Sous l'état d'urgence imposé en 1992, et sous la présidence d'Abdelaziz Bouteflika qui a été "réélu" sans peine pour un troisième mandat, l'Algérie a continué de connaître des violations généralisées des droits humains. Il s'agit notamment des restrictions sur la liberté des médias et d'assemblée, des sévices infligés par la police aux personnes soupçonnées de terrorisme pendant les interrogatoires, de l'impunité accordée aux membres des forces de sécurité et aux groupes armés pour les crimes passés, et de l'échec continu à rendre compte des personnes victimes de disparition forcée aux mains des agents de l'Etat pendant le conflit civil dans les années 90. Sur une échelle moindre que les années précédentes, des groupes militants ont poursuivi leurs attentats mortels, en ciblant principalement les forces de sécurité.
Liberté d'expression et d'assemblée
Les médias audiovisuels sont contrôlés par l'Etat et intègrent dans leur grille de programmes très peu d'émissions critiques ou d'opinions divergentes sur les politiques gouvernementales; cependant, ils proposent la retransmission en direct des sessions parlementaires. Les journaux privés bénéficient d'un espace considérablement plus libre, mais les lois répressives sur la presse, leur dépendance vis-à-vis des revenus de la publicité du secteur public et d'autres facteurs limitent leur liberté de critiquer le gouvernement, l'armée et les puissants.
Le code pénal et les lois de la presse imposent des peines de prison allant jusqu'à deux ans, assorties d'amendes pour diffamation, insultes, ou pour avoir offensé gravement le président, des responsables gouvernementaux et des institutions étatiques.
En mars 2009, Nadjar Hadj Daoud, le rédacteur en chef du site web d'actualités Al Waha, a commencé à purger une peine de six mois de prison pour diffamation à propos d'un article de 2005 accusant un fonctionnaire du gouvernement local de tentatives de viol contre de nombreuses collègues féminines. Selon le groupe new-yorkais Committee to Protect Journalists (CPJ), le tribunal a libéré Daoud provisoirement pour raisons médicales en raison des blessures qu'il avait subies en se faisant poignarder quelques semaines plus tôt. Daoud a informé le CPJ qu'un « lobby de la corruption » a déposé 67 plaintes pour diffamation contre lui depuis 2003.
En janvier 2009, Hafnaoui Ghoul, un journaliste indépendant et membre de la section de Djelfa de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), a été attaqué par un agresseur armé d'un couteau. Hafnaoui a affirmé au CPJ que les autorités locales avaient fermé les yeux sur l'agression. Ghoul a souvent été l'objet de poursuites pour diffamation au cours des dernières années, en raison de ses articles accusant des fonctionnaires et des individus puissants de corruption et d'abus de pouvoir.
Les titulaires de passeports européens ou nord-américains doivent obtenir un visa d'entrée en Algérie, que les autorités refusent souvent aux journalistes et aux défenseurs des droits humains. Les citoyens du Maroc et de la Tunisie, pays voisins, n'ont pas besoin de visas. Toutefois, le 4 avril, les autorités ont refoulé Sihem Bensedrine, journaliste tunisienne et défenseure des droits humains invitée par la LADDH pour suivre la couverture par les médias locaux de l'élection présidentielle, alors qu'elle cherchait à entrer en Algérie. Le 9 avril, la police a arrêté et interrogé pendant quatre heures les journalistes marocains Hicham El Madraoui et Mahfoud Aït Bensaleh, qui étaient venus pour couvrir l'élection. Les deux hommes ont également indiqué qu'ils avaient été suivis par des policiers en civil et que leur chambre d'hôtel avait été saccagée.
Peu avant l'élection présidentielle, les autorités ont confisqué des copies des hebdomadaires français L'Express, Marianne, et Le Journal du Dimanche. Leur couverture de Bouteflika et de la campagne électorale auraient conduit à l'interdiction de ces hebdomadaires.
