04 janvier 2011

« De quoi la Palestine est-elle le nom ? » d’Alain Gresh

lundi 3 janvier 2011 - 08h:33
Nouri Nesrouche - El Watan



Le titre du dernier essai, signé Alain Gresh et paru aux éditions Média-Plus, n’a rien de ridicule, au contraire.
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L’auteur d’Israël-Palestine, vérités sur un conflit récidive pour approfondir sa réflexion sur la dimension emblématique de ce conflit et prévoir la fin d’un long scénario de domination à l’orée d’un ordre nouveau marqué par l’émergence de nouvelles puissances et le déclin de celles, alliées traditionnelles du pays de Sharon.Y a-t-il mieux qu’un intellectuel français, de surcroît juif, pour rappeler en ces temps de flous artistiques qui sont les bons et qui sont les méchants aujourd’hui sur la terre d’Abraham.
« De quoi la Palestine est-elle donc le nom ? D’un antisémitisme sans cesse recommencé qui aurait trouvé ainsi un fertile terrain de défoulement ? De la haine de l’Occident nourrie par le monde musulman ? Ou plutôt d’un ordre colonial finissant ? » A priori, la réponse apportée à cette interrogation intéresse davantage le lectorat non arabe ; mais, en vérité, l’ouvrage fort documenté s’adresse au large public, proposant une nouvelle perspective pour la compréhension des enjeux de cette guerre.
Alain Gresh dépoussière des archives précieuses, cite des intellectuels, notamment Israéliens et, d’emblée, met à nu la nature colonialiste du sionisme et de l’État hébreu en traçant son affiliation à l’impérialisme occidental né au cours du XIXe siècle. Les exemples ne manquent pas, les références bibliographiques soulignent le propos. Cet Occident avait décidé que le peuple palestinien, à l’instar d’autres peuples dits « barbares », doit patienter dans « la salle d’attente » de l’histoire. Avant même la proclamation de l’État hébreu, les puissances coloniales du début du XXe siècle avaient accompagné la montée des colons vers la terre promise et ensuite béni la politique d’épuration ethnique à l’encontre des autochtones et de spoliation de leurs terres par ces colons.
La Seconde Guerre mondiale et la Shoah apporteront du charbon au sionisme, qui accueille à bras ouverts des milliers de nouveaux colons fuyant l’Europe, et redouble d’intrigues pour tourner en sa faveur le malheur induit par le génocide nazi. Ce fond de commerce sera déterminant durant les décennies qui suivent pour faire taire le monde, y compris l’ONU, sur toutes les injustices infligées au peuple palestinien. « Le judaïsme des ghettos » se transforme en « judaïsme musclé ». Cela dit, le monde est en train de basculer, assure l’auteur, pour qui l’affirmation de la Chine, de l’Inde et du Brésil pourrait changer la donne au Moyen-Orient dans le concert des nations.
Médiatiquement, l’émergence de la chaîne Al Jazeera représente, selon Gresh, ce basculement et sonne le glas d’un totalitarisme médiatique pro-israélien, symbolisé par CNN. En annexe, Gresh offre aux lecteurs des éléments-clés pour saisir le lien étroit entre la religion et des intérêts sonnants et trébuchants, dans ce face-à-face entre les trois monothéismes. Enfin, une partie est consacrée à la critique de Bernard Henri Levy - qui n’a rien d’un Victor Hugo - et son soi-disant témoignage (en faveur d’Israël) sur l’opération « [Plomb] durci », considérée comme crime contre l’humanité par le rapport Goldstone. A lire sans modération.

3 novembre 2011 - El Watan

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