02 janvier 2010

EPAL Portugal

EPAL Portugal : une politique immorale de collaboration avec Israël


Adri Nieuwhof


La direction de la compagnie portugaise des eaux [EPAL - Empresa Portuguesa das Aguas Livres] a récemment fait savoir à ses employés qu’elle collaborait avec la compagnie nationale des eaux israélienne Mekorot, sur « les questions de sécurité de l’eau ».
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Comme l’ensemble des ressources naturelles en Palestine occupée, l’eau est accaparée et sévèrement rationnée par l’occupant israélien, imposant ainsi à la population palestinienne sous occupation de difficiles conditions de vie et d’hygiène - Photo : Ma’anImages

Un stagiaire EPAL qui a récemment visité la Cisjordanie sous occupation a réagi à ces nouvelles en informant ses collègues sur la façon dont Israël prive d’eau les Palestiniens, en se référant au rapport publié sur la question par Amnesty International et daté du 27 octobre 2009. EPAL a répondu par le limogeage du stagiaire dans l’heure qui a suivi.

Dans le rapport intitulé « Israël ne laisse aux Palestiniens qu’un filet d’eau », Amnesty accuse Israël de refuser aux Palestiniens le droit à l’accès à l’eau en quantités suffisantes, en maintenant un contrôle total sur les répartitions de ressources en eau et par la poursuite de politiques discriminatoires.

EPAL est une filiale de la compagnie d’Etat des eaux, Agua de Portugal. La société fournit de l’eau à environ trois millions de personnes au Portugal réparties sur 35 municipalités dont la ville de Lisbonne. Mekorot joue un rôle clé dans la mise en œuvre des politiques israéliennes discriminatoires concernant l’eau.

Mekorot : une longue histoire de spoliation des ressources en eaux en Palestine

Mekorot a été fondée en 1937 par Levi Eshkol, pour soutenir le développement des colonies de peuplement sionistes dans la Palestine sous mandat britannique. Eshkol a occupé le poste de directeur général de Mekorot jusqu’en 1951 et devint plus tard Premier ministre de l’état d’Israël. Sous son mandat, la Cisjordanie a été occupée durant la guerre de juin 1967. Plusieurs ordres militaires publiés peu après la guerre illustrent l’engagement d’Eshkol sur la question des ressources en eau destinées à Israël.

En août 1967, l’autorité sur les eaux de la Cisjordanie a été transférée en Israël par l’ordonnance militaire numéro 92. Deux mois plus tard, l’ordonnance militaire 158 a déclarait qu’aucune personne en Cisjordanie n’était « autorisée à créer ou posséder ou administrer une installation d’eau sans nouveau permis officiel. » Ce permis peut être refusé sans justification. Un an plus tard, l’ordonnance militaire 291 a été publiée, décrétant que toutes les ressources en eau en Cisjordanie étaient bien public de l’état d’Israël.

Mekorot est devenu un acteur important dans le secteur de l’eau en Cisjordanie après 1982, lorsque le ministre de la Défense, Ariel Sharon a organisé le transfert de propriété de tous les systèmes d’approvisionnement en eau de Cisjordanie. Mekorot a payé un prix symbolique d’un shekel pour tous les systèmes appartenant à des Palestiniens et estimés à la valeur 5 millions de dollars US.

Selon Amnesty International, Israël accapare 80% de l’eau de « la nappe de montagne », la seule source d’eau pour les Palestiniens en Cisjordanie. Dans le même temps, Mekorot vend de l’eau à des prix fortement subventionnés à des colons israéliens dans les illégales colonies de peuplement en Cisjordanie. Près de 40% de l’eau fournie aux Palestiniens vivant en Cisjordanie est distribuée par Mekorot à des prix beaucoup plus élevés et non subventionnés.

Colonies israéliennes de peuplement bénéficient d’un approvisionnement continu en eau, même durant les étés chauds lorsque l’eau est rare. En 2000, un haut fonctionnaire qui avait travaillé pour la Commission des eaux israélienne a déclaré dans une conversation téléphonique avec B’Tselem, l’organisation israélienne des droits de l’Homme, que « l’obligation [de service] de Mekorot est, tout d’abord, à l’égard des colonies juives et des citoyens israéliens » (« Thirsty for a Solution », "B’Tselem, Juillet 2000). Par exemple, dans son rapporr d’octobre 2009 intitulé « L’eau - Une question de survie pour les Palestiniens, » le l’ARIJ [ http://www.arij.org/">1] a signalé que Mekorot avait réduit les livraisons de 10 000 mètres cubes par jour à 6000 mètres cubes par jour à Bethléem cet été.

En juin, juillet et août de cette année, Mekorot a réduit l’approvisionnement en eau de 5000 mètres cubes par jour à 2.500 mètres dans la municipalité de Hébron, l’augmentation de la demande en provenance des colonies israéliennes ayant la priorité sur les besoins des Palestiniens. En réponse aux réductions de l’approvisionnement en eau, une coalition d’organisations non israéliennes, palestiniennes et internationales non gouvernementales ont mis en service le 26 septembre dernier un convoi d’eau « Briser la soif » à travers les villages dans les collines du sud d’Hébron.

Le droit international limite le droit d’une puissance occupante d’utiliser les ressources en eau d’un territoire occupé, et interdit à cette puissance occupante d’établir une discrimination entre les habitants de ce même territoire. Malgré cela, Israël a annexé illégalement les ressources en eau des Territoires Palestiniens Occupés depuis 1967. Israël exerce un contrôle total sur les ressources palestiniennes en eau et applique une politique discriminatoire dans la distribution. Mekorot joue un rôle clé dans la politique de l’eau d’Israël et a une large responsabilité dans cette violation du droit international.

Conformément à la législation européenne, EPAL a le pouvoir d’empêcher un opérateur de soumissionner pour un marché public ou de rejeter une offre, olorsqu’il est constaté que l’individu ou l’organisme en question a commis une « faute grave » dans le cadre de ses activités professionnelles. La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 sur la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de contrats de service public, est explicite à ce sujet. Comme d’autres sociétés européennes soutenant l’occupation israélienne, EPAL et ses investisseurs peuvent s’attendre à une vigilance et à une pression croissantes pour qu’ils se retirent des accords qui sapent le droit international.

* Adri Nieuwhof est avocat consultant spécialisé dans les Droits de l’Homme

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