05 janvier 2011

Jonathan Pollak : « J’irai en prison la tête haute »

samedi 1er janvier 2011
Comité palestinien de coordination des luttes populaires



Si j’éprouve des remords au fond de mon coeur, c’est pour de ne pas avoir joué un rôle prédominant dans cette journée de protestation, et ne pas avoir accompli pleinement mon devoir qui est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour changer la situation insupportable des habitants de Gaza, et pour aider à mettre fin au contrôle israélien sur les Palestiniens. 
 
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Jonathan Pollak lors de son procès, le 27 décembre dernier.
(Photo : Oren Ziv - ActiveStill)
Jonathan Pollak, Israélien, coordinateur au Comité palestinien de coordination des luttes populaires, et l’un des fondateurs des Anarchistes contre le Mur, a été condamné à trois mois d’emprisonnement ce matin par le tribunal de police de Tel Aviv pour avoir participé à un défilé cycliste en 2008 protestant contre le siège de la bande de Gaza. Il commencera à purger sa peine le 11 janvier.
Le juge du tribunal de police de Tel Aviv, Yitzhak Yitzhak, a déclaré Pollak coupable de rassemblement illégal par sa participation en janvier 2008 à un défilé cycliste de protestation contre le siège de la bande de Gaza et l’a condamné à trois mois de prison, peine qui commencera à courir le 11 janvier 2011. Pollak a été le seul interpellé lors de cette manifestation, accusé d’avoir fait rien de plus que circuler à vélo, exactement comme les autres manifestants. Cette condamnation a réactivé une ancienne condamnation de trois mois avec sursis, infligée à Pollak lors d’un procès antérieur pour avoir manifesté contre la clôture de séparation. Une nouvelle peine de trois mois est donc infligée aujourd’hui, et il y aura confusion des peines.
Sur sa condamnation, Pollak avance ses arguments : « Je suis incapable d’éprouver des remords dans ce dossier (...). Si Votre Honneur décide de poursuivre et de me faire exécuter ma peine de prison avec sursis, j’irai en prison volontiers, et la tête haute. C’est le système judiciaire lui-même qui, je crois, devrait baisser les yeux face aux souffrances infligées aux habitants de Gaza, tout comme il baisse les yeux et détourne son regard, jour après jour, quand il est confronté aux réalités de l’occupation. »
Le 31 janvier 2008, quelque 30 manifestants organisaient un défilé cycliste à travers les rues de Tel Aviv pour protester contre le siège de la bande de Gaza. Lors de la manifestation, Pollak a été arrêté par des policiers en civil qui l’ont reconnu suite à de précédentes manifestations et aussi parce qu’ils ont supposé qu’il était l’organisateur et la figure de proue de l’initiative. La manifestation a pu se poursuivre tranquillement après l’arrestation de Pollak et s’est terminée sans autre problème ni interpellation.
L’arrestation et l’inculpation qui ont suivi semblent être le résultat plus d’un esprit de vengeance de la part de la police que du comportement de Pollak au moment de la manifestation ; Pollak était un manifestant parmi d’autres manifestants qui se comportaient exactement comme lui, or il a été le seul à faire l’objet d’une arrestation. En outre, des manifestations sur les questions de l’environnement se déroulent régulièrement à Tel Aviv sans qu’elles ne suscitent jamais de telles réactions. D’autres manifestations qui occasionnaient autrement plus de gênes sérieuses à la circulation (par exemple, cette manifestation motorisée où il y avait des milliers de motards) n’ont conduit à aucune arrestation, et encore moins à un procès avec accusation pénale et emprisonnement.
Maître Gaby Lasky, avocate de Pollak : « La police n’a pas fait que distinguer Pollak parmi toute une masse de gens qui agissaient exactement comme lui, elle l’a choisi surtout dans toute la manifestation pour la seule et unique raison de son alignement politique. Des initiatives similaires ont lieu régulièrement à Tel Aviv sans qu’il n’y ait intervention de la police, à plus forte raison arrestation et mise en accusation. »
(Sur les faits, voir aussi : Un militant israélien emprisonné pour avoir protesté contre le blocus de Gaza - Ana Carbajosa - The Guardian)


