Gaza sous le supplice du garrot
mercredi 20 janvier 2010 - 06h:48
José Goulão
Il y a environ deux semaines, un groupe d’organisations non-gouvernementales [ONG] renommées a lancé l’alarme : douze derniers mois après la catastrophe imposée par le gouvernement et l’armée d’Israël à la population sans défense de Gaza, les institutions internationales n’ont pas respecté une seule de leurs promesses de soutien et de secours faites alors que se déroulait la tragédie. À ce moment-là beaucoup d’hommes politiques, de nombreux gouvernements, de nombreuses organisations transnationales avaient multiplié de pieuses déclarations promettant toutes les formes d’aide pour que la population de Gaza - plus d’un million et demi de personnes entassés dans une petite bande de 300 kilomètres carrés - puisse vivre avec une minimum de dignité.
Un an plus tard, la situation a encore empiré. A la mort brutale provoquée par les instruments de guerre a succédé la morte lente, une agonie qu’une grande partie du monde perçoit mal car elle n’ouvre pas les journaux télévisés et ne fait pas les titres de l’actualité. A moins qu’un désespéré ou un fanatique ne lance un engin plus ou moins artisanal sur les troupes occupantes... et alors oui, nous sommes devant un acte de terrorisme... Le reste, le siège qui asphyxie, s’insère dans les mécanismes défensifs routiniers de l’Etat d’Israël.
Ces derniers jours, des sursauts de violence militaire contre le territoire ont refait surface, et on entend dire que c’est la réponse d’Israël à de nouveaux lancements de roquettes faits « par le Hamas », une déclaration qui peut ne pas être exacte tant sont nombreux les groupes et groupuscules qui se reproduisent dans la bande de Gaza, alimentés par le désespoir, la colère, la haine d’une situation qui bouche complètement tout horizon.
Dans le même temps, le zèle avec lequel le régime égyptien prouve qu’il veut devenir invulnérable sur sa frontière avec Gaza a exacerbé l’irritation des habitants du territoire qui voient un pays arabe « frère » adopter un comportement identique à celui d’Israël. Il est facile de constater que le silence du gouvernement de l’Autorité palestinienne [AP] de Mahmoud Abbas Mahmoud face au comportement égyptien ne facilite pas du tout le processus de réconciliation nationale, absolument nécessaire pour que la résistance palestinienne retrouvent les conditions minimales permettant de lutter pour ses droits nationaux.
Si, par absurde, les autorités de Ramallah s’imaginent trouver une solution pour l’enclave « fondamentaliste » de Gaza grâce au renforcement du siège, elles finiront par payer cette option tôt ou tard, et très chère. Les premières victimes en seront une fois encore les Palestiniens - à la fois ceux de Gaza et de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la Diaspora, car la reconnaissance et l’application de leurs droits apparaîtront d’autant plus éloignés.
Le territoire de Gaza est l’une des plus touchés par les problèmes humanitaires dans le monde. Il supporte une des densités démographiques les plus importantes sur terre, largement dominée par les générations plus jeunes ; il n’a pas de ressources naturelles ou, à cause du siège, il ne peut pas exploiter les rares qui lui restent ; il n’y a pas d’eau, pas de conditions sanitaires minimales ; le système de santé est en rupture ; les logements se détériorent, en particulier dans les camps de réfugiés, nés déjà dans des conditions déplorables ; l’insalubrité est générale, le chômage est absolu et les emplois dépendent du filtre imposé par Israël, conformément à ses besoins en main-d’œuvre esclave dans un espace transformé en camp de concentration.
Le régime égyptien d’Hosni Mubarak prétend que la mise en place de ce qu’on appelle le « mur d’acier » pour fermer les accès par les tunnels vers Gaza, serait liée la nécessité d’empêcher le trafic d’armes, une initiative exigée par Israël afin que les relations entre les deux pays ne soient pas détériorées. L’Égypte, à son tour, fait valoir que ce geste de « bonne volonté » [vis-à-vis de l’état sioniste] offre les conditions pour relancer les négociations entre Israël et l’AP. Le « mur d’acier » fera cesser, peut-être, le trafic d’armes. Mais il empêchera de façon certaine l’entrée dans Gaza des biens essentiels qui y parviennent de cette façon et atténuent, bien que de manière très limitée, les pénuries générales. Un an après, la guerre contre Gaza se poursuit grâce à l’arme de la faim.
