12 août 2012

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Libye-Syrie : la lourde erreur de Nicolas Sarkozy
 
En réclamant une intervention en Syrie, l'ancien président de la République se trompe sur tous les plans. Analyse.

On peut légitimement se demander si, en regrettant que la nouvelle majorité n'intervienne pas en Syrie, Nicolas Sarkozy se soucie prioritairement du sort des Syriens bombardés dans Alep et ailleurs ou s'il veut mettre dans l'embarras son successeur et sortir d'un silence qui commence à lui peser. Sans même polémiquer sur le fait qu'il soit étrange pour un tout récent ex-chef d'État de faire savoir qu'il a appelé au téléphone le responsable de l'opposition d'un pays en guerre, il faut rappeler que la Syrie n'est pas la Libye. Sur aucun plan.

Déjà, jamais, compte tenu de l'actuelle opposition russe et chinoise au Conseil de sécurité, l'ONU ne donnera son feu vert à une intervention en Syrie. C'est précisément l'aval de l'ONU qui avait permis de justifier que l'Otan vole au secours de la population de Benghazi. La France, la Grande-Bretagne et les États-Unis s'étant ensuite octroyé le droit d'intervenir jusqu'à la disparition du régime de Muammar Kadhafi. C'est précisément cette extension du feu vert de l'ONU en Libye par les Occidentaux que la Russie leur fait payer aujourd'hui, même si ce n'est pas la seule raison qui explique l'entêtement de Moscou à soutenir Damas.

Mosaïque de communautés

Deuxième différence : la Libye était un pays d'à peine sept millions d'habitants où une grande majorité de la population appelait de ses voeux un changement de régime ; la Syrie est une mosaïque de communautés et de religions de 22 millions d'habitants, dont une partie non négligeable craint un changement de régime. Ces Syriens ne soutiennent pas tant Bachar el-Assad qu'ils craignent l'arrivée au pouvoir d'une majorité dirigée par les Frères musulmans. Il ne faut pas oublier que le parti Baas, fondé par Michel Aflak, un chrétien, était socialiste et laïque.

Troisième différence entre la Libye et la Syrie : la taille des armées. Il a fallu sept mois pour renverser le régime de Kadhafi qui possédait une armée mal équipée et peu nombreuse. L'armée syrienne bien équipée, entraînée, dispose d'armes chimiques et du soutien actif de la Russie et de l'Iran. Derrière cette bataille pour la chute de Bachar el-Assad, c'est un épisode d'une nouvelle guerre froide "soft" qui se déroule.

Guerre froide "soft"

D'un côté les États-Unis et l'UE avec l'Arabie saoudite et le Qatar ; de l'autre, la Russie, la Chine, l'Iran et les pays qui refusent les diktats occidentaux. Personne ne soutenait vraiment Kadhafi isolé et indéfendable. Les Iraniens ont rassemblé 29 pays à Téhéran, ce 9 août, pour appeler à l'ouverture d'un dialogue national en Syrie. Ni la Russie ni l'Iran ne laisseront tomber la Syrie de Bachar el-Assad. Ils ont trop à perdre, surtout l'Iran. Sans Damas, Téhéran n'a plus de pays alliés dans la région et sera coupé du seul mouvement dont il est proche, le Hezbollah libanais.

Dernière différence : contrairement aux Libyens, les opposants syriens, s'ils réclament des armes aux Occidentaux, ne demandent pas - sauf une minorité - d'intervention militaire étrangère directe. Les Syriens ont été traumatisés par la guerre américaine en Irak contre Saddam Hussein et pour "installer la démocratie". Une décennie et plus de 100 000 morts plus tard, non seulement l'Irak n'est pas sorti de la guerre civile, mais il risque d'être durablement divisé. Les Syriens, même les opposants, craignent de revivre un scénario à l'irakienne. Est-ce aux Occidentaux de décider ce qui sera bon pour eux ?

source: Le Point.fr

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