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16/01/2011
Salve d'applaudissements au beau milieu d'un vol Tunis Air samedi: les passagers viennent d'apprendre le nom de leur commandant de bord devenu un héros pour avoir refusé la veille d'embarquer à Tunis des membres de la belle-famille honnie de l'ex-président Ben Ali.
Les circonstances exactes du fait d'armes de Mohamed Ben Kilani, 37 ans, cheveux courts et fines lunettes, restent obscures mais les louanges des Tunisiens sur les réseaux sociaux lui ont apporté son quart d'heure de gloire.
"J'avais embarqué les passagers, j'étais prêt à décoller pour Lyon (centre-est de la France) vendredi à 14H30 (13H30 GMT) mais je n'en ai pas reçu l'autorisation. On m'a prévenu qu'il y aurait cinq passagers supplémentaires, que c'était un ordre. J'ai tout de suite compris qu'il s'agissait de la famille présidentielle, la famille Trabelsi (nom de la belle-famille du président Ben Ali). Quelqu'un de la compagnie me l'a confirmé", a expliqué à des journalistes le pilote, sorti du cockpit pour rencontrer ses admirateurs.
Il n'était pas rare pendant la présidence de Zine El Abidine Ben Ali que ses proches et ceux de son épouse embarquent ainsi au dernier moment, selon les hôtesses de l'air.
"Il y a eu comme un flash dans ma tête, j'ai revu les images des événements ces derniers jours en Tunisie et j'ai décidé de ne pas participer à cette expédition de criminels. Si je ramène cette famille, je serai un traître pour toute ma vie", poursuit-il, entre deux poignées de mains, tandis que des passagers font la queue pour le prendre en photo avec leurs téléphones portables.
Le pilote explique alors avoir fait part aux autorités de son refus de décoller avec ces passagers supplémentaires, sans s'étendre sur les motifs qu'il a invoqués.
Moins d'une heure plus tard, l'armée prenait possession de l'aéroport de Tunis et l'espace aérien tunisien était fermé pour la journée.
Sauf pour Zine El Abidine Ben Ali qui fuyait le pays pour se réfugier en Arabie Saoudite, après 23 ans de règne sans partage, victime d'un mois de révolte populaire sans précédent contre son régime, qui a embrasé le pays et fait des dizaines de victimes, tombées sous les balles des forces de l'ordre.
"J'ai fait mon devoir en tant que Tunisien. Je regrettais de ne pas avoir pris part aux manifestations alors j'ai voulu participer au mouvement (de révolte) à ma manière. Je représente l'opinion publique tunisienne, j'avais aussi l'approbation discrète du copilote et du reste de l'équipage, ils ne voulaient pas participer non plus, je le voyais sur leurs visages", assure Mohamed Ben Kilani.
"Je n'ai pas personnellement souffert des agissements de cette famille, mais je connais beaucoup de gens qui sont dans ce cas. Cela faisait des années que nous étions sous la pression de ce régime", dénonce le commandant de bord, comparant les Ben Ali-Trabelsi aux époux Ceaucescu, en Roumanie.
"Il faut que tout le monde bouge, il faut bouger pour la liberté", répète entre deux embrassades le pilote qui appelle les Tunisiens, comme lui, à apporter, chacun, leur contribution à la liberté, alors que la situation reste tendue dans un pays en proie aux pillages et aux violences.
Qui étaient les cinq membres de la famille Trabelsi qui voulaient fuir le pays ? Que sont-ils devenus ? Mystère. Un passager croit savoir qu'ils ont été "placés en état d'arrestation".
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