Respect du droit d’asile pour les Kurdes de Syrie
Les 140 boat people débarqués sur les plages de Bonifacio ont demandé le statut de réfugié. La France doit, avec classe et donc générosité, honorer ses engagements à l’égard des demandeurs d’asile.
Human Rights Watch, dans un rapport publié à New York, le 26 novembre 2009, avait tiré la sonnette d’alarme : « Les autorités syriennes devraient mettre un terme à la répression illégale et injustifiée de rassemblements pacifiques de Kurdes, ainsi qu'à l'arrestation de défenseurs des droits politiques et culturels kurdes. » Un rapport de 63 pages, intitulé « Une population privée de ses droits : Répression des droits politiques et culturels des Kurdes en Syrie ». Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch, expliquait : « Alors que d'autres pays de la région, de l'Irak à la Turquie, s'efforcent de mieux traiter leurs minorités kurdes, la Syrie refuse de suivre cette évolution. En fait, la Syrie continue à se montrer particulièrement hostile à toute expression de droits politiques ou culturels des Kurdes. »
Répression systématique de rassemblements politiques et culturels, interdiction des célébrations du Nouvel An kurde (Norouz), arrestations, procès de quinze principaux dirigeants politiques depuis 2005, tortures, menaces… La Syrie ne reconnait pas les partis politiques, de telle sorte que tout membre d'un parti peut être arrêté pour appartenance à une organisation non autorisée. Ce 15 novembre 2009, la Cour pénale de Damas a condamné trois responsables du Parti Azadi kurde, qui lutte contre la discrimination de la minorité kurde, à trois ans de prison pour « affaiblissement du sentiment national » ainsi qu'« incitation à des conflits sectaires ou à des luttes raciales et provocation de conflits entre les confessions et les différentes composantes de la nation ».
Un militant politique kurde détenu en octobre 2008 pendant trois mois dans la section Palestine des services de renseignements militaires a décrit les traitements qu'il a subis de la part des enquêteurs : « Si l'enquêteur n'était pas convaincu de la véracité de mes propos, les gardes m'emmenaient à la zone de torture où ils me forçaient à rester debout pendant de longues journées, les mains attachées derrière sur le dos et les yeux bandés avec un morceau de tissu noir. Je devais rester debout pendant 11 jours avec seulement de courtes périodes de repos de 10 minutes pour manger. Si je tombais à cause du manque de sommeil ... ils jetaient de l'eau froide sur moi et me battaient avec des câbles. J'ai développé de nombreuses maladies à cause de cette torture. Les examens médicaux subis après ma libération ont révélé une inflammation des articulations ainsi que des infections à l'estomac, aux reins et à la poitrine ».
Oui, mais voilà la Syrie peut devenir douce pour les Occidentaux, vite aveuglés par un intérêt à court terme.
Alors, comme ça, 124 de ces victimes de l’arbitraire sont arrivés sur le sol français, après avoir tout misé, leur vie et leur fortune. Un tiers sont des enfants. Débarqués par des trafiquants, jetés sur la plage de Bonifacio. Quelques mètres de sable, comme la branche qui peut sauver ma vie, celle de ma famille. Comme tout un chacun, une vie sur terre, et l’aiguillage de cette vie, c’est pour eux Bonifacio. Aussitôt arrivés, ils demandent l’asile. Le Maire a ouvert un gymnase, et le préfet devait tenir une réunion. Las, ce sont des cars qui sont arrivés, pour embarquer ces pauvres gens et leur infini espoir. Direction la base aérienne de Solenzara, pour casser le groupe vers les centres de rétention de Lyon, Marseille, Nîmes, Rennes et Toulouse. Et là, c’est déjà inadmissible. Le statut de réfugié n’appartient ni à l’identitaire Besson, ni au plus célèbre auvergnat de Neuilly.
Le droit d’asile est tellement important qu’il est régi d’abord par des textes internationaux : Convention de Genève du 28 juillet 1951, complétée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967, textes mis en œuvre par les articles L 713- 1 à L 713- 3 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). C’est aussi l’article 4 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre droit positif : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».