Ce processus se développe dans le cadre général d’un Moyen-Orient dominé par la stratégie du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Malgré quelques difficultés ponctuelles pour masquer l’agitation de l’extrême droite et du fondamentalisme religieux et présenter ainsi un semblant de modération, Netanyahu mène le jeu militaire et diplomatique du moment qu’il est convaincu que le président des États-Unis ne traduira pas en actes les intentions affichées quant au processus diplomatique.
Barak Obama, comme on le sait, a commencé par demander à Israël de geler la construction et l’expansion des colonies dans les territoires palestiniens afin de créer un climat propice à la reprise de négociations entre les parties belligérantes.
Netanyahou avait d’abord déclaré qu’il ne suspendrait pas la colonisation afin de ne pas étouffer la « croissance naturelle » de ces regroupements d’habitations, jugés illégaux, puis il a proposé l’arrêt des travaux pendant 10 mois pour « tester » les intentions palestiniennes, tout en autorisant l’annonce au même moment de la construction de nouveaux logements juifs à Jérusalem-Est, faisant valoir que ce territoire n’était pas l’objet de négociations - un argument plus que suffisant pour faire capoter les pourparlers.
Barak Obama et sa secrétaire d’Etat Clinton ne se sont jamais ouvertement opposés à ces pratiques de Nétanyahou, se contentant de légères remontrances sans conséquences. Ils ont d’autre part clairement assumé une stratégie gouvernementale en faveur d’Israël dans la région, l’isolement de l’Iran permettant de lier les principaux pays arabes à cette politique, notamment l’Egypte.
Abbas et l’AP elle-même ont alimenté une certaine ambiguïté au sujet de ces manoeuvres stratégiques, tout en sachant que le gouvernement israélien veut imposer que l’Iran soit considéré comme le principal problème au Moyen-Orient afin d’y dissoudre le conflit israélo-palestinien, le reléguant ainsi au second plan.
Preuve de cette ambiguïté, Mahmmud Abbas a commencé par accepter le report de la discussion du rapport de l’ONU qui concluait qu’il y avait eu « crimes de guerre » lors de l’invasion israélienne de Gaza, mais pour changer de position peu de temps après. En tout état de cause, il est devenu clair que l’AP est l’otage des promesses faites par les Etats-Unis de reprendre les négociations de paix, et elle veut éviter toute initiative pouvant être présentée comme un obstacle à la fois par Nétanyahou et Obama.
D’où son silence devant les actions égyptiennes à l’égard de Gaza, réalisées dans le cadre d’une convergence stratégique entre le Caire, Washington et Tel-Aviv.
Alors que le mur israélien d’Apartheid continue de s’étendre en Cisjordanie et que l’Egypte installe le « mur d’acier » face aux tunnels permettant de joindre la bande de Gaza, Israël a monté un système de fusées antimissiles tout autour du territoire assiégé, ôtant ainsi toute signification à la question du trafic d’armes.
Un an après le massacre de Gaza, les principales victimes restent les Palestiniens où qu’ils soient, de plus en plus éloignés de la reconnaissance de leurs légitimes droits nationaux. Netanyahu mène le jeu de dire « non » face à la complaisance d’Obama et l’AP reste en place bien au-delà de son mandat tout en espérant faire partie de négociations qui jamais ne reprendront. Quant au Hamas, non seulement il survit, mais il continue de se développer, capitalisant de plus en plus les énergies de la résistance palestinienne face aux compromissions et ambiguïtés de l’AP de Ramallah. La soi-disant communauté internationale et le Quatuor en charge de la question de la feuille de route « pour la paix » se tiennent à l’écart de tout comme d’habitude.
Et le garrot se resserre autour des habitants de Gaza, tandis que le mur en Cisjordanie renforce l’occupation en convergence avec l’avancée des colonies de peuplement et des différentes formes de présence militaire israélienne. Le jour où sera annoncée la reprise de négociations, il n’y aura plus rien à négocier...
* José Goulão est député du Bloc de Gauche (Portugal) au parlement européen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire