se rebelle en Tunisie, en Algérie, mais aussi, on l’a vu récemment, à Londres, Rome, Athènes ou Lisbonne, le pouvoir ne craint il pas que notre jeunesse, laissée par l’État et les grandes entreprises transnationales sur le bord du travail, ne se réveille un matin pour questionner, dans la rue, L’État, le Président, et les politiques ?
Alors, le pouvoir essaierait de tuer bêtement dans l’œuf un phénomène qui le dépasse. Essaierait de décrédibiliser un homme de 93 ans, n’hésiterait pas à orchestrer une déprogrammation sur France Inter, qui a connue il y a peu quelques remous fleurant bon la censure.
Mais s’en prendre à un vieux résistant, d’autres vieux résistants peuvent de lever. Il n’en reste pas beaucoup, mais ce sont des phares qui peuvent déranger. Et justement, l’émission programmée de France Inter pour traiter de « l’économie sociale et solidaire », dimanche prochain, allait en réunir trois d’un coup : Stéphane Hessel, 93 ans, Edgar Morin, 89 ans et Claude Alphandéry, 88 ans. Tous anciens résistants.
Le débat aurait pu glisser, vu la conjoncture, de l’économie à l’indignation, et de l’indignation à l’esprit de résistance.
Morin nous aurait parlé de ces « scléroses », de ces « dérives », de ces « dégradations » contre lesquelles il nous faudrait lutter. Alphandéry, désigné à 20 ans, tout juste, responsable de la résistance dans la Drôme, nous aurait parlé de sa foi en l’homme. En un temps où il faut avant tout posséder une Rolex, c’est tout dire de la dangerosité d’un tel propos ! Hessel aurait vraisemblablement répété les propos de son livre. Et peut être évoqué son indignation à propos de la Palestine.
Alors, on déprogramme comme d’autres insultent. On espère ainsi tenir encore un an. Jusqu’aux prochaines présidentielles. On a peur de revoir, ignominie pour la sarkozye, ressortir le vieux slogan : Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !
Alors, la question mérite d’être posée. Qui a peur de Stéphane Hessel ?

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