05 janvier 2011

Noël sanglant à Gaza et en Cisjordanie

mercredi 5 janvier 2011
Vittorio Arrigoni



« Nous, nous mettons les bergers dans la crèche, les Israéliens les mettent sous un arbre. À quatre mètres sous terre. » C’est avec sarcasme que mon ami Otaku a commenté sur Facebook la nouvelle du dernier civil palestinien tué par les soldats israéliens. 
 
Et, en effet, durant la période de Noël, en Cisjordanie comme à Gaza, on a enregistré une escalade des attaques non seulement contre les paysans et les ramasseurs de matériaux de recyclage, devenus la cible dramatiquement habituelle des tireurs d’élite de Tel Aviv, mais aussi contre les bergers palestiniens.
Le 15 décembre, le Palestinian Center for Human Rights a dénoncé ce qui est arrivé à Ibrahim Hassan, 28 ans, attaqué par un groupe de colons israéliens alors qu’il faisait paître son troupeau au Sud de Naplouse. Hassan est parvenu à se libérer et à s’enfuir pendant que les colons tuaient deux de ses brebis.
Près de Naplouse encore, 3 jours plus tard, le 18 décembre, un groupe d’Israéliens armés, provenant des colonies de « Eitamar », a attaqué Sameer Mohammed Bani Fadel pendant qu’il faisait paître ses brebis à l’Est du village de Aqraba. Le berger s’est enfui sous les menaces des extrémistes israéliens qui ont mis le feu à son troupeau après l’avoir rassemblé près des broussailles. Le résultat : 12 brebis brûlées vives et 7 autres gravement blessées, un acte abominable et un lourd préjudice économique pour le berger palestinien.
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Mon ami dirait probablement que les colons ont dû se défendre en prévenant la présence éventuelle d’une brebis kamikaze dans le troupeau.

Ici à Gaza les bergers n’ont pas passé un meilleur Noël. Le 19 décembre, Ejmaian Fareed Abu Hwaishel, âgé de 19 ans, faisait paître son troupeau à Beit Lahiya, au Nord de la Bande, lorsque des tireurs israéliens placés sur les tours d’observation ont tiré vers lui et l’ont blessé au pied droit.

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23 décembre 2010 - Le jeune berger palestinien Abu Hashish Salama, pleuré par les siens à la morgue de l’hôpital Kamal Edwan à Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza - Photo : Getty
 
L’épisode le plus grave de ces derniers jours est certainement celui qui a eu lieu le 23 décembre lorsqu’un autre berger, Salama Abu Hashish, a été tué de sang-froid.
Salama était un jeune bédouin âgé de vingt ans qui, pour vivre, depuis son enfance, faisait paître ses brebis du côté de Beit Lahiya. Il a été touché dans le dos par un tireur israélien alors qu’il se trouvait, selon son père, à plus de 300 mètres de la ligne de frontière.
La balle lui a perforé un rein. Porté d’abord sur les épaules, puis sur une charrette tirée par un âne et finalement transporté en ambulance, il a été opéré d’urgence à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahiya, mais il est mort aussitôt après avoir quitté la salle opératoire. C’est ainsi que Noël s’est transformé pour moi en enterrement : la veille funéraire pour la dernière victime de l’oppression israélienne sur Gaza, la treizième depuis le début du mois de novembre.
« Tout ça est dû à l’occupation et à la pauvreté qu’elle a causé à Gaza ! Salama courait beaucoup de risques en s’approchant de la zone tampon, mais il n’avait pas d’autres moyens de nourrir ses animaux », c’est ce que l’oncle du jeune homme a dit à un compagnon de l’International Solidarity Movement pendant que son père Khalil me demandait quand se terminerait enfin cette vague de crimes impunis contre les civils de Gaza.
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Au-dessus de la tente où les membres de la famille se succédaient, les yeux brillants, pour présenter dignement leurs condoléances, à l’étage supérieur de la maison, le cri de l’épouse de Salama, étouffé par le malheur, était imperceptible pendant qu’elle tenait dans les bras Ghassan, le fils qui venait de naître. D’une seule balle, le tireur israélien a tué un homme, rendu veuve une jeune femme de 18 ans et orphelin son premier enfant, venu au monde à peine quelques heures avant le meurtre de son mari.
Salama n’a même pas eu le temps de donner un nom à son fils.
Restons Humains.

* Vittorio Arrigoni réside à Gaza ville. Journaliste freelance et militant pacifiste italien, membre de l’ISM (International Solidarity Movement), il écrit notamment pour le quotidien Il Manifesto. Il vit dans la bande de Gaza depuis 2008. Il est l’auteur de Rester humain à Gaza (Gaza. Restiamo umani), précieux témoignage relatant les journées d’horreur de l’opération « Plomb durci » vécues de manière directe aux côtés des ambulanciers du Croissant-Rouge palestinien.

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Vittorio Arrigoni
Son blog peut être consulté à :
http://guerrillaradio.iobloggo.com/
Vittorio Arrigoni a reçu le prix spécial « Rachel Corrie » à Ovada [Piémont italien] pour son travail d’information à Gaza : http://www.testimonedipace.org,

Du même auteur :
28 décembre 2010 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://it.peacereporter.net/articol...
Traduction de l’italien : Y. Khamal


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