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AlJazira n’est plus AlJazira !
C’est bien la démission surprise du célèbre journaliste de l’audio-visuel Ghassane Ben Jeddo qui a lancé publiquement le débat sur un éventuel changement de la ligne éditoriale de la chaîne AlJazira. Avec la poursuite des révoltes arabes, sa sélectivité tendancieuse se fait de plus en plus remarquer. Ce fut particulièrement flagrant avec le mouvement de contestation du Bahreïn, dont  les images des dizaines de milliers de manifestants descendus dans les rues exigeant des réformes politiques avaient été occultées. Ce qui a mis la puce chez plus d’un sur un plausible virement qui pourrait ébranler sérieusement sa popularité. Pourtant, lorsque le mouvement de contestation en était encore à ses débuts, en Tunisie puis en Égypte, cette chaîne qatarie était montée en flèche auprès de l’opinion publique arabe. Ayant offert aux rebelles l’occasion de contourner les médias locaux, en couvrant dans les détails les plus minuscules de leurs actions et revendications, elle était promue à un partenaire à part entière de la victoire de leurs révolutions. Mais depuis que ce mouvement s’est élargi, pour atteindre surtout le Bahreïn, la Libye puis la Syrie, sa sélectivité est plutôt mal vue. En raison d’une couverture absente ou presque de ce qui se passe  au royaume des Khalifa, on lui reproche d’être confessionnelle, en dénigrant les revendications des chiites, comme s’ils n’avaient pas des droits identiques à ceux de leurs coreligionnaires sunnites. Le mouvement de répression y est totalement occulté, comme si de rien n’était, alors qu’en Syrie, signalent certains observateurs, on donne le micro à des témoins qui rapportent des faits, parfois fabriqués de toutes pièces. Justement, sur le cas syrien, il est préjudiciable à la couverture d’AlJazira de ne pas prendre en compte que c’est un régime de la confrontation avec le projet américano-sioniste, et de médire les tentatives de sa déstabilisation. Dans de nombreux cas, les interventions des personnalités de l’opposition, lesquelles font la distinction entre les réformes qu’ils encouragent et le renversement du régime qu’ils bannissent, ont été interrompus. Même constat pour les témoignages des personnalités qui relativisent les évènements syriens, ou accusent des gangs armés.  À cet égard aussi, on lui reproche d’inciter les Syriens à sous-estimer les promesses de réformes et à poursuivre leurs manifestations. C’est également elle qui a permis au président de l’Union des ulémas musulmans Cheikh Youssef Karadaoui d’entretenir un discours confessionnel. Alors que dans le cas libyen, il est clair qu’elle s’est ralliée corps et âme à la position du gouvernement qatari, impliqué dans la guerre de coalition de l’Otan contre le régime de Kadhafi. « AlJazira a renoncé à son professionnalisme, pour opter pour l’incitation et la provocation », est l’explication  délivrée par Ben Jeddo qui en cache bien d’autres pour justifier son départ.   Or, sa démission intervient quatre mois après la suspension de plusieurs programmes de débats de grande audience qui avaient fait la renommée de la chaîne et après la démission aussi de grands noms. Interrogé sur les raisons, son directeur général, Waddah Khanafer, s’est contenté de les attribuer à l’éclatement des révolutions dans le monde arabe et qui ont selon lui imposé un nouveau train de travail basé sur  la couverture instantanée quotidienne, à l’insu des programmes hebdomadaires. Mais la réponse ne semble pas persuader. Plusieurs intellectuels arabes vivant au Qatar se sont plaints au journal AlArab d’avoir été écartés ces derniers temps de la chaîne qui pourtant les invitait fréquemment dans le passé pour commenter les évènements. Il en est de même pour de nombreux experts vivant ailleurs, et connus pour leur neutralité. Seuls sont désormais invités les militants des oppositions arabes. Et pas toutes ! Selon le quotidien arabophone publié à Londres «  AlQuds AlArabi », citant des sources de Doha, «  non seulement la chaîne serait en train de changer de peau, mais elle voudrait surtout renoncer à son ancienne méthodologie, de propulser un nouveau sang, en renonçant à toutes les anciennes figures ». «  La chaîne voudrait également renoncer à la politique de l’animateur star, et la remplacer par de nouveaux présentateurs et présentatrices dont la mission se limite à lire les informations et à poser des questions rédigées par le producteur » ajoute cette source. Quant à Ben Jeddo, son avenir demeure un grand secret qu'il compte garder pour lui ces temps-ci. AlQuds AlArabi avance qu’il envisage de créer sa propre chaîne de télévision. Alors que des sources proches de lui ont confié à notre site AlManar qu’un poste de ministre de l’information lui a été offert par son pays natal en Tunisie. source : Al Manar