Après son interdiction par Israël d’entrer en Cisjordanie : entretien avec Noam Chomsky
jeudi 20 mai 2010
N. Chomsky, A. Goodman
Entrée refusée : Israël empêche Noam Chomsky d’entrer en Cisjordanie pour prononcer un discours
Après plus de trois heures d’interrogatoire, le passeport de Chomsky a été estampillé avec "entrée refusée."Il devait donner une conférence à l’Université de Bir Zeit, près de Ramallah, et il devait rencontrer le Premier ministre palestinien Salam Fayyad. Aucune raison n’a été donnée initialement à la décision, mais le ministère de l’Intérieur a dit plus tard au journal israélien Ha’aretz que les fonctionnaires tentaient d’obtenir l’autorisation des Forces de défense israéliennes. Noam Chomsky nous parle depuis Amman, en Jordanie.
Noam Chomsky, est un professeur de linguistique de renommée internationale au Massachusetts Institute of Technology, où il a enseigné pendant plus d’un demi-siècle. Il est l’auteur de plus d’une centaine de livres sur la linguistique, les mass media, l’impérialisme états-unien et la politique étrangère USA. Son dernier ouvrage est intitulé Hopes and Prospects.
AMY GOODMAN : Noam Chomsky s’est vu refuser l’entrée en Cisjordanie par Israël. Linguiste de renommée mondiale et penseur politique, il devait donner une conférence à l’Université Bir Zeit, près de Ramallah et devait rencontrer le Premier ministre palestinien Salam Fayyad. Dimanche après-midi, il a été arrêté par les gardes-frontières israéliens à la traversée du pont Allenby vers la Jordanie. Après trois heures d’interrogatoire, le passeport de Chomsky a été estampillé avec "entrée refusée."Sa fille, la Professeure Chomsky Aviva - elle enseigne à Salem State College - s’est également vu refuser l’entrée.
Aucune raison n’a été donnée initialement à la décision, mais le ministère de l’Intérieur a dit plus tard au journal israélien Ha’aretz que les fonctionnaires essaient maintenant d’obtenir l’autorisation des Forces de défense israéliennes. La porte-parole du ministère de l’Intérieur, Sabine Haddad, a dit à Ha’aretz, je cite, « Nous essayons de contacter les militaires pour éclaircir la situation, et s’ils n’ont pas d’objection, nous ne voyons aucune raison pour laquelle il ne devrait pas être autorisé à entrer ». Le Professeur Noam Chomsky nous parle à présent depuis Amman, en Jordanie.
Bienvenue à Democracy Now !, Noam Chomsky.
NOAM CHOMSKY : Comment allez-vous ?
AMY GOODMAN : Nous sommes heureux de parler avec vous. Pouvez-vous expliquer exactement ce qui s’est passé dimanche ?
NOAM CHOMSKY : Eh bien, c’est très simple. Le rapport du ministère que vous venez de lire est inexact. J’ai parlé, mais les faits de base correspondent à ce que vous décrivez. Ma fille et moi, avec deux vieux amis, nous rendions à Ramallah depuis Amman et nous avons été arrêtés à la frontière, où nous avons attendu plusieurs heures, il y a plusieurs heures d’interrogatoire, et, enfin, ma fille et moi nous sommes vu refuser l’entrée.
Les raisons sont assez simples. J’ai pris la parole à l’Université Bir Zeit avant, mais à chaque occasion précédente, c’était lors d’un détour, quand j’étais en visite en Israël et que je donnais des conférences dans les universités israéliennes. Cette fois-ci il y avait une différence. J’avais été invité par Bir Zeit, invitation que j’ai acceptée avec joie, comme dans beaucoup d’autres cas, et je n’avais pas l’intention d’aller parler également en Israël cette fois-ci. C’est la seule différence. Donc, en substance, ce qu’Israël veut dire, c’est qu’il ait le droit de décider qui est autorisé à visiter simplement une université palestinienne sur son invitation et d’y parler.
AMY GOODMAN : Pouvez-vous parler des questions que l’on vous a posées ? Combien de temps vous a-t-on questionné et combien de temps avez-vous été retenu à la frontière ?
NOAM CHOMSKY : A la frontière, je suppose, environ cinq heures environ. Et l’interrogatoire, qui a été intermittent, a peut-être duré deux heures. L’agent du poste d’immigration relayait essentiellement les questions du ministère de l’Information. Il était en contact téléphonique ou informatique avec le ministère.
