07 août 2012

M. Le Président de la République Française, François Hollande...

M. Le Président, si nos souvenirs sont exacts, et ils le sont, le slogan de votre victorieuse campagne électorale était « Le changement c’est maintenant! ». Imaginez donc notre surprise, vous sachant hôte caressant d’Alassane Ouattara, dernier rejeton des relations incestueuses françafricaines, reçu avec les honneurs dus à son rang de chef d’état, certainement pas à sa criminelle personne.  
Par un retournement prodigieux du sens premier des mots et des valeurs, vous voilà soudainement continuateur des usages les plus vils et funestes de  vos prédécesseurs. 
Vous voilà hôte d’un despote abusivement présenté comme un démocrate et ami de la France.  
Les victimes du massacre perpétré dans le camp de déplacés de Nahibly à peine ensevelies, que voici M. Ouattara paradant à Paris, salissant l’honneur de ceux qui, ayant voté pour vous, se retrouvent indirectement liés à ce qu’il convient de nommer une forfaiture.
Une nouvelle fois les sacro-saints intérêts de la France priment sur les plus élémentaires préceptes de la morale. De si beaux préceptes, une si belle morale que vous défendez avec empressement lorsqu’il s’agit de soutenir des escouades, substantiellement composées de terroristes et djihadistes, que l’exquise langue germanopratine nomme combattants syriens de la liberté. 
Où est donc le changement, lorsque vous inscrivant dans les pas de Nicolas Sarkozy, vous légitimez l’illégitime, la barbarie et la dictature? 
Votre discours d’investiture, prononcé sous les lambris de l’Elysée, semblait pourtant clair : vous ne reconnaissiez aucune réussite notable au président Sarkozy. 
En accueillant M. Ouattara vous vous contredisez, puisque que ce faisant vous donnez quitus et apportez une caution à un de ses rares succès en politique étrangère : le coup d’état déguisé en intervention humanitaire ayant permis l’accession de M. Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire. 
Vous qui naguère, porté par l’air du temps, qualifiiez Laurent Gbagbo de dictateur infréquentable,  vous vous satisfaites paradoxalement d’une fréquentation aux pratiques autocratiques et sanguinaires autrement plus caractérisées en la personne de M. Ouattara.
Il est vrai M. le Président que le dire et le faire, la morale et les actes, notamment  lorsqu’il s’agit de politique internationale, coïncident rarement pour ainsi dire jamais. 
Pourtant, un virage de cette ampleur, un tel piétinement de principes soi-disant portés par la gauche, laisseront forcément des traces dans les têtes et dans les cœurs. 
Un virage de cette ampleur, un tel piétinement de principes soi-disant portés par la gauche, source de méprise sur votre personne, laisseraient à penser que vous n’êtes ni homme de parole ni homme de principes. 
L’Histoire qui observe et juge pourrait le retenir ainsi…
Vous n’avez, de surcroit, aucune excuse. 
Nous ne doutons pas un seul instant que vous n’ayez pris connaissance des rapports et comptes-rendus dont nous disposons nous-mêmes, sur la dramatique situation humanitaire prévalant dans certaines régions de Côte d’Ivoire, sur la mascarade de réconciliation nationale que joue le gouvernement de M. Ouattara, sur le déni démocratique que constitue l’exercice du pouvoir par ce dernier. Au risque de nous répéter, nous vous demandons : si Laurent Gbagbo était un dictateur infréquentable, qu’en est-il de son successeur ?
Les morts ne pouvant plus être ramené à la vie, nous œuvrons uniquement pour que justice passe. 
Nous œuvrons afin de saluer leur mémoire et laver notre honneur. Nous ne demandons pas à la France d’intervenir en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens, comme les autres peuples Africains, suffisamment piétinés et humiliés par Elle, sont assez grands pour se débrouiller seuls. 
Encore faut-il pour cela qu’on les laisse en paix… En ce sens, nous demandons à la France la cessation de son soutien à un pouvoir corrompu, meurtrier et antidémocratique, non par grandeur d’âme, mais par esprit de responsabilité. Car c’est la France et son armée qui ont installé M. Ouattara, ci-devant préfesident-dictateur de la Côte d’Ivoire. 
De surcroit, il serait de très bon sens de rapatrier les vestiges de certaines pratiques gaulliennes, reprises par tous les présidents de la Vème République. Ce que la vulgate plouto-diplomatique désigne comme les conseillers militaires, en fait la courroie de transmission de l’Elysée… 
