On en parle depuis des semaines. C’est fait. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) vient de l’annoncer. Afin de renforcer la sécurité aéroportuaire et la lutte anti-terroriste, la France va recourir aux "body scanners" ou scanners corporels qui permettent de détecter les substances ou objets dangereux portés par les passagers.
Dès le 22 février 2010 le premier scanner corporel sera testé à l’aérodrome parisien de Roissy-Charles de Gaulle sur le terminal 2E pour le contrôle des voyageurs à destination des Etats-Unis sur les compagnies Air France, American Airlines et Delta Airlines. Le "body scanner "sera inauguré par des passagers volontaires à destination de Miami.
L’utilisation de scanners corporels fait partie des mesures de sécurité demandées par l’administration américaine pour le contrôle des voyageurs sur les vols vers les Etats-Unis suite à la tentative d’attentat sur un vol Amsterdam-Detroit le 25 décembre 2009.
A noter :
- Il s’agit d’une expérimentation et non d’une obligation. Les voyageurs "pourront choisir entre la fouille corporelle, comme c'est le cas actuellement, et le passage au scanner", explique Eric Heraud de la DGAC.
- Cette phase d'évaluation et d'expériences doit durer de 1 à 3 mois
- En France une expérimentation avait eu lieu à l'aéroport de Nice-Côte d’Azur en novembre 2008, mais elle avait été rapidement suspendue suite à l’opposition de plusieurs instances et de parlementaires européens par crainte de l’atteinte à la vie privée des passagers.
Si la France défend le principe d'une expérimentation préalable à l'éventuelle généralisation du système, on peut légitimement s’interroger : l’utilisation des scanners corporels pourrait-il bientôt remplacer les méthodes traditionnelles d'inspection des personnes : passage dans des portiques de détection d'objets métalliques, palpations de sécurité. Allons-nous assister à une généralisation des scanners corporels dans les aéroports ?
L’équipe du Blog Opodo vous présente un état des lieux sur le "body scanner" en France et à l’étranger.
Le scanner corporel : technologie et enjeux
A quoi ça sert ?
Le " body scanner " est un nouveau dispositif d'imagerie qui peut être utilisé dans le cadre de la sécurité aéroportuaire pour l'inspection et le filtrage des personnes accédant à une zone réservée.
Il est capable de détecter sans palpation toutes sortes d’objets interdits non repérables par les portiques de sécurité. La forme des objets transportés par la personne, même ceux cachés dans ses vêtements et quelle que soit leur nature (liquides, plastiques, armes métalliques ou non-métalliques, clés ou autres objets personnels, etc.), apparaît sur l’écran.
Comment ça marche ?
Sorte de cabine en verre dans laquelle pénètre le passager, le scanner corporel utilise la technologie des ondes millimétriques. Le passager soumis au scan corporel doit s'immobiliser pendant quelques secondes, soit à l'intérieur du scanner soit en face de celui-ci. Une image numérique de son corps est produite sur un écran visualisé par les agents habilités à procéder à l'inspection et au filtrage des voyageurs. Si le scan détecte un objet autre que les vêtements de la personne, ces agents ont le droit de la fouiller ou d’effectuer des palpations de sécurité. " Avec ce système, on peut voir tout objet figurant sous les vêtements. Les ondes se réfléchissent sur la surface de la peau. Il n'y a aucune pénétration dans le corps humain", explique Patrick Gandil, Directeur général de l'Aviation civile.
Le débat autour du scanner corporel
Le scanner corporel pose un problème d'éthique. Ce nouveau dispositif donne lieu à des présomptions de voyeurisme. Il s'agirait d'une fouille virtuelle qui permet de voir les personnes "comme si elles étaient nues". Le scanner, qui déshabille virtuellement sur l'écran la personne contrôlée, peut se révéler très intrusif et attentatoire à l'intimité des personnes comme dévoiler une maternité, d’éventuelles infirmités ou toute autre information relative à leur santé.
Des voix s’élèvent contre ce scanner "voyeur" et exigent une utilisation plus respectueuse de la vie privée. Plusieurs autorités, médicales, comme l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et l'Affset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail), ou encore la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés, ndlr), sont saisies et informées de cette installation.
