26 janvier 2010

communistes libanais : perspectives de sortie de crise

Les communistes libanais identifient les caractéristiques de la crise et proposent une perspective de sortie

mardi 26 janvier 2010, par Marie Nassif-Debs

Le début de l’année 2010 enregistre des régressions socio économiques très graves ainsi que la recrudescence des guerres impérialistes contre la plupart des habitants de la Planète :

• La crise capitaliste, qui a explosé après plus de dix ans de problèmes, va augmentant. La menace de nouvelles catastrophes, plus virulentes que les précédentes, pèse sur le monde tout entier.
• Les nouvelles guerres colonialistes s’étendent à tout le Sud de la Planète, rappelant la période allant de la fin du XIX° siècle jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale (au milieu du XX° siècle), c’est-à-dire la période de la distribution des parts du « marché mondial » entre les grandes puissances et, surtout, la mainmise de ces puissances sur les sources d’énergie et de richesses que recèle le terre.
• Cette crise et ces guerres sont très visibles dans la région arabe, dans ses deux parties orientale et occidentale, tant par la situation en Palestine qu’au Liban ou, encore, en Irak et, nouvellement, au Yémen et au Soudan.

I . La crise capitaliste

A . Les Etats-Unis

La plupart des rapports et des analyses parus au début de 2010 s’accordent pour dire que les résultats de la première année de l’administration du nouveau président étasunien Barak Obama fut, pour tous ceux qui l’avaient appuyé et s’étaient enthousiasmé de sa venue au pouvoir, une déception générale et sur tous les plans. En effet, il est très vite apparu la grande différence entre les promesses tenues par le candidat à la présidence et les politiques entreprises par Obama en tant que président des Etats-Unis, et qui ne manquent pas de rappeler son prédécesseur George W. Bush ; faits attendus, vu que ce n’est, généralement, pas le président qui peut, à lui seul, prendre les grandes décisions, surtout en matière de politique économique.

Ces rapports économiques, tant officiels que privés, mettent en avant des changements dangereux dans deux indices importants :
• Le premier est l’indice des saisies immobilières qui se sont élevées à 3 millions ; les Etats de la Floride, de l’Arizona, de la Californie et du Nevada venant au premier rang.
De plus, il est noté que plus d’un million de jeunes, qui avaient acheté un appartement durant la seconde moitié de l’an 2009 ou qui ont besoin d’un appartement, vont, soit céder leur logement, soit s’abstenir d’en avoir un, à cause de l’exacerbation de la crise et de ses répercussions sociales prévues.
• Le second, le plus important, a rapport avec la crise de l’emploi.
Le chômage croît à vue d’œil. Le rapport du « Bureau de statistique sur l’emploi » a noté une réelle augmentation du chômage déclaré et camouflé dont le taux est devenu 16,9% de l’ensemble de la population active ; il se répartit comme suit : 14,7 millions de chômeurs qui n’ont aucune possibilité de trouver du travail (9,8% de la population active) ; 9 millions qui ont un travail partiel ; 2,3 millions ont un travail intermittent dont le revenu est très loin d’être suffisant.

En plus de ces indices, qui avaient constitué les détonateurs de la crise économique, il est nécessaire d’attirer l’attention sur deux autres points :
• Le premier, et malgré des déclarations très « rigoureuses », l’administration de Barak Obama continue à accorder une aide financière importante aux banques, dont, dernièrement, un prêt de 90 milliards de dollars.
• Le second réside dans la poursuite de l’escalade des dépenses militaires, à commencer par les nouvelles bases en Amérique latine, en passant par les nouvelles intervention militaires, tant au Yémen qu’à Haïti (sous prétexte d’apporter aide et assistance au peuple haïtien sinistré) ou au Soudan, pour aboutir à l’escalade en Afghanistan où de nouvelles troupes sont envoyées (30 mille), renforcées par un budget illimité aux opérations de la CIA, parmi lesquelles des assassinats menés à partir de drones très performants nouvellement créés.

Tous ces aspects réunis montrent que la nouvelle administration aux Etats-Unis poursuit les politiques néolibérales sauvages. Elle va dans le sens d’imposer des tendances économiques et militaires nouvelles aux alliés de Washington, dont : des aides imposées aux pays arabes pétroliers, la baisse du prix du dollar et des intérêts sur le dollar, les nouvelles guerres qui feraient travailler les usines d’armes et permettraient aux sociétés transnationales d’asseoir leur mainmise sur le monde.