Nous demandons l’arrêt du « soutien » économique de la France au gouvernement de M. Ouattara.
Une aide soutenant le peuple ivoirien comme la corde soutien le pendu, ou plutôt comme la laisse retient le chien, et ne profitant qu’au premier cercle d’un pouvoir autochtone exercé par une clique d’affairistes criminels.
Le déshonneur de l’action de l’armée française, M. le Président, nous poursuit depuis plus d’un an. 
Depuis lors, nous nous sommes employés à nettoyer cette tâche souillant notre conscience et l’image de la France, en demandant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur l’intervention de la Force Licorne. 
Le 12 Juillet 2011, une proposition de résolution portant le numéro 3647 et visant la création de la susdite commission a été présentée par Mesdames les députées et Messieurs les députés Patrick BRAOUEZEC, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS devant la Commission de la défense nationale et des forces armées, matérialisant ainsi la mobilisation de femmes et d’hommes ayant soutenu cette action en signant la pétition que nous avions alors mis en ligne. (Voir ici et là)
Le moment, à l’évidence, n'était pas à la remise en cause de l’impérialisme à la française. Ses dégâts collatéraux n’intéressant guère nos députés (les ivoiriens ne sont pas leurs électeurs) et nos médias,  la torpeur estivale a fait le reste : la proposition, dédaignée par la Représentation Nationale, n’a pas eu de suite.
Il nous semble donc approprié, au regard de la fort embarrassante visite de M. Ouattara et du traitement honorifique dont il a jouit lors de son séjour, de relancer la demande auprès de la Représentation Parlementaire nouvellement élue. 
S’il n’est pas dans vos attributions, M. le Président, d’exiger la mise en place de cette commission, il est certainement en votre pouvoir de la freiner, voire de l’empêcher. Nous osons espérer qu’il n’en sera rien. Nous réitérons notre objection quant à la poursuite des relations militaires et d’échanges économiques, relents d’un colonialisme qui avance désormais masqué, caution française de la dictature d’Alassane Ouattara. Nous avons cru comprendre que dans votre pensée, les Africains sont des êtres responsables, capables de se prendre en charge seuls. Vous remerciant pour eux, nous attendons religieusement que vous mettiez vos décisions politiques en accord avec vos paroles. Vous sentant également attaché au lien vous unissant à vos concitoyens, nous espérons que respectant la tradition républicaine, et contrairement à votre prédécesseur, vous répondrez franchement à notre interpellation en apportant toutes précisions utiles sur le positionnement de la France quant aux violations des droits de l’homme politiquement organisées en Côte d’Ivoire. 
Violations dont est victime un de nos concitoyens, Michel Gbagbo, qui, moins infréquentable que ne l'est M. Ouattara, ne bénéficie pas de la prévenance et de la diligence de l’Etat français, alors qu’il est l’objet de traitements inhumains et dégradants dans le goulag ivoirien. (Voir ici et là)
Le changement, plus qu’un mot, est la volonté politique se traduisant dans les faits. 
Ne l’ayant pas encore observé, nous l’attendons encore. Etant du côté du droit et de la morale, celle intangible prescrivant le respect de la vie humaine et non pas de celle variable, s’ajustant  aux désirs des hommes de pouvoir, nous n’avons pour seul agenda que justice soit rendue aux victimes ivoiriennes des politiques amorales de la France, et qu’ainsi notre honneur citoyen soit rétabli. 
L’action « c’est maintenant » M. Le Président. 
Ne trahissez pas si tôt vos engagements, soyez l’homme que vous dites être : accordez vos décisions avec vos propos. 
Nous restons observateurs vigilants de l’évolution des rapports entre la France et l’Afrique en général, entre la France et la Côte d’Ivoire en particulier. 
Nous ne nous contenterons plus de l’enfumage sémantique usuel ou de la langue de bois institutionnelle. Aujourd’hui nous avons le regard clair et ne laisserons pas le temps et l’oubli faire leur œuvre. 
Soyez, M. Le Président,  assuré de notre foi et de notre détermination.
Paris le 26 juillet 2012,
Pour Alternatives et Cohérence
Ahouansou Séyivé

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