La justice n’oublie pas Ben Ali
A l’ombre, dans la grande demeure bourgeoise prêtée par la famille royale saoudienne, et alors que les Tunisiens s’attèlent avec peine à trouver la stabilité politique dont ils ont tant besoin, Zine El Abidine Ben Ali n’est pas pour autant complètement tombé aux oubliettes. La chambre d’accusation près la cour d’appel de Tunis a en effet décidé de déférer l’ancien président devant un tribunal militaire, annonce un communiqué du ministère de la Justice, cité par l’agence Tap. Son ancien ministre de l’Intérieur et un haut cadre de la sécurité sont également concernés par la procédure, précise le document qui ne cite pas les noms des personnes concernées. Selon le site spécialisé Kapitalis, il s’agirait de Rafik Haj Kacem et du général Ali Sériati, les deux derniers arrêtés au lendemain de la fuite du dirigeant déchu, le 14 janvier dernier.
Tunis a annoncé le mois dernier avoir engagé 18 actions en justice contre l'ancien chef d'Etat, notamment pour «homicide volontaire», «complot contre la sûreté intérieure de l'Etat», «incitation à provoquer le désordre, le meurtre ou le pillage sur le territoire tunisien» et «trafic et usage de stupéfiants». La plupart des chefs d’accusations concernent les exactions commises à Ouardanine, près de Sousse (à 150 km au sud de la capitale), où plusieurs manifestants avaient été tués en tentant de s’opposer à la fuite de Kaïs Ben Ali, le neveu de Zine El Abidine. Des charges ont également été retenues contre 14 membres des forces de sécurité pour leur rôle dans ces incidents, au cours desquels au moins quatre manifestants ont été tués selon Reuters. Depuis quatre mois, le gouvernement tunisien cherche à obtenir l'extradition de l'ancien raïs et de son épouse, Leïla Trabelsi –que l’on a un temps dit dans un pays du Gofe, ou en Libye, mais qui se trouverait en réalité aux côtés de son mari. Un mandat d’arrêt international a été lancé contre le couple le 26 janvier dernier.
Ses avoirs gelés... ses proches traqués...
Au-delà de ces poursuites, plusieurs pays ont gelé les avoirs du «clan Ben Ali-Trabelsi», à commencer par la Tunisie, dès le mois de mars (112 personnes, liées de prêt ou de loin à Ben Ali, sont concernées), puis la Suisse en mai –Berne a fait de même pour les dirigeants égyptien et libyen, Hosni Moubarak et Mouammar Kadhafi. Mardi, enfin, 12 millions d’euros ont été saisis en France sur douze comptes bancaires appartenant à quatre proches de l'ancien président tunisien, a révélé l'association Sherpa. Suite à la plainte de l’ONG et de deux autres (dont Transparency International France), une enquête préliminaire de police avait été ouverte par le parquet de Paris fin janvier sur les biens que détiendrait la famille Ben Ali en France. Le but de la plainte, déposée pour «corruption, recel de corruption, recel de détournement de fonds publics et blanchiment», est de faire recenser ces avoirs, les faire saisir et les restituer à la Tunisie s'il est avéré qu'ils ont été mal acquis. Rappelons qu’en 2008, le magazine «Forbes» avait estimé la fortune de Zine el-Abidine Ben Ali à 5 milliards de dollars. William Bourdon, président de l'association Sherpa et avocat de Transparence Internationale France, l’évalue lui entre 5 et 10 milliards, «répartis entre l'Amérique latine, le Canada, le Golfe et l'Asie du Sud-Est». Selon WikiLeaks, l’ex-clan dirigeant possèderait des appartements à Paris, des propriétés en Ile-de-France, un chalet à Courchevel et des villas sur à Cannes et à Monaco. Zine Abidine Ben Ali serait également propriétaire d’une écurie de 9 chevaux dans l’Hexagone -chacun coûtant entre 80 000 et 150 000 euros.
De nombreux proches des Ben Ali sont également arrêtés, à l’instar de Mohamed Ghariani, ancien secrétaire général du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti dissous de Ben Ali, en avril, ou encore de Slah Ben Ali, le frère de l’ancien raïs. Par ailleurs, toutes les personnes impliquées dans des affaires de corruption et les proches de l'ex-président, ses ministres et collaborateurs sont interdits de voyage, en l'attente des décisions qui doivent être prises par les juges d'instruction. Pendant ce temps, le gouvernement transitoire nommé le 7 mars peine à trouver ses marques. Le pays a du mal à trouver l’unité qui le mènera à sa transition démocratique rêvée. Verdict après l’élection d’une assemblée constituante le 24 juillet prochain.
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