AMY GOODMAN : Noam, veuillez répéter : avec qui le garde-frontière était-il en contact ?
NOAM CHOMSKY : Le ministère de l’Information.
AVIVA CHOMSKY : De l’Intérieur.
NOAM CHOMSKY : Ministère de l’Intérieur, désolé. Ministère de l’Intérieur.
AMY GOODMAN : Et de quoi parlait-il avec le ministère de l’Intérieur ?
NOAM CHOMSKY : Eh bien, il y avait deux questions qu’il ne cessait de répéter sous des formes diverses. L’une, c’est qu’ils n’aiment pas le genre de choses que je dis au sujet d’Israël. OK, comme on le dit sur Al Jazeera, cela les met dans la catégorie d’à-peu-près tout le monde, dans tous les autres pays. En outre, ce ne peut pas avoir été la raison, puisque j’ai été invité par des universités en Israël pour donner des conférences au sujet d’Israël en particulier, des conférences très critiques, et les entretiens pour lesquels j’ai été invité ici traitaient principalement des USA, de la politique étrangère et des politiques nationales états-uniennes.
L’autre question, qui est la question critique et la seule différence entre cette occasion-ci et les autres, c’est que je venais simplement à l’Université Bir Zeit sans donner de conférences dans les universités israéliennes, avec accessoirement une visite à Bir Zeit, comme cela avait été le cas auparavant. Et ils n’ont pas aimé cela.
AMY GOODMAN : Et pourquoi n’ont-ils pas aimé ça ?
NOAM CHOMSKY : Ils n’ont pas aimé parce que, et là c’est une conjecture, je pense que la raison est claire. Ils n’aiment pas l’idée qu’une université palestinienne puisse être indépendante et avoir sa propre politique tout comme n’importe quelle autre université dans le monde. Je veux dire, c’est du presque jamais vu, en dehors des Etats totalitaires, qu’un gouvernement empêche quelqu’un de répondre à une invitation d’une université pour faire un exposé.
AMY GOODMAN : Au risque de ressembler à un garde-frontière, Noam Chomsky, de quoi aviez-vous l’intention de parler à l’Université Bir Zeit ?
NOAM CHOMSKY : Deux sujets ont été annoncés. L’un s’appelait "L’Amérique et le monde". Il concernait la politique étrangère états-unienne, avec en particulier les politiques au Moyen-Orient. L’autre sujet était "les USA chez eux", et il allait s’agir d’un débat sur les faits nouveaux intervenant à l’intérieur des USA, en particulier les cinquante dernières années.
AMY GOODMAN : Et dans le premier cas, qu’alliez-vous dire ? Pouvez-vous préciser ?
NOAM CHOMSKY : J’allais discuter - et je le ferai par vidéo-conférence - de certains thèmes persistant dans les relations USA internationales depuis la fondation de la République, mais surtout dans le passé - depuis la Seconde Guerre mondiale, lorsque les USA sont devenus un acteur majeur sur la scène internationale - et j’allais examiner comment nos politiques ont évolué pendant la période de la Guerre froide, et depuis la Guerre froide jusqu’à présent, y compris bien sûr les politiques en ce qui concerne la région cruciale du Moyen-Orient, cela depuis qu’il a été reconnu que le pétrole allait être une ressource primaire, pendant la Première Guerre mondiale, mais essentiellement après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les USA ont évincé la Grande-Bretagne en tant qu’acteur majeur dans les affaires mondiales.
AMY GOODMAN : Comment évaluez-vous actuellement la situation en Israël et en Palestine ? Et alliez-vous rencontrer le Premier ministre palestinien ?
NOAM CHOMSKY : Effectivement - j’allais rencontrer le Premier ministre. Malheureusement, je n’ai pas pu. Mais son bureau m’a appelé ici à Amman, ce matin, et nous avons eu une longue discussion.
Il mène une politique qui, à mon avis, est tout à fait raisonnable ; il part des faits sur le terrain. C’est presque - je pense que c’est probablement une imitation consciente de la politique sioniste initiale - l’établissement des faits sur le terrain et en espérant que les formes politiques qui vont suivre seront déterminées par ces faits. Et les politiques m’ont l’air raisonnables et saines. La question, bien sûr, est de savoir si, - dans la mesure où Israël et les USA sont des facteurs déterminants - ils permettront leur mise en œuvre. Mais si elles sont appliquées, et si, bien sûr, Israël et les USA renoncent à essayer systématiquement de séparer Gaza de la Cisjordanie, ce qui est tout à fait illégal, si cela continue, oui, on pourrait obtenir un Etat palestinien viable.
