31 mars 2011

Quel modèle de croissance pour la Tunisie

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Quel modèle de croissance pour la Tunisie? Faut-il garder l’ancien modèle de croissance qui donne le primat aux forces du marché au détriment de l’État (privatisation, libre concurrence, destruction des monopoles publics) ? Faut-il opter pour un retour de l’État providence (un État interventionniste dans l’économie, avec un contrôle partiel du système bancaire et un service public puissant ? La réponse à ces questions nécessite un préalable nécessaire, à savoir l’appréhension du fonctionnement du capitalisme.

Par Walid HASNI*: Paris le 31 Mars 2011

Tunisie, capitalisme et morale !
Walid HASNI*

 Quel modèle de croissance pour la Tunisie? Faut-il garder l’ancien modèle de croissance qui donne le primat aux forces du marché au détriment de l’État (privatisation, libre concurrence, destruction des monopoles publics) ? Faut-il opter pour un retour de l’État providence (un État interventionniste dans l’économie, avec un contrôle partiel du système bancaire et un service public puissant ? La réponse à ces questions nécessite un préalable nécessaire, à savoir l’appréhension du fonctionnement du capitalisme.
Le capitalisme est-il  moral ? Non. Le capitalisme est a-moral, immoral, individualiste, égoïste, intéressé… Ceci n’est ni mon avis, ni une pensée propre à certains économistes. Pour une fois les économistes de tout bord (libéraux, ultralibéraux, marxistes, keynésiens, post-keynesiens, hayekiens) sont tous d’accord sur l’immoralité du capitalisme, et dieu sait qu’ils ne sont généralement d’accord sur quasiment rien.
On peut invoquer la nécessité de moraliser le capitalisme, se purger collectivement les consciences en se rappelant de temps à autre les 30000 morts de faim par jours, la misère, les crises financières…. Mais, il ne faut jamais oublier que dans le capitalisme on butera toujours sur la limite que sa logique même nous impose : l’individualisme, l’intérêt personnel, le profit. A cet égard une bonne partie de la doctrine économique, bougrement récompensée par le système, excelle dans l’art de purger les consciences. Leur mot d’ordre est le suivant : la société fait de son mieux pour le maximum de personne et il fallait accepter que le résultat soit très déplaisant à l’encontre de certains. Circuler, il n’y a rien à voir. Moraliser le capitalisme, cela reviendrait à demander à un système qui ne doit sa survie qu’à la recherche permanente du profit de se détourner de la raison même de son existence.
Une fois qu’on a admis les caractéristiques intrinsèques du capitalisme (immoralité, égoïsme, individualisme), on pourrait essayer de tendre tous ensemble en Tunisie vers un capitalisme à visage humain. À savoir, développer,  des domaines d’activité sans la notion de profit, notamment les services publics,  les coopératives agricoles ou industrielles, les associations. Encadrer par des lois très strictes le fonctionnement du capitalisme. L’instauration d’un revenu minimum, et ce, tel que soit la situation de la personne (chômeurs, malades,). Le droit de chaque citoyen à la santé à l’éducation, à la protection contre tous les aléas de la vie, veuvage, handicap… Ceci n’est pas le propres des nations riches c’est une question de volonté politique et de partage.
La révolte en Tunisie était avant tout une révolte sociale. Le régime de Ben Ali n’avait aucune considération pour les laissés pour compte du système économique (chômeurs, malades…). Certes on avait un taux de croissance honorable, mais le partage des richesses était complètement inéquitable. L’urgence économique serait de rétablir un État-providence puissant et voici à mon humble avis, quelques mesures économiques qui pourraient aider l’économie tunisienne à passer ce cap difficile.
  • Nationalisation d’une partie du système bancaire. Toutes les nations industrialisées ont bâti leur développement sur un système bancaire national solide.  À travers ces structures bancaires nationales, l’État peut orienter les crédits vers les secteurs stratégiques. Il peut aussi amorcer des politiques monétaires et budgétaires volontaristes pour contrer le chômage et afin de réduire la fracture entre les régions en lançant des investissements massifs dans des structures publiques (hôpitaux, routes, institutions).
  • Dévaluation (temporaire) du dinar tunisien : ce qui permettra une relance de l’exportation et du tourisme. Ce choc nominal permettra de donner une bouffée d’oxygène à l’économie réelle. Cette dévaluation doit s’accompagner d’une politique de contrôle des prix pour limiter l’inflation importée.
  • Réduire la fracture sociale en créant un impôt progressif sur le revenu.
  • L’instauration d’un impôt de solidarité qui taxera les patrimoines à partir d’un certain seuil. Ceci permettra de freiner la spéculation sur  l’immobilier qui a atteint des prix vertigineux.
  • L’État doit se poser avec gravité la question de l’accompagnement des chômeurs (formation, revenu) car le plein emploi dans une économie capitaliste est un vœux chimère. A ce propos les hommes politiques qui prétendront pouvoir éradiquer le chômage sont de deux choses l’une, soit des menteurs assoiffés de pouvoir soit, ils sont assis sur une ignorance crasse de la réalité économique de leur pays (le taux de chômage cible de la Tunisie à moyen terme serait dans les hypothèses les plus optimistes de 10%)

Livré à lui même le système capitaliste ne permet ni l’allocation optimale de ressources ni l’accomplissement de la justice sociale. Ce pour quoi il faut le dompter à travers deux outils un État-providence puissant et un système fiscal équitable.
Sans justice sociale, la Tunisie ne retrouvera jamais la paix.

Walid HASNI*
Docteur en Economie et politiques internationales de l’université de Grenoble 2
Chargé de mission d’analyse financière dans le cabinet Merci et associés.

toute notre gratitude à Si Ahmed Manaï qui nous a signalé cet article 
http://tunisitri.wordpress.com/2011/03/31/quel-modele-de-croissance-pour-la-tunisie/#more-2971/

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