30 octobre 2010

Le scénario de transfert - Un exercice secret israélien simule des émeutes des citoyens arabes


Mondialisation.ca, Le 22 octobre 2010


La semaine dernière, Israël a organisé secrètement un exercice d’entraînement pour tester sa capacité à réprimer toute agitation civile qui pourrait résulter d’un accord de paix avec l’Autorité Palestinienne nécessitant le transfert forcé de nombreux citoyens arabes, ont rapporté les médias israéliens. L’exercice avait pour but d’évaluer la préparation des unités de défense civile, police, armée et service carcéral pour contenir des émeutes à grande échelle de la minorité arabe d’Israël en réponse à un tel accord.

Le scénario de transfert reprend une proposition d’Avigdor Lieberman, ministre israélien des affaires étrangères d’extrême droite, qu’il a appelé un « échange de population ».

Lieberman propose des échanges de terre qui obligeraient une grande partie des 1,3 millions de citoyens arabes à partir dans un futur Etat palestinien, en échange de l’annexion par Israël de la plupart des colonies juives de Cisjordanie. Ce projet a été largement critiqué comme étant une violation du droit international.

Lieberman a exposé sa proposition devant l’Assemblée générale des Nations Unies le mois dernier. Bien que Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien, ait dit qu’il n’avait pas été consulté avant la prise de parole, il n’a pas fait de remontrance à Lieberman.

L’exercice d’entraînement a alimenté les craintes de la minorité arabe d’Israël que le gouvernement puisse espérer faire pression sur Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, pour qu’il accepte des échanges de terre et de population dans le cadre des négociations de paix, parrainées par les Etats-Unis, qui sont au point mort.

Dov Chenin, membre du parlement israélien qui représente le Parti communiste juif-arabe, a demandé mardi au gouvernement davantage de détails sur l’exercice lors d’un discours à la chambre, mais les responsables n’ont fait aucune réponse dans l’immédiat.

Chenin a dit que l’exercice était le signe qu’Israël penchait dans « une direction extrêmement dangereuse ».

« Il y a quelques années, seuls les partis d’extrême-droite parlaient de transfert des citoyens arabes, mais aujourd’hui, nous voyons que même les forces de sécurité préparent des plans concrets pour mener un tel scénario. »

Netanyahu a demandé cette semaine que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un Etat juif avant que de nouvelles avancées soient possibles – une démarche considérée par la minorité arabe comme une menace à son statut à l’intérieur d’Israël.
Un porte-parole du Département d’Etat des Etats-Unis a fait référence à cette reconnaissance comme « requête centrale » et a dit qu’elle avait le soutien de Washington.

Haneen Zoubi, membre arabe du parlement, a dit que l’exercice avait pour but d’envoyer des « messages très clairs » à la minorité arabe et aux négociateurs d’Abbas.

« Netanyahu nous fait savoir que nous ne faisons pas partie de sa vision de l’avenir d’Israël en tant qu’Etat juif et que, si nous tentons de résister à ses projets, nos protestations seront accueillies par une répression violente, » a-t-elle dit.

« Il veut aussi que les négociateurs palestiniens comprennent ses exigences minimales pour un accord. Ni la justice pour les Palestiniens, ni la création d’un Etat viable, ne l’intéressent. »

Les détails des cinq jours d’exercice ont été révélés le week-end dernier sur la station de radio La Voix d’Israël par Carmela Menashe, l’une des correspondants militaires les plus respectées d’Israël.

L’exercice prévoyait de répondre à d’importants troubles parmi les citoyens arabes d’Israël, un cinquième de la population, tandis que les forces de sécurité préparaient des changements de frontière qui relocaliseraient de force nombre d’entre eux dans un nouvel Etat palestinien, selon le rapport de Menashe.

Dans le cadre de l’opération, nom de code ‘Warp and Weft’ (Chaîne et Trame), les services de sécurité ont créé un grand centre de détention en Galilée, entre Nazareth et Tibériade, pour faire face à un nombre “sans précédent” d’arrestations de citoyens arabes.

L’exercice a également anticipé une rapide reprise de la Cisjordanie par le Hamas à la suite de la signature de l’accord de paix avec l’Autorité Palestinienne. Dans l’exercice, les forces de sécurité devaient gérer les tirs de centaines de roquettes sur Israël, des attaques terroristes, des émeutes dans les prisons et des évasions.

Alors que Chenin exprimait ses inquiétudes, Lieberman a ouvert un nouveau front dans ses attaques contre les citoyens arabes d’Israël, à la suite de ses déclarations répétées sur ses doutes quant à leur loyauté envers l’Etat. Tandis qu’il recevait mardi le ministre des affaires étrangères finlandais, il a accusé des groupes de citoyens arabes de comploter pour faire sécession sous les ordres de Palestiniens des territoires occupés.

« Les Palestiniens tentent, par le biais de divers groupes parmi les arabes israéliens, de renverser la légitimité d’Israël en tant qu’Etat juif et s’efforcent de créer différentes zones autonomes à l’intérieur de l’Etat, » a-t-il dit.

Aluf Benn, éditorialiste au journal Ha’aretz, a écrit hier (13 octobre) que Netanyahu « se cachait » derrière Lieberman et que le Premier ministre était le « véritable instigateur » de la vague de mesures et de lois anti-arabes que le gouvernement était en train de prendre.

Dimanche, le cabinet a approuvé une loi exigeant un serment de loyauté des non-Juifs qui demandent la citoyenneté.

Dans le Yedioth Ahronoth, Ahmed Tibi, député arabe, a accusé Netanyahu d’être derrière « un plan progressif de nettoyage ethnique – par le retrait d’autant d’Arabes que possible tout en créant un Israël juif homogène. »

Des sondages parmi la minorité arabe d’Israël montrent systématiquement une forte opposition à tout projet visant à révoquer leur citoyenneté ou à les obliger à partir dans un Etat palestinien.

L’Association pour les Droits civils en Israël (Association of Civil Rights in Israel – ACRI) le groupe le plus important pour les droits de l’homme du pays, a écrit cette semaine à Netanyahu, qualifiant les articles des médias d’« alarmants » et demandant des assurances qu’il n’y avait pas de projets de « transfert de population ».

L’ACRI ajoute que l’impression a été créée qu’une « hypothèse qui est totalement illégitime – la révocation forcée de la citoyenneté de certains des citoyens arabes du pays – est perçue par le gouvernement comme une éventualité raisonnable et même probable. »

Certains observateurs ont spéculé que le ministre de la sécurité publique, Yitzhak Aharonovitch, membre du Parti Yisraeli Beiteinu de Lieberman, pourrait être la force motrice derrière l’exercice.

Toutefois, Chenin a dit qu’un exercice d’une telle ampleur, impliquant tant de branches différentes des forces de sécurité, n’aurait pu être conduit sans l’implication des autres ministres du gouvernement, dont Ehud Barak, le ministre de la défense.

Barak, chef du parti travailliste, s’est présenté à Washington comme ayant une influence modératrice sur le gouvernement de droite d’Israël.


Texte original en anglais : Israeli Forces Test Transfer Scenario, Secret drill simulates riots by Arab citizens, publié le 15 octobre 2010.

Traduction : MR pour ISM

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