15 août 2012

Les ennemis de la Syrie devant l’impasse
 
Akil Cheikh Hussein

En Lybie, les Etats-Unis ont réduit leur rôle militaire direct laissant le soin de remplir la tâche à l’Alliance atlantique et ses prolongements arabes. Quant à la Syrie, ils ont jusqu’à l’heure, limité leur rôle militaire direct aussi bien que celui de l’Alliance atlantique.

On doit dire aussi, si l’on envisage la question sous l’angle de l’entrée de l’axe occidental dans le stade fatidique d’affaissement en dépit du fait qu’il monopolise la direction du monde depuis l’effondrement de l’axe soviétique, que la Syrie n’est pas l’Afghanistan de l’an 2001, ni l’Irak de l’an 2003, ni la Syrie elle-même et ses sœurs arabes de l’an 1967, l’an de la défaite qu’ils ont encaissée face à l’entité israélienne, de l’an 1948, l’an de la spoliation de la Palestine par les Sionistes, ou de l’an 1918 qui a vu les deux superpuissances d’alors, la France et l’Angleterre, faire main basse sur l’héritage ottoman et se le partager entre elles.
La Syrie d’aujourd’hui, telle qu’elle fut sous Feu Hafez el-Assad, telle qu’elle est sous Bachar el-Assad, et telle qu’elle est sortie depuis 1970 d’une longue période d’instabilité jalonnée par de fréquents coup-d ’Etats, est le produit d’une volonté de riposte à Sykes-Picot, à la spoliation de la Palestine, à la défaite du 5 juin 1967, aux accords de soumission et toutes les défaites arabes qui les ont précédés et suivis, à l’état de putride vécu par le monde arabe sous des dirigeants qui gouvernent dans la mesure où ils suivent à la lettre les dictats de l’axe israélo-occidental au mépris total des intérêts de leurs peuples réduits à l’impuissance. 
La Syrie d’aujourd’hui, est pour l’axe dirigé par Washington, ce qu’est le Liban, pour l’entité sioniste : Rien que la hantise, la défaite et le grincement des dents.
C’est cela qui explique la férocité de la guerre contre la Syrie. Son projet de libération et sa place dans le front de résistance sur le plan régional, et dans le front opposé à l’unilatéralisme américain sur le plan international, constituent une véritable menace pour les projets hégémoniques occidentaux, projet qui sont responsables de cet état de délabrement et de misère qui frappe le monde d’aujourd’hui et qui bloque devant l’humanité toute entière les portes de demain.
Si les Etats-Unis réduisent leur rôle, c’est parce qu’ils ont réussi à créer des Etats et des semblants d’Etats, au Golfe et ailleurs, et leur ont donné l’illusion qu’ils pourraient -en s’engageant dans l’action visant à faire aboutir les plans israélo-américains en Syrie- jouer des rôles majeurs dans le leadership régional et occuper d’importantes positions sur le plan international.
On sait pourtant que les Etats-Unis traitent ces Etats et semblants d’Etats conformément à l’esprit de l’adage arabe connu qui dit : « Donne un cheval à ton esclave et envoie-le au combat. S'il meurt, c'est lui qui meurt. S'il gagne, il gagne pour toi ».
Ce qui suscite la consternation et la pitié est le fait que ces Etats et semblants d’Etats croient qu’en se montrant inconditionnellement obéissants aux Américains et aux Sionistes, ils pourraient accéder au statut d’alliés, bien que les plus naïfs des hommes sachent pertinemment que ce qui se passe en Syrie n’est pas en fin de compte une guerre contre la Syrie seule, mais une guerre contre la région toute entière. Il s’agit d’une guerre qui vise à pacifier la région et à la soumettre à un processus de division et de désintégration qui va au-delà de Sykes-Picot pour aboutir à la création dans la région de centaines d’entités confessionnelles, ethniques et tribales bonnes pour pivoter autour de l’axe israélien.     
   
Les prémices des plans de désintégrations ont commencé à apparaitre à travers l’état de tremblement vécu tout particulièrement par les parties régionales déjà embourbées dans la guerre contre la Syrie. Les discordes à l’intérieur de la famille royale saoudienne battent leur plein, l’agitation populaire n’est plus réduite à la région orientale, les étincelles de la révolution au Yémen traversent les frontières vers Ryad. Quant aux Emirats arabes unies et autres entités du Golfe, ils sont déjà en conflit ouvert avec les Islamistes qui arrivent sur les ailes de ce qu’on appelle le « Printemps arabe ». 

Quant à la Turquie, elle n’est plus protégée contre les flammes brûlantes évoquées dernièrement par le président irakien Nouri el-Maliki. Car en plus de l’instabilité politique intérieure, la Turquie est rapidement passée de son fameux « Zéro problème » avec les voisins, à des problèmes en abondance croissante. L’absurdité de son rêve de rejoindre une Union européenne en détresse,  l’exacerbation du problème chypriote, les tensions avec l’Arménie et l’Irak, la tiédeur dans la relation avec l’Iran, l’ambivalence vis-à-vis de la question palestinienne, l’émergence en Syrie d’un troisième problème avec les Kurdes qui s’ajoute aux deux premiers au nord de l’Irak et à l’intérieur de la Turquie elle-même, tout cela la renvoie vers une situation semblable à celle où, il y a un siècle, portait le nom de l’ « Homme malade ».
Avec une différence nettement sensible : A l’époque, la révolution bolchévique et l’intervention militaire ratée de l’Occident dans la guerre civile en Russie l’ont empêché d’achever la Turquie en tant qu’Etat, même s’il l’avait achevée en tant que régime politique. Aujourd’hui, la maladresse de la politique adoptée par le parti d’Erdogan suffit à elle seule de déchiqueter la Turquie.

Après avoir impliqué la Turquie dans la guerre contre la Syrie en faisant d’elle une base arrière des groupes armés, et suite à l’échec de cette stratégie à faire plier la Syrie, l’Alliance atlantique s’emploie à vouloir impliquer Ankara davantage en la poussant à s’engager dans un conflit militaire ouvert avec Damas. Connaissant trop bien les conséquences néfastes d’une telle entreprise, Erdogan veut une intervention de l’Alliance dans laquelle la Turquie y participerait en tant que l’une de ses constituantes.
Mais il se trouve dans une impasse : Pour l’Alliance atlantique, la Syrie n’est pas la Lybie. Cela signifie que la Turquie et les parties régionales impliquées dans la guerre contre la Syrie sont montées à cheval et qu’il ne leur reste que périr. Mais cela ne signifie pas que les vaincus en Afghanistan, en Irak, au Liban et à Gaza sont eux qui récolteront les fruits. Dans la région et ailleurs dans le monde, il existe des forces nouvelles et en plein essor et qui prennent leur élan.            



Source: moqawama.org

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