AMY GOODMAN : Noam, vous avez dit que ce que j’ai dit au début n’était pas exact : aucune raison n’a été donnée pour la décision de vous interdire, mais le ministère de l’Intérieur a dit plus tard au journal Ha’aretz que les fonctionnaires israéliens tentent maintenant d’obtenir l’autorisation des Forces de défense israéliennes ; une porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré, "Nous essayons de contacter les militaires pour éclaircir les choses, et s’ils n’ont pas d’objection, nous ne voyons aucune raison pour laquelle il ne devrait pas être autorisé à entrer". Qu’est-ce qui est faux dans cette déclaration ?
NOAM CHOMSKY : J’ai parlé à Bir Zeit un certain nombre de fois. Personne n’a jamais demandé l’autorisation de l’armée israélienne. La seule différence dans ce cas est que auparavant j’étais en visite en Israël où je donnais des conférences dans les universités israéliennes et dans des réunions et ainsi de suite, et que je suis allé accessoirement à Bir Zeit, tandis que dans ce cas, j’allais à Bir Zeit et je n’allais pas parler pas dans les universités israéliennes. Et en fait, l’interrogateur, qui lisait les questions en provenance du ministère, a demandé à plusieurs reprises : "Eh bien, pourquoi n’allez-vous pas donner également des conférences en Israël ?". C’est la seule différence, et cela n’a rien à voir avec l’armée israélienne.
AMY GOODMAN : Comment savez-vous que cela n’a rien à voir avec les militaires ?
NOAM CHOMSKY : Parce que de toute façon j’allais parler en Cisjordanie.
AMY GOODMAN : Mm-hmm.
NOAM CHOMSKY : Cette partie de mon voyage était la même. Ce qui était différent dans ce cas, c’est que j’allais parler en Cisjordanie et non pas en Israël. Et cela n’a rien à voir avec les FDI.
AMY GOODMAN : Avaient-ils l’air de savoir que vous alliez venir, que vous alliez traverser la frontière ? Ou ont-ils été surpris ? Pouvez-vous conclure cela ?
NOAM CHOMSKY : S’ils ont été surpris, c’est la preuve d’une grande incompétence, car la chose était publique et avait été annoncée.
AMY GOODMAN : Si Israël disait que vous serez autorisé à entrer, iriez-vous ?
NOAM CHOMSKY : S’ils disent que je peux simplement aller de manière normale. Je ne veux pas de leur autorisation. S’ils peuvent dire que je peux aller de manière normale, comme lorsque je visite Israël ou n’importe quel autre pays, oui, j’irai.
AMY GOODMAN : Nous parlons avec Noam Chomsky, qui a été, eh bien, quel tampon ont-ils mis sur votre passeport ?
NOAM CHOMSKY : Voyons le cachet. En fait, ma fille va le chercher pour que je puisse le voir. Une seconde. Il dit : "Allenby contrôle des frontières", la date, deux lignes rouges en travers, et ensuite il dit "Entrée" et le même mot en hébreu. Et puis un autre cachet qui dit : "Entrée refusée", ce qui est curieux c’est qu’il y a une faute d’orthographe dans le mot... [inaudible].
AMY GOODMAN : Et vous dites que le poste était en consultation permanente avec le ministère de l’Intérieur.
NOAM CHOMSKY : Oui, l’interrogateur, j’ai eu l’impression qu’il était en quelque sorte gêné et se contentait de transmettre les informations qu’il recevait régulièrement. Il était en contact direct avec eux. Mais il semblait... [inaudible].
AMY GOODMAN : Bon, vous avez dit que vous allez prononcer cette conférence, mais par vidéoconférence ?
NOAM CHOMSKY : Demain, il y aura une vidéoconférence depuis Amman, où je suis maintenant.
AMY GOODMAN : Je voulais vous poser une question sur l’Iran, au sujet de ce dernier accord qui vient d’être annoncé. Je ne sais pas si vous avez suivi les nouvelles puisque vous étiez là, mais il s’agit d’un accord sur toute la question de l’énergie nucléaire et des armes nucléaires. L’Iran a accepté d’expédier la plupart de son uranium enrichi à la Turquie dans le cadre d’un échange de combustible nucléaire qui pourrait résoudre l’impasse internationale sur le programme nucléaire controversé de l’Iran. En échange, l’Iran recevra du combustible nucléaire faiblement enrichi pour le fonctionnement d’un réacteur médical - l’accord a été conclu avec les ministres des Affaires étrangères d’Iran, de Turquie et du Brésil. Et l’Iran a déclaré que le swap se fera sous la supervision de l’AIEA une agence de l’ONU, l’Organisation internationale de l’énergie atomique. Quelle est votre appréciation de cette situation ?