Un décret de 2000 interdisant les manifestations à Alger demeure en vigueur. Les autorités exigent que les organisations obtiennent l'autorisation du gouverneur local avant la tenue de réunions publiques. Un important contingent de policiers a convergé le 17 juillet 2009 vers une salle du centre-ville d'Alger en vue d'empêcher une conférence que les organisations représentant les victimes du terrorisme avaient organisée, sous le titre « La mémoire des victimes vers la reconstruction d'une société ». Les organisateurs, qui ont dit qu'ils n'avaient reçu aucune notification écrite de l'interdiction, ont déplacé l'événement au bureau du Collectif des familles de disparus en Algérie. En octobre, la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l'Homme (LADDH) a reçu une notification écrite interdisant une réunion sur la peine de mort prévue dans un hôtel d'Alger.
Liberté de religion
L'ordonnance 06-03, une loi de 2006, prévoit des peines de prison pour prosélytisme de la part des non-musulmans et leur interdit de se rassembler pour prier, sauf dans des lieux approuvés par l'Etat. Les autorités refusent les demandes présentées par les groupes chrétiens protestants pour utiliser des bâtiments pour le culte exposant ainsi leurs membres au risque d'être persécutés s'ils prient dans des lieux non autorisés.
Impunité pour les violations du passé
Plus de 100 000 Algériens sont morts pendant le conflit civil des années 90. Des milliers d'autres ont « disparu » aux mains des forces de sécurité ou ont été enlevés par les groupes islamistes armés et n'ont jamais été retrouvés, ni morts ni vivants. Les auteurs des atrocités de cette période continuent à bénéficier de l'impunité. Le cadre juridique pour l'impunité est la loi de 2006 dite Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui accorde une amnistie aux membres des forces de sécurité pour les actions qu'ils ont menées au nom de la lutte contre le terrorisme et aux membres de groupes armés.
La loi promet une compensation aux familles des personnes « disparues », mais en même temps elle érige en infraction pénale les critiques des institutions de l'État ou des forces de sécurité pour la façon dont elles se sont conduites au cours de la période du conflit civil. Les organisations représentant les familles des personnes « disparues » ont condamné l'incapacité persistante de l'Etat à fournir des informations précises sur le sort de leurs proches portés disparus.
Détention au secret, torture et peine de mort
Le Comité des Nations Unies contre la torture, dans son examen du rapport de l'Algérie à la commission de mai 2008, s'est déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles la limite légale de 12 jours en détention préventive « peut, en pratique, être étendue à maintes reprises » et que « la loi ne garantit pas le droit à un avocat pendant la période de détention provisoire, et que le droit d'une personne en garde à vue pour avoir accès à un médecin et à communiquer avec sa famille n'est pas toujours respecté ».
Par exemple, selon des organisations algériennes des droits de l'homme, des hommes en civil ont arrêté Moussa Rahli d'Ouled Aïssa, dans le gouvernorat de Boumerdès, le 17 mars 2009. Les recherches effectuées par son père auprès des postes de police de proximité et des casernes militaires n'ont abouti à aucune information sur le sort de Rahli. La police est retournée fouiller la maison familiale le 27 mars et a confisqué la voiture de Rahli, selon son père. Ce n'est que vers le 20 avril que la famille a appris que les autorités détenaient Rahli dans la prison militaire de Blida.
Le Comité international de la Croix-Rouge visite régulièrement les prisons ordinaires en Algérie, mais pas les lieux de détention gérés par le puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS), un service de renseignement de l'armée.
Acteurs internationaux clés
L'Algérie a continué durant l'année 2009 à rejeter les demandes formulées de longue date dans le cadre des Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, relatives à des visites par les Rapporteurs spéciaux sur la torture, sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, ainsi que par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.
Par ailleurs, le rapport Advancing Freedom indique que les Etats-Unis « continuent d'exhorter le gouvernement à dépénaliser la diffamation de la presse ».
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