29 mars 2011

Le PS préfère diaboliser Tariq Ramadan plutôt que de dénoncer l’islamophobie de l’UMP

par Hicham Hamza -


 


Vaudeville. Jeudi, sous la pression de Jean-François Copé, les socialistes Martine Aubry et Laurent Fabius ont retiré leur signature d’une pétition condamnant le débat sur l’islam organisé par l’UMP. Prétexte : la présence, jugée inacceptable, de Tariq Ramadan dans la liste des signataires. Retour en images sur la dérobade.
Fox News avait donc vu juste en le qualifiant, en novembre dernier, de « djihadiste de la terreur »  : au vu de l’effroi qu’il continue de susciter dans la classe politique française, Tariq Ramadan est bel et bien un personnage terrifiant. Dernières victimes de la « guerre sainte » du « prédicateur » musulman : la secrétaire générale du Parti socialiste, Martine Aubry, et son camarade, le député et ancien Premier ministre Laurent Fabius. Suite à une dénonciation du dirigeant de l’UMP, Jean-François Copé, lors de son interview avec Le Figaro, ils ont découvert avoir conjointement signé une pétition avec l’islamologue sulfureux. Et plutôt que d’envisager la manœuvre de leur adversaire politique comme de la délation accompagnée d’une tentative d’intimidation, les deux responsables socialistes ont préféré se défausser, faisant aussitôt retirer leur nom au bas du texte.
Paradoxe : la pétition en question, visant à annuler le débat sur l’islam prévu le 5 avril par l’UMP, ne posait pas jusqu’alors de problème à l’opposition. Preuve en est, d’autres figures socialistes, tels les parlementaires Jean-Louis Bianco et Bariza Khiari, continuent de maintenir leur soutien au texte. Il semble pourtant que l’évocation du personnage controversé que représente Tariq Ramadan suscite, chez certains militants et élus de gauche, une irritation particulière, que l’on pourrait qualifier de « syndrome Caroline Fourest »  : la réprobation automatique, radicale et viscérale, de tout propos ou engagement tenu par le théologien, quel qu’il soit. Ainsi en va-t-il de son soutien à la pétition, initialement lancée par Respect Mag et Oumma.com puis relayée par Le Nouvel Observateur. Le but de ce texte consiste à dénoncer l’instrumentalisation électorale de l’islam-et la stigmatisation conséquente des musulmans- par l’UMP en vue de retenir ses sympathisants attirés par le Front national. Plus de 6000 individus, d’horizons divers, ont déjà apposé leur nom. Jusqu’à l’incident provoqué par Jean-François Copé, et amplifié par le désistement de Martine Aubry et Laurent Fabius, aucun d’entre eux ne s’était soucié de l’identité de chacun de leurs cosignataires. D’autant que les deux responsables socialistes -rejoints dans leur revirement par le président de Sos Racisme, Dominique Sopo- ont innové en matière d’action civique : désormais, l’identité des signataires devrait déterminer, davantage encore que son objet, la signature d’une pétition.
Double discours, double défection
Une attitude que le député européen Dany Cohn-Bendit juge « ridicule » de la part de ses camarades de la gauche. A propos de Tariq Ramadan, l’écologiste va même plus loin  : « Est-ce qu’il a un double langage ? Je n’en sais rien. Il dit "je suis contre la lapidation mais, pour en finir dans les pays musulmans, il faut en passer par un moratoire". En soi, cette stratégie ne me paraît pas scandaleuse. » Depuis, sans craindre l’incongruité de son propos, Martine Aubry se contente d’indiquer qu’elle considère toujours qu’il s’agit d’un « bon texte » tandis que Laurent Fabius précise, pour qui s’en inquiéterait, qu’il n’a « rien de commun » avec l’islamologue. Quant à l’intéressé, il s’est déclaré, vendredi matin sur Radio Orient, « surpris » par ce désistement, allant jusqu’à envisager des conséquences électorales funestes en 2012 pour le Parti socialiste.
« Tariq Ramadan, la signature qui fait débat » : à travers ce montage vidéo exhaustif, Oumma vous propose de découvrir en images l’ampleur de la polémique.
Auparavant, le Parti socialiste entretenait déjà une relation tumultueuse avec Tariq Ramadan. En 2009, lors des auditions parlementaires à propos du projet de loi relatif à l’interdiction du voile intégral, le député Jean Glavany avait violemment attaqué le théologien. Aujourd’hui encore, avec sa collègue parlementaire Sandrine Mazetier, il réitère sa condamnation du personnage, allant jusqu’à accuser l’UMP de duplicité pour avoir jadis fait auditionner Tariq Ramadan. Une nouvelle controverse, plus feutrée, est d’ailleurs apparue à ce sujet lorsque, à son tour, le rapporteur de la loi anti-burqa Eric Raoult qualifia de « mensonge » l’affirmation des socialistes selon laquelle le PS aurait boycotté la venue de l’islamologue suisse dans les locaux de l’Assemblée nationale. Membre du PS, l’avocat Jean-Pierre Mignard préfère quant à lui dénoncer, dans un texte intitulé « Hypocrites ! », les «  donneurs de leçons de l’UMP ».
A l’instar de son mentor Nicolas Sarkozy lors de sa célèbre confrontation télévisée avec Tariq Ramadan en 2003, Jean-François Copé s’est positionné sur le même créneau : la diabolisation à outrance de l’adversaire idéologique. Avant d’affirmer, en février dernier sur France 2, que le théologien partageait avec Jean-Marie Le Pen la même hostilité à propos de la loi contre le voile intégral, le secrétaire général de l’UMP avait débattu, dans une ambiance tendue, avec Tariq Ramadan sur un plateau de Canal +.