NOAM CHOMSKY : Si les informations sont correctes, il est difficile de voir pourquoi, pour quelles raisons, les USA s’y opposeraient. Il s’agit fondamentalement des objections USA. Mais il y a plusieurs choses importantes à ce sujet : tout d’abord il s’agit de l’Iran, du Brésil et de la Turquie. La Turquie est représentative des pouvoirs régionaux. La Turquie, comme la Ligue arabe, a précisé qu’elle ne veut pas de sanctions. Elle veut une négociation, un règlement diplomatique. Le Brésil est probablement le pays le plus respecté parmi les pays non alignés et il joue un rôle très important. En fait, les deux se sont surpassés et il se trouve qu’ils siègent au Conseil de sécurité, mais ils appellent ouvertement à un règlement pacifique et diplomatique et s’opposent à l’appel, à la menace, d’autres actions, ça c’est important.
Il est également significatif que ce soit, en quelque sorte, une question secondaire. Je veux dire, il y a une façon d’aborder la question, quelle que soit la menace qu’il peut y avoir dans le Moyen-Orient posée par les armes nucléaires, et c’est l’acheminement vers une zone exempte de d’armes nucléaires dans la région. Or, en 1995, les USA sont convenus de cela. C’était sur l’insistance de l’Egypte. Ceci se passa lors de la conférence d’examen, une conférence d’examen régulier, et l’Egypte et d’autres pays non-alignés ont déclaré qu’ils ne continueraient pas à respecter le traité de non-prolifération, à moins que l’Occident, ce qui signifie les USA, accepte de passer à une zone exempte d’armes nucléaires dans la région, éliminant toute menace éventuelle, ou au moins atténuant toute menace imputable aux armes nucléaires. Et les USA ont officiellement accepté cette proposition. En fait, les USA sont encore plus engagés qu’ils ne l’étaient alors, parce que quand ils ont envahi l’Irak avec la Grande-Bretagne, ils ont vraiment essayé de présenter une mince couverture juridique, comme vous vous en souvenez. Ils prétendaient que l’Irak était en violation d’une résolution du Conseil de sécurité en 1991, l’invitant à mettre fin à son développement d’armes de destruction massive. Eh bien, nous savons ce qui est advenu au prétexte. Mais ce qui est important, c’est que la même résolution contient une disposition, un article, qui engage les signataires à établir une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Ainsi, les USA et la Grande-Bretagne ont un engagement spécial à cet égard qui va au-delà de l’engagement général du comité d’examen nucléaire. Or, l’Egypte, qui est maintenant à la tête du Mouvement des 118 pays non alignés, a fortement insisté sur ce point les dernières semaines lors de réunions, de réunions préparatoires, de réunions d’examen, et les USA - qui avaient officiellement accepté cette proposition, se sont soustraits à l’accord en disant clairement qu’aucune résolution ne sera applicable à Israël et ils ont accepté la position israélienne - explicitement ; ce pourrait être une bonne idée, a dit Hillary Clinton, mais ce n’est pas le bon moment, parce que nous devons d’abord avoir un accord de paix global au Moyen-Orient. Eh bien, vous savez, un accord de paix global est indéfiniment compromis tant que les USA et Israël rejettent le très large consensus international sur le règlement à deux États. Cela revient essentiellement à dire : "Eh bien, nous n’allons pas poursuivre ce projet". Et s’ils ne le font pas, il ne peut y avoir une zone exempte d’armes nucléaires.
Ce sont des questions beaucoup plus centrales. Et il est également intéressant de souligner que tant le Conseil de sécurité que l’Agence internationale de l’énergie atomique ont expressément demandé à Israël d’adhérer au Traité de non-prolifération et à ouvrir ses installations à l’inspection. Et c’est ce qui est arrivé l’automne dernier ; l’administration Obama a immédiatement informé Israël qu’il pouvait ignorer la demande [inaudible] de l’agence l’Agence. L’Inde, également. La résolution du Conseil de sécurité aurait également visé l’Inde, mais l’administration Obama a informé les Indiens qu’ils pouvaient l’ignorer. Ils développent des armes nucléaires avec l’aide indirecte des USA en vertu d’un un traité indo-américain.