Le scanner corporel en France : état des lieux
En France c’est au législateur d’établir les garanties de nature à concilier les impératifs de sécurité et le respect des libertés publiques. Le vote d’une loi est nécessaire pour rendre obligatoire l’utilisation du scanner corporel dans les aéroports. Actuellement un texte est en cours de discussion à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure, dite Loppsi 2. Selon son exposé des motifs, il vise à autoriser, à titre expérimental et pour une durée limitée (trois ans à compter de la promulgation de la loi), un "usage restreint" des scanners corporels, afin que les autorités françaises soient "en mesure d'apprécier l'intérêt de leur déploiement".
Les fouilles par ce biais devront l'être "avec le consentement de la personne" et l'analyse des images visualisées devra être effectuée "par des opérateurs ne connaissant pas l'identité de la personne". "Aucun stockage ou enregistrement des images n'est autorisé", précise le texte.
Les autorités de protection des données se mobilisent activement sur ce sujet. Soucieuses de garantir le respect de la vie privée des personnes, la CNIL et le Groupe des CNIL européennes (G29) ont émis des recommandations sur la mise en œuvre de scanners corporels :
♦ mettre en place des mécanismes de floutage du visage et des parties intimes du corps,
♦ restreindre la visualisation des images par des personnels habilités dans des locaux non ouverts au public,
♦ limiter la conservation des images produites par les scanners corporels à la durée nécessaire au contrôle,
♦ sécuriser la transmission informatique des images des passagers.
Le scanner corporel a-t-il un avenir dans les aéroports ?
Ces recommandations du G29 rejoignent les sérieuses réserves émises par la commissaire européenne à la Justice, la luxembourgeoise Viviane Reding, le 12 janvier 2010 : "Les scanners ne sont pas la panacée universelle…Notre besoin de sécurité ne peut justifier des violations de la vie privée. L'usage des scanners corporels ne doit se faire que sur une base volontaire et les images doivent être immédiatement détruites", a-t-elle affirmé. Madame Reding a aussi demandé "un contrôle des conséquences sur la santé". "Il ne faut jamais se laisser guider par la peur et nous devons nous tourner vers des moyens moins intrusifs, moins agressifs" pour contrôler les passagers.
Aujourd’hui il n’existe aucune réglementation européenne unique. Le commissaire européen désigné aux Transports, l'Estonien Siim Kallas, a précisé que :"Le fait que certains Etats de l'UE utilisent déjà des scanners corporels sans normes ayant fait l'objet d'un consensus est une très mauvaise chose". "Il faut des règles uniformes (dans l'Union) pour les scanners corporels", a-t-il insisté.
Lors du sommet Justice-Affaires intérieures à Tolède en Espagne, les ministres européens de l’Intérieur et de la Justice, en présence de la secrétaire américaine à la sécurité intérieure Janet Napolitano, ont décidé d’attendre les rapports delà Commission européennes au sujet de l’efficacité et les effets sur la santé des scanners et du respect de l’intimité des personnes.
Ce nouveau portique de sécurité, d’un coût de 100 000 à 150 000 euros, est déjà testé dans d'autres aéroports dans le monde pour contrôler tous les passagers en partance vers les Etats-Unis :
♦ Ce dispositif est opérationnel dans plusieurs aéroports internationaux en Hollande, en Suisse, à Moscou, à Jeddah en Arabie Saoudite, à Amsterdam-Schiphol, aux Pays-Bas, en Finlande et en Suisse.
En Angleterre, ces aéroports sont passés au scanner corporel :
Luton à Londres, au le terminal 2 de Manchester depuis octobre 2009, les terminaux 1 et 3 de Manchester d’ici fin février 2010 comme ceux d’Heathrow et Birmingham. Le ministère des Transports britannique indique que les scanners débarqueront dans tout le pays "dans les mois à venir".
L’Italie a annoncé l’achat de 15 scanners.
♦ Aux Etats-Unis
Les dix plus grands aéroports américains recourent déjà aux scanners corporels. "Les scanners corporels sont un outil à la disposition des États-nations. Nous, aux États-Unis, nous poussons à la roue. Nous avons actuellement quarante scanners dans nos aéroports et nous en aurons quatre cent cinquante de plus dans l'année à venir" a affirmé Madame Napolitano lors du sommet de Tolède.
L’équipe du Blog Opodo vous tiendra informés de l’élargissement éventuel de l’application du scanner corporel dans les aéroports français.
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