B . L’Europe et l’Union européenne

Quant à la situation en Europe et, plus spécifiquement, dans la zone de l’Euro, elle ne va guère mieux. Au contraire ; les dirigeants de l’UE sont de plus en plus impliqués dans les objectifs militaristes étasuniens, en particulier dans les pays du Moyen et de l’Extrême Orient (l’Afghanistan, le Yémen, l’Iran) : ils dépensent beaucoup d’argent dans des guerres qui ne sont pas les leurs, tandis que les économies des pays relevant de l’Union vivent une forte récession et un chômage qui touche des millions de personnes.

Les rapports parlent de difficultés économiques, financières et monétaires pouvant aboutir à des crashs, tant en Espagne qu’en Grèce, au Portugal et en Italie. Ils ajoutent aussi que le chômage a grimpé jusqu’au seuil de 10% (9,89%) de l’ensemble des forces actives, ce qui donne le chiffre de 23,519 millions de personnes.

Ce taux de chômage est le plus élevé depuis 10 ans ; d’ailleurs, il faut noter que l’augmentation mensuelle enregistrée durant la seconde moitié de 2009, fut de 1%. La Banque centrale espagnole, quant à elle, ajoute que le chômage en Espagne est près de 17% ; ce chiffre ira augmentant pour atteindre, à la fin de 2010, 19,4%. Les femmes actives sont celles qui subissent le plus de pression, vu que les répercussions de la crise se traduisent parmi elles par le taux de chômage le plus élevé ; elles sont suivies de près par les jeunes et les nouveaux venus dans le monde du travail. Ce qui laisse supposer que le chômage ne manquera pas d’avoir des répercussions sur la sécurité sociale et les autres caisses complémentaires.

II . La situation arabe

Le monde arabe et la région moyen-orientale sont considérés comme zones principales pour l’exécution des directives étasuniennes dans les domaines économiques et militaires.

Pour asseoir leur mainmise sur la région arabe, les Etats-Unis ont recours à la politique dite « de la carotte et du bâton », fixant leurs priorités à court terme et selon leurs intérêts tactiques. Voilà pourquoi Washington, tout en poussant vers l’escalade militaire sur le front du Yémen, de « La corne africaine » et du Soudan, a eu recours à calmer la situation sur le front syrien et libanais, d’abord, en aidant à la réconciliation entre l’Arabie saoudite et la Syrie, en acceptant le rapprochement syrien avec la Turquie et, ensuite, en déclarant, par la voix de leur envoyé spécial au Moyen Orient, Georges Mitchell, que la « Syrie a un important rôle à jouer » dans le projet étasunien visant à normaliser les relations entre Israël et les pays arabes.

A . Le problème palestinien

Le retour de Georges Mitchell dans la région et ses déclarations concernant la Palestine marquent un accord complet entre les Etats-Unis et Israël en ce qui concerne la solution de ce problème. Pour Mitchell, à l’instar de sa ministre des affaires étrangères, les négociations entre palestiniens et Israéliens doivent reprendre sans conditions préalables, mais, surtout, dans une atmosphère de calme et de non violence (sous entendre : l’arrêt de toute forme de résistance de la part des palestiniens). De plus, une grande partie de sa tournée est consacrée au retour des négociations indirectes entre la Syrie et Israël.

De plus, certains journaux (dont « Al Qods al arabia ») ont fait état d’un nouveau projet étasunien, mis au point par la CIA, préconisant la création d’une « Confédération des terres saintes » entre la Jordanie, Israël et l’Etat palestinien (s’il est proclamé). Ce projet se base sur les des idées déjà avancées, en 1982, par Shimon Pérès ; il prend comme point de départ le fait que l’avenir de la ville d’Al Qods et le droit au retour constituent les deux problèmes à résoudre et que ces deux problèmes ne peuvent trouver une solution stable qu’au sein d’un Etat confédéral qui déclarerait Al Qods « ville ouverte » et chercherait à mettre au point des solutions à long terme au retour des Palestiniens dans leur patrie !...

