Il est clair que Gaza manque cruellement d’activités à offrir aux enfants. Il existe des organisations et des centres d’aide à l’enfance, mais ils sont très loin d’être suffisants.
Lors de ma première semaine à Gaza, j’ai assisté à un spectacle mis sur pied par le club des arts scéniques et dramatiques du Centre Qattan pour l’enfance. Le musicien du Centre, et aussi chorégraphe et directeur dramatique, avait adapté une petite pièce tirée de la Belle au bois dormant, et formé des enfants pour la jouer.
Alors que j’assistais à leur dernière répétition, j’ai parlé avec l’un de ces enfants, qui m’avait entendu par hasard m’exprimer en anglais auprès des employés. Rashid, 9 ans, faisait la présentation de la pièce et parlait très bien l’anglais. Il m’a demandé si j’aimais Gaza. Quand je lui ai répondu que oui, il a paru choqué. « Mais, nous avons beaucoup de problèmes ici » m’a-t-il rétorqué.
Des enfants d’une classe à laquelle j’enseignais l’anglais me l’ont mieux expliqué. « Ce n’est pas que nous n’aimons pas Gaza, mais avec les F16 (israéliens), ce n’est pas drôle ».
Grandissant sous le poids de l’occupation, de la guerre et d’un siège, les enfants à Gaza sont privés de leur pure enfance. Un travailleur social qui, en des temps meilleurs, a participé à un voyage organisé par une ONG, emmenant 20 enfants de Gaza en Turquie pour des vacances de 15 jours, ce travailleur m’a dit à quel point la plupart des enfants s’en étaient réjouis. « Ils se sont bien amusés ; ils ont visité des terrains de jeux et des parcs. Mais cela leur a fait réaliser aussi que ce n’était pas tous les enfants qui vivaient comme eux ».
Au lieu de cela, les enfants de Gaza sont inquiets par la situation de guerre qui les entoure. Quand on leur demande ce qu’ils aimeraient être quand ils seront grands, la plupart répondent, « combattant », ou « policier », une réaction en lien direct avec la situation d’insécurité dans laquelle ils vivent.
Le centre Qattan pour l’enfance à Gaza offre les services d’une bibliothèque pour enfants, des activités récréatives et parascolaires et aussi la possibilité de participer à des clubs artistiques. Se développant dans une région défavorisée, rongée par un conflit et par les violences, ce centre est vital pour le soutien des enfants et pour leur offrir un lieu sûr et paisible, afin qu’ils puissent s’exprimer et échapper à leurs réalités quotidiennes.
En discutant avec les employés du Centre, après la Belle au bois dormant, j’en ai appris plus sur les enfants enrôlés dans la pièce. Ces acteurs en herbe étaient issus d’une diversité de milieux, certains étaient pauvres, certains aussi étaient nouveaux dans les clubs artistiques, et d’autres étaient des membres très anciens. Le directeur des activités culturelles, Haïfa, m’a raconté l’histoire de l’un de ces enfants, Wadih.
« Cet enfant était très introverti et très timide ; il avait du mal à s’intégrer aux autres enfants et ne parlait pas sauf si on s’adressait à lui. Il avait vraiment du mal à jouer son rôle ; nous savions que nous aurions à nous occuper beaucoup de lui s’il participait au spectacle final. Il avait perdu sa mère peu avant, dans un accident atroce, et nous savions qu’il allait traverser des moments difficiles. Une fois terminées toutes nos séances de répétition et alors qu’arrivait l’ultime représentation, ses performances se sont améliorées de façon surprenante, il ne ressentait plus de timidité à interpréter son rôle ni à communiquer avec les autres. Nous étions vraiment fiers de lui. »
Les travailleurs sociaux à Gaza parlent des comportements agressifs et des problèmes de comportement en général des enfants. « A la suite de la dernière guerre de Gaza (décembre 2008/janvier 2009), les enfants ont manifesté des niveaux accrus d’anxiété ; ils étaient très surexcités, ils avaient du mal à se concentrer et refusaient d’écouter leurs parents », me raconte une autre travailleuse sociale, Rania, de 22 ans. « Quand la situation politique se détériore, cela agit sur les enfants. Il y a plus de cas de violences dans les écoles, de cas de cauchemars et d’énurésie à la maison. Les enfants se sentent en insécurité et sont très anxieux, particulièrement parce qu’ils constatent que leurs parents se sentent insatisfaits, apeurés et incapables de les protéger vraiment des dangers de la situation dans laquelle ils vivent. »
Cela n’est pas surprenant. Avec la flambée du taux de chômage du fait du siège et de la division politique, la majorité des habitants de la bande de Gaza est confrontée à l’insécurité financière. C’est pour cette raison que les parents se sentent incapables de s’occuper de leurs enfants et que, par conséquent, ils transmettent leurs mécontentements à leurs enfants. Il est courant de voir des enfants vendre des choses comme du chewing-gum dans le quartier d’Al Remal, à Gaza ville, parce qu’ils doivent aider financièrement leur famille. De sorte qu’ils ne peuvent plus fréquenter l’école.
Ceci nous amène à une autre difficulté dans l’évolution de la situation de Gaza. Le droit de recevoir un niveau suffisant d’enseignement est entravé par des pressions psychologiques et sociales, de même que par le blocus. Les classes sont généralement en surnombre, à l’image de l’importance de la population infantile de la bande de Gaza. Il n’y a pas assez d’écoles, de classes et de ressources pour les favoriser tous. De sorte qu’ils sont obligés d’aller à l’école par équipes, la première commençant à 6 h du matin. Quand j’ai demandé à une élève comment elle se sentait d’aller à l’école si tôt, elle m’a dit, « Je suis bien trop lasse pour me concentrer ».
La réalité constante dans la société de Gaza est ce contexte d’une violence continuelle. Vivre sous une occupation militaire et un siège combine toutes les sources de colère, de désespoir et de tension. Cela se répercute sur les éléments les plus fragiles de la société, les femmes et les enfants. C’est devenu clair pour moi lors d’une activité où je m’occupais des enfants au Centre Qattan pour l’enfance. Les enfants étaient en train de dessiner et se racontaient comment leurs enseignants les frappaient à l’école. Les enseignants sont mal payés et vivent dans le même environnement fermé et oppressif, comme tous les autres, aussi il est fort probable qu’ils évacuent leurs frustrations sur ceux de plus faible statut.
Il est clair que Gaza manque cruellement d’activités à offrir aux enfants. Il existe des organisations et des centres d’aide à l’enfance, mais ils sont très loin d’être suffisants. Wadih, qui a retrouvé sa voix à partir du simple script de conte de fées de la Belle au bois dormant, est la preuve que lorsque les enfants ont la chance et le soutien dont ils ont besoin, ils sortent de leur coquille et se retrouvent. Dans la bande de Gaza, malheureusement, c’est juste qu’il n’y a pas assez d’occasions similaires pour tous.
* Sahia Shone écrit pour le Miftah (groupe de réflexion dont l’objectif est de promouvoir des principes démocratiques, de citoyenneté et de bonne gouvernance dans les sphères politiques palestiniennes.)
Elle peut être jointe à l’adresse : mid@miftah.org
6 avril 2011 - Miftah - traduction : JPP
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