Plaidoirie de Pollak, déclaré coupable, avant sa condamnation
Votre Honneur, une fois déclaré coupable, il est coutumier que l’accusé demande la clémence du tribunal et manifeste des remords pour avoir commis une infraction. Pourtant, je me sens incapable d’agir ainsi. Depuis le tout début de ce procès, il n’y a pratiquement aucun désaccord sur la réalité des faits. Comme l’indique l’acte d’accusation, je roulais effectivement à bicyclette, avec les autres, dans les rues de Tel Aviv, pour protester contre le siège de Gaza. Et effectivement, en circulant à vélo, les vélos étant des moyens de locomotion que la loi autorise dans les rues, nous avons pu quelque peu ralentir la circulation. Le seul et léger désaccord dans tout ce dossier tourne autour des témoignages des enquêteurs de la police qui prétendent que j’aurais joué un rôle prépondérant tout au long de ce défilé cycliste de protestation, ce que, à l’instar des autres témoins de la défense, je récuse totalement.
Comme je l’ai dit précédemment, il est de coutume à ce stade de la procédure d’exprimer des remords, et en effet, j’aimerais faire part de regrets, concernant un aspect particulier des évènements de cette journée : si j’éprouve des remords au fond de mon coeur, c’est, comme je l’ai avancé pendant le procès, pour de ne pas avoir joué un rôle prédominant dans cette journée de protestation, et pour ne pas avoir accompli pleinement mon devoir qui est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour changer la situation insupportable des habitants de Gaza, et pour aider à mettre fin au contrôle israélien sur les Palestiniens.
Votre Honneur a déclaré pendant le procès, et très probablement qu’elle le déclarera d’autres fois à l’avenir, qu’un procès n’est pas une question de politique, mais de droit. A cela, je réponds qu’il n’y a quasiment rien dans ce dossier, « excepté » un désaccord politique. Il se pourrait que ce tribunal m’ait empêché de construire une défense appropriée en refusant d’entendre mes arguments sur la sélectivité politique dans la conduite de la police, mais, rien qu’à regarder les témoignages reçus, il apparaît clairement qu’une telle sélectivité existe.
Le sujet de mon présumé délit, tout comme les motivations qui se cachent derrière, est politique. C’est quelque chose qu’il n’est pas possible d’écarter. L’État d’Israël maintient un siège illégitime, inhumain et illégal sur la bande de Gaza qui est toujours un territoire occupé au regard du droit international. Ce siège, imposé en mon nom et aussi dans le vôtre, Monsieur, en réalité dans notre nom à tous, est une punition collective cruelle infligée à des citoyens ordinaires, les habitants de la bande de Gaza, des sujets sans droits, sous l’occupation israélienne.
Face à cette réalité, et en opposition à cela, nous avons choisi, le 31 janvier 2008, d’exercer la liberté d’expression reconnue aux citoyens juifs d’Israël. Cependant, il semble qu’ici, dans la nôtre des multiples fausses démocraties du Moyen-Orient, cette liberté ne soit plus librement admise, même pour les fils privilégiés de la société.
Je ne suis pas surpris par la décision du tribunal de me condamner, bien qu’il ne fasse aucun doute, dans mon esprit, que nos actions de ce jour-là répondaient à la plus fondamentale, la plus élémentaire définition du droit d’une personne à manifester.
En effet, comme le Ministère public l’a souligné, une peine de prison avec sursis planait au-dessus de ma tête au moment de la manifestation cycliste, puisque j’ai déjà été condamné sur ce même article de la loi. Et, bien que je maintienne ne pas avoir commis le moindre délit, je suis conscient de la possibilité que, selon la justice israélienne, ma peine avec sursis me soit imposée.
Je dois ajouter que si Votre Honneur décide de poursuivre et de me faire exécuter ma peine de prison avec sursis, j’irai en prison volontiers, et la tête haute. C’est le système judiciaire lui-même qui, je crois, devrait baisser les yeux face aux souffrances infligées aux habitants de Gaza, tout comme il baisse les yeux et détourne son regard, jour après jour, quand il est confronté aux réalités de l’occupation. »

A propos du Comité de coordination des luttes populaires

Le Comité de coordination des luttes populaires est constitué des militants de premier plan des comités populaires dans tous les Territoires occupés et de tout le spectre politique palestinien. Les comités populaires présentent une forme unique d’organisation et de résistance à base communautaire dans la tradition de la Première Intifada palestinienne. Ces différents comités, non partisans, conduisent une résistance communautaire à l’occupation israélienne sous des formes variées, telles que marches, grèves, manifestations, actions directes et campagnes juridiques, de même qu’ils soutiennent les boycotts, désinvestissements et les sanctions.
Le Comité de coordination a été créé pour faciliter une communication féconde entre les différents comités populaires : depuis les villages de Bil’in, Ni’lin et al-Masara, - connus pour leur lutte contre le Mur - en passant par de nombreux villages de la vallée du Jourdain et du sud du mont Hébron - confrontés aux tentatives d’un nettoyage ethnique rampant - jusqu’aux cités de Tulkarem, Naplouse, Qalqilya et Ramallah Ouest - qui souffrent et résistent aux différents aspects de l’occupation. Le Comité veut fournir une base pour une réflexion stratégique à plus grande échelle, tout en conservant l’indépendance et le caractère unique de chaque comité populaire.
Enraciné dans une confiance entière dans la puissance de la lutte populaire pour vaincre l’occupation israélienne, le principal objectif du Comité est d’encourager et de renforcer la résistance populaire palestinienne et de répondre à ses besoins. Espérant reprendre la stratégie d’irréductibilité de l’ANC, le Comité de coordination s’efforce d’encourager l’émergence de nouveaux comités et initiatives et de les soutenir, quelle que soit leur tendance politique.
Le succès de la lutte populaire s’appuie également et fortement sur le soutien de la communauté internationale à travers les initiatives BDS (boycotts, désinvestissements et sanctions), les aides financières, une visibilité accrue et une solidarité directe. Le Comité de coordination vise à renforcer les réseaux internationaux de soutien et leurs liens directs avec la lutte pour la liberté en Palestine.

27 décembre 2010 - PSCC - traduction : JPP

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