Partant de ce projet, qui pourrait aboutir -s’il est adopté- à liquider la cause palestinienne, Israël mène sa nouvelle agression contre les habitants de Gaza ainsi que les mesures visant à l’étrangler (la construction du mur d’acier ou le blocus maritime). De plus, le gouvernement israélien hausse le ton contre les Palestiniens de 1948 et poursuit la « judaïsation » de la partie orientale d’Al Qods. Tout cela à un moment où les divisions palestiniennes intestines s’exacerbent et affaiblissent les forces qui auraient dû œuvrer, ensemble, afin de faire face au nouveau projet américano-israélien.

A partir de ce qui précède, le Parti Communiste libanais trouve qu’il est indispensable, pour les forces de la gauche arabe, de revenir aux décisions prises lors de la conférence internationale extraordinaire de Damas (septembre 2009) et, en premier lieu, à la proclamation unilatérale, de la part des forces palestiniennes, de l’Etat palestinien autonome, à mettre un programme visant à lever le blocus imposé à Gaza et, enfin, à imposer à Israël la mise en exécution de la résolution 194 des Nations-Unies, notamment ce qui a rapport avec le droit au retour.

B . Les deux problèmes du Yémen et du Soudan

Concernant le problème yéménite, une nouveauté est à prendre en considération : l’entrée directe de l’Arabie saoudite, pour la première fois de son histoire, dans le conflit armé du Yémen. Ce développement nouveau montre l’importance du Yémen dans la stratégie future des Etats-Unis dans la région, tant parce qu’il constitue un lieu de passage vers l’Afrique (détroit de Bâb El Mandab), vers Djibouti, la Somalie et l’Ethiopie que par les longues frontières qu’il possède avec l’Arabie saoudite et, aussi, par l’importante influence iranienne sur une partie de sa population (chiite). C’est pourquoi nous avons vu Washington et Londres se hâter, à la suite de l’échec militaire saoudien, à adopter une politique d’escalade, profitant, pour ce faire, de l’affaire de « l’avion américain », venue à point pour donner l’alibi nécessaire à Washington et lui permettre de rappeler ce qui s’était passé le 11 septembre 2001 et de déclarer qu’il va prendre toutes les mesures nécessaires afin de « sauvegarder » le Yémen contre le terrorisme. Pendant ce temps, le président étasunien Barak Obama « promettait » de renforcer la sécurité dans le monde tandis que le premier ministre britannique Gordon Brown haussait le ton contre « le danger croissant du Yémen et du Soudan « , appelant à mettre ce problème à l’ordre du jour du Conseil des affaires générales de l’Union européenne.

Concluons en disant que ce qui se passe aujourd’hui au Yémen, au Sud (où il est à nouveau question pour certains de recourir à une politique scissionniste) comme au Nord, confirme le fait que les Etats-Unis et la Grande Bretagne tentent de morceler ce pays, à la manière de l’Irak. De même, les Etats-Unis œuvrent dans le sens du morcellement du Soudan en trois Etats antagonistes, ce qui leur facilitera de mettre la main sur les richesses minières découvertes à Darfour et dans le Sud.

III . La situation au Liban

Nous avions déjà précisé que le Liban se trouve, momentanément, dans une zone de non-conflit par rapport à la stratégie des Etats-Unis ; cependant, cette situation est très fragile et peut changer à tout instant si Washington ou Tel Aviv trouvent le besoin de faire pression sur l’Iran ou sur la Syrie pour les emmener à accepter certains aspects de la solution préconisée pour la Palestine. C’est dans ce sens que nous devrions comprendre les menaces lancées par Netanyahu et les nouvelles manœuvres qu’Israël prépare sur nos frontières.

Le gouvernement libanais, quant à lui, profite de cette accalmie pour renforcer, généralement, sa mainmise sur l’économie et la situation sociale.. Pendant ce temps, chacune des différentes parties de l’alliance bourgeoise au pouvoir tente d’agrandir sa part au sein du régime, tant à travers le retour aux projets de privatisations préconisés durant la troisième conférence de Paris que par le biais de nouveaux projets économiques liant plus encore le Liban à la politique du Fonds monétaire international. Nous nous contenterons de citer, en plus de la diminution des retraites toujours pris comme exemple, le projet dit de « la couverture sociale » qui constitue, en fait, une tentative nouvelle pour liquider la Caisse nationale de sécurité sociale. Sans oublier, non plus, le projet qui se prépare sur le plan des anciens loyers.

