05 janvier 2011

Tambours de guerre en "Israël"

jeudi 30 décembre 2010
Ilan Pappe



Les tambours de guerre se font entendre à nouveau en Israël et s’ils sont audibles, c’est qu’une fois de plus l’invincibilité d’Israël est en cause. 
 
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Gaza, janvier 2009 - Jeune garçon palestinien tué lors de l’offensive israélienne - L’armée sioniste est une armée composée de pleutres et de lâches - dirigée par des criminels endurcis - et qui ne sent à son affaire que lorsqu’elle massacre des civils sans défense, en usant d’une force militaire hors de toute mesure - Photo : EPA
 
En dépit de la rhétorique triomphaliste que l’on trouve dans les rapports commémoratifs des différents médias, deux ans après l’opération « Plomb durci », le sens qui domine est que cette campagne a été un échec comme l’a été la deuxième guerre contre le Liban en [juillet] 2006. Malheureusement, les dirigeants, les généraux et le grand public dans l’Etat juif ne connaissent qu’un moyen de traiter les débâcles militaires et les fiascos. Ils ne peuvent être dépassés que par une autre opération ou guerre qui réussisse, à condition qu’elle soit menée avec plus de force et soit plus impitoyable que la précédente, avec l’espoir de meilleurs résultats.
La force, comme l’expliquent les commentateurs de premier plan dans les médias (se faisant les perroquets de ce qu’ils entendent dire par les généraux de l’armée), est nécessaire afin de « dissuader », de « donner une leçon » et « d’affaiblir » l’ennemi.
Il n’y a pas de nouveau plan pour la bande de Gaza - il n’y a pas de volonté réelle de l’occuper et de la placer sous occupation israélienne directe. Ce qui est suggéré est de meurtrir la bande de Gaza et son peuple une fois de plus, mais avec plus de brutalité et dans un temps plus court.
On peut se demander, pourquoi ceci porterait-il des fruits différents que « l’Opération Plomb durci » ? Mais ce n’est pas la bonne question. La bonne question est : que peut vouloir faire d’autre l’élite politique et militaire d’Israël (qui comprend le gouvernement et les principaux partis d’opposition) ?
Cela fait des années qu’ils savent comment procéder en Cisjordanie - coloniser, pratiquer le nettoyage ethnique et disséquer la région jusqu’à sa mort, tout en restant publiquement fidèle au discours futile sur la paix ou plutôt sur « le processus de paix ». Le résultat final devrait être une Autorité palestinienne aux ordres dans une Cisjordanie judaïsée à l’extrême.
Mais ils sont en panne complète d’idées sur la façon de gérer la situation dans la bande de Gaza, depuis qu’Ariel Sharon a fait son « désengagement ». Le refus de la population de Gaza de se séparer de la Cisjordanie et du reste du monde semble plus difficile à vaincre, même après le prix horrible en vies humaines que les Gazaouis ont payé en décembre 2008 pour leur résistance.
Le scénario pour le prochain tour se déroule devant nos yeux et il ressemble tristement à la même dégradation de la situation qui a précédé le massacre de Gaza il y a deux ans : des bombardements quotidiens sur la bande de Gaza doublés d’une politique qui cherche à provoquer le Hamas afin de tenter de justifier davantage de voies de fait.
Comme l’explique un général, il est maintenant nécessaire de prendre en compte les effets néfastes du rapport Goldstone, à savoir que la prochaine attaque majeure devrait sembler plus justifiée que celle de 2009 (mais cette préoccupation n’est peut-être pas essentielle à ce gouvernement, et ne représente en rien un obstacle).
Comme toujours dans cette partie du monde, d’autres scénarios sont possibles - moins sanglants peut-être et porteurs de plus d’espoir. Mais il est difficile de voir qui peut être à l’initiative d’un autre avenir à court terme : la perfide administration Obama ? Les régimes arabes sans défense ? L’Europe sans caractère, ou les Nations Unies handicapées ? La fermeté de la population de Gaza ainsi que celle du peuple palestinien dans son ensemble font que la grande stratégie israélienne pour les faire disparaître - comme le fondateur du mouvement sioniste, Théodore Herzl, espérait le faire avec le peuple indigène de la Palestine déjà à la fin du XIXe siècle - sera toujours tenue en échec.
Mais le prix à payer pour cela peut encore s’élever, et il est temps pour tous ceux qui ont protesté d’une voix puissante et efficace APRES le massacre de Gaza il y a deux ans, qu’ils le fassent MAINTENANT et tentent de prévenir la prochaine guerre.
Cette voix est décrite en Israël comme une tentative de « délégitimer » l’État juif. C’est la seule voix qui semble soucier sérieusement le gouvernement et l’élite intellectuelle d’Israël (beaucoup plus gênant pour eux que toute condamnation insipide venant d’Hillary Clinton ou de l’Union Européenne). La première tentative pour contrer cette voix a été de prétendre que la délégitimation était de l’antisémitisme déguisé. Cela semble avoir fait long feu depuis qu’Israël a exigé de savoir qui dans le monde appuyait sa politique.
Et bien, il est apparu que les seuls sympathisants enthousiastes de la politique israélienne dans le monde occidental d’aujourd’hui sont les courants, les organisations et les politiciens d’extrême droite, traditionnellement anti-sémites.
La deuxième tentative a été d’essayer de prétendre que les tentatives ayant la forme du Boycott, du Désinvestissement et des Sanctions, rendraient Israël plus déterminé à poursuivre sur sa voie et à agir en État voyou [rogue state]. Toutefois, cela représente une menace vide de sens : la politique israélienne ne dépend pas de cette voix de moralité et de décence ; au contraire, cette voix est l’un des rares facteurs qui puissent limiter la politique agressive israélienne.
Et qui sait quand ?... Si les prochains gouvernements occidentaux s’alignent sur leur public comme ils ont fini par le faire concernant l’apartheid en Afrique du Sud, il peut être mis un terme à cette politique et rendu possible aux Juifs et Arabes de vivre en paix en Israël et en Palestine.
Cette voix est efficace parce qu’elle indique clairement le lien entre le caractère raciste de l’État juif et la nature criminelle de ses politiques envers les Palestiniens. Cette voix s’est récemment structurée dans une campagne organisée et bien définie avec un message clair : Israël restera un Etat paria aussi longtemps que sa constitution, les lois et ses politiques continueront à violer les droits fondamentaux de l’homme et de la société civile pour les Palestiniens où qu’ils se trouvent, incluant le simple droit de vivre et d’exister.
Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est que l’énergie - honorable mais totalement futile - investie par le camp de la paix israélien avec ses notions importées d’occident sur la « coexistence » et les projets de « dialogue », soit réinvestie avant qu’il ne soit trop tard dans une tentative d’empêcher un autre chapitre génocidaire dans l’histoire de la guerre d’Israël contre les Palestiniens.
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* Ilan Pappe est un historien israélien, il est président du Département d’Histoire à l’Université d’Exeter et co-directeur du Centre des Etudes Ethno Politiques d’Exeter.
En 2007 il a publié « The Ethnic Cleansing of Palestine ».
Du même auteur :

27 décembre 2010 - CounterCurrents - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.countercurrents.org/papp...
Traduction : Samer

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