Georges Frêche, l'ami des juifs accusé d'antisémitisme
Par Julien Martin | Rue89
Frêche pourrait perdre le soutien du PS aux régionales, après avoir déclaré que Fabius avait « une tronche pas catholique ».
Même exclu du PS, Georges Frêche continue d'ébranler son ancien parti. La première secrétaire Martine Aubry a saisi ce jeudi le bureau national qui devra se prononcer mardi sur ses derniers propos qu'elle juge « indignes d'un élu de la République ». Sujet de la polémique : selon le président de Languedoc-Roussillon, son ex-camarade Laurent Fabius « a une tronche pas catholique ».
Des propos prononcés le 22 décembre lors du conseil d'agglomération de Montpellier qu'il préside, et repris par L'Express paru ce jeudi. Le site Montpellier-Journal.fr publie l'enregistrement :
« Si j'étais en Haute-Normandie, je ne sais pas si voterais Fabius. Je m'interrogerais. Ce mec me pose problème. Il a une tronche pas catholique. Mais ça fait rien, peut-être que je voterai pour lui, mais j'y réfléchirais à deux fois. » (Ecouter le son)
L'ancien Premier ministre étant issu d'une famille juive, il n'en fallait pas plus pour que la sortie choque. Même si L'Express rappelle que Laurent Fabius « a été élevé dans la religion catholique » et se définit lui-même comme « agnostique » et « laïque dans l'âme », tout en reconnaissant dans son livre « Les Blessures de la vérité » (Flammarion, 1998) :
« L'opinion me considère comme juif. (…). Dès lors, je laisse dire, j'assume et même je revendique. »
« Les ambiguïtés de Georges Frêche, ça suffit »
Mais la polémique est bel est bien lancée. Si l'intéressé n'a pas encore réagi, son porte-flingue Claude Bartolone s'en est chargé pour lui, ce jeudi sur Europe 1 :
« Il y a des moments où ça suffit, on ne peut plus jouer. Les ambiguïtés de Georges Frêche, ça suffit. Je pense que c'est une phrase qui a été pensée et pesée par Georges Frêche pour faire mal, c'est une phrase que l'on ne peut pas accepter. »
Autre socialiste à réagir, Manuel Valls, qui a demandé sur France Info la constitution d'une « nouvelle liste » en Languedoc-Roussillon, estimant que « le risque de perdre une région n'est rien par rapport au risque de perdre nos valeurs ».
Martine Aubry a également fait savoir qu'elle proposera au bureau national de demander à Hélène Mandroux de conduire une nouvelle liste de rassemblement de la gauche et des écologistes en Languedoc-Roussillon. Une proposition d'ores-et-déjà acceptée par la maire PS de Montpellier :
« J'appelle tous les socialistes, toutes les composantes de la gauche et les écologistes à venir me rejoindre sans arrière-pensée, sans calcul, avec la volonté de faire gagner la gauche et de faire gagner le Languedoc-Roussillon. »
Georges Frêche avait en effet été investi au mois de décembre par les militants socialistes puis la direction du parti pour conduire les listes divers gauche aux régionales. Et les sondages le placent en tête des intentions de vote dès le premier tour.
« Je suis ravi qu'un juif soit président de la République »
L'accusation d'antisémitisme est pourtant paradoxale. Il suffit de taper « Frêche + juifs » sur Google pour s'en rendre compte. A part les liens qui renvoient à l'actualité du jour, la quasi totalité des occurrences accusent Georges Freche d'être l'ami des juifs.
Au premier rang desquelles on retrouve cette vidéo, tournée le 24 juin 2007 à Montpellier, à l'occasion de la « Journée de Jérusalem », dans le cadre du jumelage entre sa ville et la localité israélienne de Tibériade :
« Je suis ravi que, pour la première fois, la France ait élu au suffrage universel direct, ce sera mon bonheur dans mon malheur, un juif président de la République. On avait eu Léon Blum et Mendès France premiers ministres, mais on n'avait jamais eu un juif élu au suffrage universel. C'est un beau succès.
Et en plus avec Kouchner ministre des Affaires étrangères, qu'est-ce que vous voulez de plus ? Alors je vais dire à mon ami Kouchner : quand c'est que tu reconnais Jérusalem capitale d'Israël ? » (Voir la vidéo)
Outre le fait que ni Nicolas Sarkozy ni Bernard Kouchner ne soient juifs du point de vue de l'orthodoxie de la religion, la déclaration, loin d'être la seule en ce sens, avait suffit pour voir se multiplier les accusations de sionisme.
« J'ai répondu par une expression populaire »
Jadis taxé de sioniste et aujourd'hui d'antisémite, Georges Frêche n'a cependant jamais été condamné pour injure raciste, malgré ses propos controversés sur les « blacks » en équipe de France de football ou sur un groupe de harkis assimilés à des « sous-hommes ».
Pour l'intéressé, qui s'est défendu ce jeudi dans un communiqué, il ne s'agit que d'une « chasse à l'homme », fomentée par la direction du Parti socialiste :
« Interrogé sur le non-soutien de Laurent Fabius à mon endroit [exprimé le 20 décembre sur France 5, ndlr], j'ai répondu par une expression populaire utilisée par tous les Français depuis des siècles. Cette position exprime le manque de confiance que j'ai à son égard depuis le Congrès de Rennes de 1990 et pas autre chose.
A Paris, se servir de mes propos, les déformer à dessein, devient la principale occupation de certains dirigeants en panne d'idées. (…) Comme le dit le dicton populaire hérité de Voltaire : “Gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m'en charge.” »
Photo : Georges Frêche en mars 1998 (STR New/Reuters).
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