En dehors de ces projets, le nouveau gouvernement n’a présenté que des solutions partielles pour résoudre le problème des coupures du courant électrique comme pour le déficit du budget… par contre, les coupures du courant augmentent et les impôts indirects sur les carburants ont augmenté vingt fois en un an, entre 2008 et 2009, puisque les rentrées sont passées de 44,8 milliards de livres libanaises (2008) à 925,4 milliards (2009). Ajoutons à tout cela que la dette publique continue à augmenter ainsi que les intérêts exorbitants que l’Etat paie aux banques et qui vont dans quelques poches bien choisies.

D’un autre côté, le chômage poursuit sa montée, surtout parmi les jeunes et les nouveaux venus sur le marché du travail qui ne trouvent pas où se placer, y compris dans les pays arabes pétroliers très touchés par la crise du capitalisme. Et les régions libanaises, en dehors de la capitale et d’une ceinture environnante de 200 km carrés, vivent de plus en plus pauvrement.

Sur le plan de l’administration, on note la présence de 20 000 postes vacants ; cependant, les parties au pouvoir se déchirent pour augmenter leurs parts dans ce gâteau : ce qui remet aux calendes grecques l’étude de la fonction publique. Pendant ce temps, certains postes sont remplis en ayant recours à des moyens détournés.

Enfin, sur le plan politique, des tentatives visent à supprimer la décision prise par l’ancien parlement sur le vote à 18 ans aux élections législatives prévues pour le mois de juin ( ?). D’ailleurs, le nouveau projet, présenté par le ministère de l’intérieur, ne prévoit ni la suppression de la mainmise de ce ministère sur les municipalités ni la suppression de la dépendance de ces municipalités vis-à-vis du ministère des finances. En même temps, des batailles rangées se font autour de la formation de la haute commission pour supprimer le confessionnalisme en politique.

IV . Les positions du PCL et son programme de lutte

Le Parti Communiste libanais trouve qu’il est indispensable de faire face aux tentatives du gouvernement de mettre à profit la réconciliation entre l’Arabie saoudite et la Syrie, le calme précaire qui règne dans les régions frontalières Sud, mais, surtout, la faiblesse du mouvement syndical (divisé par les dissensions confessionnelles) pour faire passer des projets déjà refusés par le mouvement populaire.

A partir de cet état de fait, les Communistes, syndicalistes ouvriers ou enseignants, ou, aussi, étudiants, ont mis au point un programme qui sera présenté dans les différents secteurs dans lesquels ils sont actifs. Ils visent, à partir de ce programme, à regrouper les comités syndicaux, les secteurs des métiers libéraux et ce qui reste des comités de locataires, à organiser des débats dans les corps des métiers et dans les régions, ainsi qu’une manifestation d’ouvriers et de salariés (début mars) pour défendre les droits des masses populaires qui sont en prise avec une situation très critique, pouvant détruire ce qui leur reste de dignité.

Les mots d’ordre essentiels seront ceux votés lors de son X° Congrès, en plus de ceux décidés en commun avec les partis communistes et ouvriers durant la tenue du Congrès extraordinaire de Damas et du XI° Congrès à New Delhi.

Les priorités seront :

A) Sur le plan politique libanais régional et international :

1. La lutte pour une nouvelle loi municipale et le vote à 18 ans.
2. L’opposition, par la résistance, à toute tentative d’agression nouvelle de la part d’Israël.
3. La mise au point d’un plan d’action contre la poursuite de l’agression israélienne à Gaza et dans les autres régions palestiniennes ainsi que contre la construction,par l’Egypte, du « Mur de la honte ».
4. L’organisation d’une campagne nationale contre l’agressivité des Etats-Unis et de l’OTAN dans la région arabe et contre la présence des bases militaires dans la Méditerranée et le monde.

B) Sur le plan socio-économique :

1. Organiser une campagne contre la nouvelle loi sur les loyers qui aura pour effet de mettre plus de 100 mille familles dans la rue.
2. La majoration des salaires minimum et des allocations familiales.
3. Poursuivre la campagne déjà commencée en novembre contre les impôts indirects et les tentatives de liquider la sécurité sociale et médicale au profit des sociétés d’assurance.

Le Comité des relations internationales
Du Parti Communiste libanais
Beyrouth, le 25 janvier 2006

Accès à la version arabe
Texte en arabe

Pétition
Non au terrorisme de l’Etat d’Israël

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