Tariq Ramadan Vs Copé par Actualitesetanalyses
Si l’indignation est un ressort dramatique qu’il affectionne, Jean-François Copé sait aussi faire preuve d’un certain relativisme moral comme l’illustrent ses propos, tenus le 11 décembre 2007 et exhumés par Oumma, à propos de la visite en France du colonel Kadhafi.
Pour Martine Aubry et Laurent Fabius, il appartiendra au citoyen de juger de la nature de leur désistement et d’en tirer les conséquences au niveau électoral. Curieusement, alors que l’UMP ne cesse de perdre ses sympathisants musulmans depuis son idée de vouloir « débattre » de la laïcité et de l’islam, le PS semble vouloir afficher le même dédain à l’égard des électeurs, musulmans ou non d’ailleurs, qui seraient soucieux à l’égard du problème croissant de l’islamophobie. L’automne dernier, la secrétaire générale du PS avait déjà réussi l’exploit de s’attirer l’opprobre des militants pro-palestiniens à la suite de son soutien, déclamé devant le CRIF et révélé par Oumma, envers la ville israélienne de Safed. Une bourgade jumelée avec la municipalité de Lille-dirigée par Martine Aubry- mais réputée pour son racisme anti-arabe décomplexé. Quant à Laurent Fabius, il n’est pas à son premier revirement : comme l’illustrent ces extraits rassemblés par Oumma, le député socialiste se déclarait défavorable à toute intervention militaire en Libye avant de s’y rallier, sitôt entérinée la résolution 1973 de l’ONU. 
Outre ces responsables socialistes, un désistement, pour cause de « tariqramadanophobie », est presque passé inaperçu : celui de Dominique Sopo, en charge de l’association Sos Racisme. En 2004, le jeune homme, à peine élu président de son organisation, s’était fait remarquer en se démarquant du MRAP en raison -déjà !- du soutien de Tariq Ramadan à une manifestation commune.
Interrogés par Oumma, des militants antiracistes des quartiers populaires reconnaissent ne pas être surpris par une telle attitude. Il est de notoriété publique que le mouvement est davantage célébré, selon eux, « par les bobos plutôt que par les prolos ». Vivant en banlieue populaire, certains « rescapés » du mouvement « beur » des années 80 et de nouveaux militants -de type « islam 2.0 »- des cités partagent en commun, au-delà de leurs approches différentes de la religion, le même ressentiment à l’encontre de Sos Racisme, accusé d’être un sous-marin pro-israélien du PS. En 1990, un de ses membres fondateurs, Serge Malik, avait rédigé une « histoire secrète » du mouvement, confirmant la rumeur d’une volonté d’instrumentalisation des « Beurs » par les socialistes et l’Union des Étudiants Juifs de France.
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » : reprenant le trait d’esprit de Beaumarchais, Le Figaro est à la hauteur de la devise qu’il s’est octroyé. A l’instar de l’hebdomadaire Marianne, le quotidien s’est insurgé contre ce qu’il qualifie d’« étrange pétition qui a piégé les socialistes ».Une réaction peu confraternelle et digne d’un « supplétif de l’UMP » selon Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur.
Stupéfaction à géométrie variable. Bien avant de « blâmer » un appel à lutter contre l’islamophobie patente de l’UMP, le quotidien du groupe Dassault n’avait pas manqué de « flatter », à travers une « étrange » publicité, le régime Kadhafi.
C’était en décembre 2007, époque bénie pour la diplomatie franco-libyenne et les contrats d’armements conclus, notamment, entre la maison-mère du Figaro et le leader de Tripoli. Une connivence récemment exposée, avec virulence, par le directeur de Mediapart, Edwy Plenel.

Le fondateur de Mediapart s’en prend à la... par LCP
Moralité : aux yeux de Jean-François Copé et du Figaro, il est vraisemblablement plus facile, pour reprendre la délicate expression du secrétaire général de l’UMP, de « perdre son âme » en cosignant avec l’intellectuel suisse une pétition contre l’islamophobie plutôt qu’en faisant commerce avec le dictateur libyen. Tariq Ramadan est l’épouvantail qui cache le charnier.
 
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