AMY GOODMAN : Noam, nous devons interrompre pendant soixante secondes, et je voulais revenir à cette discussion. Noam Chomsky, professeur au MIT, a été interdit, ainsi que sa fille, la professeure Chomsky Aviva, d’entrer en Cisjordanie où il allait donner deux conférences à l’Université Bir Zeit. Il a été interdit à la frontière du pont Allenby vers la Jordanie en Cisjordanie.
Ici Democracy Now ! Nous serons de retour dans une minute.
[Pause]
AMY GOODMAN : Notre invité est Noam Chomsky. Il était censé être aujourd’hui en Cisjordanie. Au lieu de cela, il est à Amman. Lui et sa fille, Aviva Chomsky, se sont vu refuser l’entrée à la frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie. Il allait prononcer deux conférences. Noam Chomsky, professeur au MIT, auteur de plus d’une centaine de livres, linguiste de renommée mondiale et penseur politique et militant.
Noam, je voulais vous parler de l’AIEA, l’Organisation internationale de l’énergie atomique, annonçant provisoirement l’intention de discuter du programme israélien d’armes nucléaire pour la première fois. Israël, le seul pays au Moyen-Orient en possession d’armes nucléaires, ce qu’il n’a jamais reconnu officiellement. Quelle est l’importance de ce fait.
NOAM CHOMSKY : Oui, je crains que je vais être très bref, je vais avoir un autre entretien. Mais ce fait est tout à fait significatif. Ce doit avoir été en septembre ou en octobre dernier ; l’AIEA a adopté une résolution demandant à Israël d’ouvrir ses installations afin d’adhérer au Traité de non-prolifération et donc d’ouvrir ses installations, ses installations nucléaires, à l’inspection internationale. Or, les USA et l’Europe ont tenté de bloquer cette résolution, mais elle a été adoptée de toute façon. Et aussitôt après, l’administration Obama a informé Israël qu’il pouvait refuser.
Cela n’a pas été signalé aux USA, autant que je sache, dans la presse, à une exception près, dans le Washington Times, le deuxième journal de Washington. Ceci est tout à fait significatif.
Pour ceux qui s’intéressent vraiment à la non-prolifération nucléaire, il est très important de forcer - de contraindre les pays à adhérer au Traité de non-prolifération. Il y a trois non-signataires à l’heure actuelle, l’Inde, Israël et le Pakistan, qui tous mettent au point des armes nucléaires avec l’aide des USA, et les USA les protègent des inspections.
Cela va plus loin. Il y a déjà des zones exemptes d’armes nucléaires dans plusieurs parties du monde, sauf qu’elles ne le sont pas pleinement parce que les USA ne le permettent pas. Le cas le plus probant est l’Union africaine. Celle-ci a demandé - et s’est finalement mis d’accord sur une zone exempte d’armes nucléaires ; toutefois, cette zone comprend l’île de Diego Garcia, que les USA utilisent - avant tout pour les bombardements - c’est un des principaux centres de bombardements pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, mais on y stocke aussi des armes nucléaires et des sous-marins nucléaires. Et c’est en fait l’usage qu’on en fait. Les installations y ont renforcées par l’administration Obama, avec de nouveaux systèmes de soutien pour les sous-marins nucléaires. Les USA envoient maintenant ce que l’on appelle des perceurs de bunker, énormes bombes à pénétration profonde. Bien sûr, ils sont destinés à l’Iran. Ces bombes viennent d’être envoyées à Diego Garcia. Toutes ces menaces contre l’Iran sont en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
Je crains de devoir arrêter, j’ai une autre interview dans deux minutes.
AMY GOODMAN : OK. Je vous remercie beaucoup de nous avoir rejoints, Noam Chomsky, professeur au MIT, et je répète Noam s’est vu refuser l’entrée en Cisjordanie pour donner ses cours à Bir Zeit. Mais les cours seront diffusés par vidéoconférence à partir de demain. Merci, Noam, de votre visite.
Voir également :
Noam Chomsky interdit d’entrer en Israël
De Noam Chomsky :
La menace d’un bon exemple
Obama et la question israélo-palestinienne
La volonté des Irakiens n’est toujours pas prise en compte
Le lavage de cerveaux en liberté
Expertise, éthique et responsabilité
Un prédateur devient plus dangereux lorsqu’il est blessé
17 mai 2010 - Democracy Now - traduction : Anne-Marie Goossens
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire