13 mars 2011

Ameer Makhoul : "La terre reconnaît al-Araqib et connaît son peuple"

Par Baladi

De sa prison, Ameer Makhoul participe à la lutte de son peuple, et notamment dans celle que mènent les masses palestiniennes dans la Palestine de l’intérieur, occupée en 48. Ameer est prisonnier, depuis le 6 mai 2010. La veille, il se trouvait dans al-Araqib, village menacé de « déracinement », comme il le dit si bien, détruit près de vingt fois en quelques mois et aussitôt reconstruit, autant que possible (puisque les bras de la destruction ne donnent plus de répit). Al-Araqib est devenu le lieu de la lutte pour les Palestiniens de 48, le symbole de leur résistance au sionisme spoliateur et destructeur.

Ameer Makhoul : 'La terre reconnaît al-Araqib et connaît son peuple'
3ème destruction d'Al-Araqib, août 2010 (Oren Ziv/ActiveStills) -
la dernière destruction du village, le mois dernier, est la 18ème...

Soutenir Ameer Makhoul dans sa prison, c’est aussi diffuser sa pensée et ses écrits, se mobiliser pour soutenir son peuple qui lutte, et notamment pour protéger al-Araqib dans le Naqab. Ameer est prisonnier politique parce qu’il a lutté, avec son peuple, contre l’épuration ethnique en cours, dans al-Qods et en Palestine 48, et parce qu’il a lutté pour briser le blocus contre Gaza.

Une fois encore, Ameer nous explique que son emprisonnement n’est pas une question personnelle, ce n’est pas vers lui que doivent se diriger les efforts, mais vers sa lutte et celle de son peuple. Lors de la guerre criminelle contre le Liban en juillet 2006, Ameer Makhoul avait lancé son cri, de Haïfa, touchée par les fusées de la résistance islamique au Liban : "Ne nous regardez pas, nous, à Haïfa, mais dirigez vos regards vers les victimes au Liban."

Exigeons la libération de Ameer Makhoul, et exigeons aussi la libération de tous les prisonniers palestiniens et arabes des geôles du colonialisme sioniste. Soutenons Ameer Makhoul, et soutenons la lutte de libération de la Palestine, à laquelle il participe et lutte, et pour laquelle il a été fait prisonnier.

La terre reconnaît al-Araqib et connaît son peuple…
Ameer Makhoul, prisonnier
Trad. Rim al-Khatib

Al-Araqib fut le dernier village que je visitai avant mon arrestation. Al-Araqib n’est pas un simple village, mais une patrie et un peuple. J’y étais, sous la tente de sheikh Sayah, la tente de la protestation, et il y avait foule, ce 5 mai, suite à la destruction et la reconstruction. Nous nous sommes réunis jusqu’aux heures tardives de la nuit, en considération de l’obscurité du désert.
Sheikh Raed Salah nous y avait appelés, mais c’est surtout le devoir et la responsabilité nationale qui nous y avaient appelés, et nous nous sommes rencontrés dans al-Araqib, dans la soirée, après avoir mené une visite de terrain dans le village de Houra, où nous avions rencontré le militant Nouri Uqbi, puis nous avions visité dans Liqyeh le militant Alayan Sane’, avant de nous diriger vers al-Araqib où s’était réunie sa population militante. Nous étions une délégation de la commission populaire pour la défense des libertés, issue du haut comité de suivi , et cette délégation comprenait Abdel Hakim Moufid, Raja Aghbariyeh, Qadri Abou Wassel, l’avocat Abdel Raouf Mouassi, et moi-même. Je m’excuse si j’ai oublié d’autres participants.

Ce fut ma dernière visite car, après être arrivé chez moi à Haïfa, après minuit, je suis resté quelques heures avant que les forces de la police et des renseignements n’investissent ma maison et ne m’arrêtent. Je ne peux actuellement suivre l’évolution que par le biais des moyens d’information disponibles en prison.

Nous savions, lors de la rencontre à al-Araqib, que les yeux des forces du déracinement nous guettaient et guettaient al-Araqib, de loin, profitant de l’obscurité du désert agréable et l’utilisant pour se couvrir le visage et leurs mains criminelles. Et comme « les gens de la Mecque connaissent le mieux leur territoire » les gens d’al-Araqib connaissent le mieux leur territoire et leur environnement nocturne, tout obscur soit-il. Cette obscurité du désert, qui était leur amie naturelle, les déracineurs l’ont également confisquée. Ils sont les envahisseurs de la terre et les envahisseurs de la nuit, qui instaurent l’injustice, les ténèbres, le déracinement, l’expulsion et l’exil forcé. Ce sont les ténèbres du projet sioniste tout au long de l’histoire. Les ténèbres qu’il a imposées sur al-Araqib, le Naqab, la Galilée, la côte, le Triangle, al-Quds, Gaza, la Cisjordanie et au-delà des mers, pour empêcher la lumière de la liberté d’arriver à Gaza, encerclée, et ils les ont étendues sur l’exil, dans une tentative vaine de cacher la patrie, loin de la lumière et de l’espoir, et ils l’ont cachée du retour.