Quel est le problème ?
Ces personnes ont tout pour être considérées comme demandeurs d’asile. La minorité kurde est objectivement victime de persécution, et le rapport de Human Rights Watch le confirme. Il s’agit d’une démarche organisée, par un groupe, avec des familles entières. Ils ne sont en rien connus comme délinquants. Des hommes et des femmes fuient un pouvoir enchristé dans la dictature, et demandent la protection vu la persécution dont ils sont l’objet. Il fallait donc les regrouper, les restaurer, les soigner, et les rassurer. Avant toute chose répondre à leur désarroi, et ensuite procéder à une première évaluation, pour leur permettre d’exercer pleinement ce droit que garantit la constitution. S’il apparait nécessaire de vérifier que les demandes d’asile ne sont pas « manifestement infondées », il est possible de placer les personnes en zone d'attente. Il en existe 80 en France. S’ouvre une période de 4 jours, qui peut être reconduite par le juge des libertés et de la détention, pour huit jours renouvelables. Si la demande est « manifestement infondée », la personne est expulsée. Dans le cas contraire, elle est autorisée à entrer en France. Il lui est remis un sauf-conduit valable huit jours pour se rendre à la préfecture et y demander son admission. S’ouvre alors le processus d’examen du dossier.
Ce qui est absolument inadmissible, c’est que ce groupe d’êtres humains – vous et moi – a été séparé et adressé dans ces centres de rétention administrative (CRA), destinés aux étrangers en situation irrégulière. Ils sont considérés comme des clandestins, et leur qualité de demandeur d’asile est bafouée. Il va falloir suivre les évènements d’heure en heure, mais vu leur placement en CRA, il faut craindre qu’ils reçoivent un avis de reconduite à la frontière ! Comme si le droit d’asile, dans la République française, devenait secondaire. Ils auraient alors 48 heures pour contester, et pourraient déposer une demande d'asile dans les cinq jours à laquelle l'OFPRA doit répondre en 96 heures. Un délai accélérer, admissible pour de clandestins de longue date, mais scandaleux pour ces personnes qui vivent quelques unes des heures les plus difficiles de leur vie. J’ajoute que, avec cette procédure, si sa réponse devait être négative, il n'y aurait pas de recours suspensif. Ce serait donc le retour en Syrie. Qui peut l’imaginer ?
Jean-Paul Nunez, délégué national de la Cimade en Languedoc-Roussillon, explique : « Dans l'ordre des choses, on traite d'abord les dossiers de demande d'asile et après éventuellement, on place en centre de rétention administrative. Là, c'est l'inverse qui a été choisi. »
Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’est inquiété, demandant à la France de « s'assurer que toutes les personnes arrivées clandestinement en Corse puissent demander l'asile et bénéficier d'un examen complet et équitable de leur situation ». Pour le ministère de l’identité grimaçante, « les procédures légales ont été respectées ». Tant mieux, mais j’attends quand même l’exercice de voies de recours et les décisions de justice.
« Ah oui, mais belle âme, vous ouvrez la porte d’un mouvement sans fin ». Non, c’est vous qui niant les réalités du droit ouvrez la porte vers des dérives sans fin.
Amies et amis kurdes, je vous souhaite la bienvenue. Vous n’avez pas de droit au statut de réfugié, et vous le savez, mais vous avez un droit à ce que votre demande soit examinée, dans le respect des faits et du droit, avec humanité et équité. La France est une terre d’asile, et ne doutez pas que des professionnels et des militants vigilants veilleront sur la juste application de la règle, car votre droit et le nôtre, c’est kif kif bourricot. Vous allez permettre une bonne mise à niveau, sur l’état de respect du droit d’asile. Votre arrivée va faire exploser le débile débat sur l’identité nationale. Rien que pour cela, mais aussi parce que vous avez choisi la France, lui rappelant que son histoire la conduit à défendre son titre de patrie des droits de l’homme, pour tout cela, je vous dis merci.
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