Mais le peuple du pays sait son parcours et sait qui le guette, il connait ses droit sur et dans cette patrie.

Les yeux israéliens qui guettent et les bulldozers de la destruction et de l’épuration ethnique ne nous dissuadent pas, ils sont là et agissent, instant après instant, depuis six décennies. Quant à nous, les masses de notre peuple de l’intérieur, nous avons accru notre force, jour après jour, depuis la Nakba et au cours de la Nakba qui se poursuit, nous sommes devenus plus fermes dans notre résistance à l’oppression et au système de l’épuration ethnique, et nous avons libéré notre volonté.

Au cours de cette rencontre à al-Araqib, nous avions préparé un plan de travail et un plan d’affrontement et d’urgence, dans la bataille du défi et du maintien sur place. Nous avions réparti les tâches et partagé les soucis, nous avions planifié le face-à-face à la destruction imminente, d’abord par nos corps, dans une mobilisation humaine, tout en assurant une solidarité locale et internationale efficaces. Nous avions insisté pour reconstruire toute maison qui serait détruite et toute tente qui serait arrachée, quel qu’en soit le prix, et directement après sa destruction, au cas où ils réussissaient à exécuter leurs crimes. Notre visite ne fut pas le début de notre lutte existentielle pour et dans al-Araqib, et ce n’est pas non plus la fin de la lutte, mais il s’agissait d’une accumulation supplémentaire, et de manière organisée. Sachant qu’il s’agit d’une bataille décisive, et non locale, mais une bataille stratégique. Il s’agit d’un événement fondateur supplémentaire de la défense de la patrie et ce qui reste de la terre, une protection de l’existence arabe dans le Naqab, et une récupération autant que possible du droit spolié. C’est la bataille pour la patrie, pour la volonté, et c’est là où se précisent les lignes du développement de la lutte populaire accumulée depuis plusieurs décennies.

Il ne faut pas se comporter avec cette bataille comme un fait passager ou local, car cela signifierait leur remettre al-Araqib, qui est une partie essentielle de la patrie, au moment où le devoir national et l’esprit du défi et du maintien, exigent de nos masses de se comporter avec cette bataille, en ayant devant nos yeux l’événement fondateur le plus important de la défense de la terre et de la maison, qui est la journée de la terre en 1976. Aujourd’hui, nous affrontons un projet d’épuration ethnique issu du même système et de la même essence, mais situé à al-Araqib.

La liaison entre la résistance populaire dans al-Araqib et la résistance populaire dans Sheikh Jarrah, Selwan, Na’lin, Bil’in, dans le Triangle et la bataille d’al-Rawha, la bataille contre les destructions de maisons et la judaïsation, la bataille d’Um Sahali et les batailles du comité des 40 pour la reconnaissance des villages non reconnus et du conseil régional des villages non reconnus dans le Naqab, la bataille de Nouri Uqbi pour la défense de sa terre et de son droit sur et dans sa terre, le mouvement populaire palestinien et international pour briser le blocus contre Gaza, la bataille pour protéger l’arabité d’al-Quds et des lieux saints, ainsi qu’un nombre important de lignes de la lutte et de la résistance populaire, dont l’énergie ne s’épuise pas, mais qui augmente de jour en jour au contraire, où se retrouvent toutes les forces populaires pour donner naissance à un mouvement populaire et une solidarité locale et internationale avec la victime en lutte, et constituer une puissante force de dissuasion contre les envahisseurs dans al-Araqib et ailleurs, et une protection du peuple de ce pays et des propriétaires de cette patrie, qui y vivent ou qui sont ses réfugiés.

Il est important de savoir ce qu’Israël a également compris, c’est que les masses arabes sont une force stratégique, la plus organisée au sein du peuple palestinien, à cette étape, et ces masses sont capables de défendre son droit, son existence et tous les droits de notre peuple. Elles sont également capables de récupérer les droits confisqués, ainsi que la patrie et la terre, comme elles sont capables de diriger une bataille légale, où nous sommes les plus forts, et non Israël. Le système qui déracine la population d’al-Araqib, comme tout le processus de déracinement et d’expulsion, doit se préoccuper tous les jours de sa légitimité, et nous devons, nous, tous les jours, l’occuper par sa légitimité. C’est un système qui ne recule devant aucun crime que dans la mesure où nous l’affrontons. Et dans notre affrontement, nous affirmons, en fin de compte, ce n’est ni al-Araqib ni sa population qui ont besoin d’être reconnus par leurs oppresseurs et déracineurs, puisque la terre les reconnaît et l’histoire les reconnaît, et la patrie connaît son peuple. C’est là où se trouve la légitimité.

Hommage au Haut comité de suivi des masses arabes, qui a défini le lien politique correct entre le soulèvement d’al-Quds et d’al-Aqsa en 2000 et la bataille pour al-Araqib et la défense de la patrie, en annonçant une activité centrale dans al-Naqab et sur les terres d’al-Araqib la veille de la journée de la terre. Il s’agit d’un message pour nous-mêmes, et pour le monde, disant que notre cause est indivisible, que la cause de notre peuple est indivisible.

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