16 mai 2010

Respect des droits des prisonniers

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Depuis des années, des rapports dénonçant le système carcéral en France sortent : rapports parlementaires, rapports de commissaires européens aux droits de l’homme, d’Amnesty international, et des condamnations régulières de la Cour européenne des droits de l’homme sont faites pour traitements inhumains, actes de barbarie, etc., à l’encontre des détenus.
Pourtant, rien ne bouge ou si peu ! La récente loi pénitentiaire ne répond pas à cette situation indigne des prisons françaises, elle les aggrave au contraire par certaines dispositions.
L’administration pénitentiaire est un État dans l’État. La surpopulation carcérale actuelle dégrade considérablement les conditions de détention des détenus qui est déjà basée sur l’humiliation et la déshumanisation plutôt que sur l’idée de préparation à la sortie et à l’insertion.
À la peine privative de liberté s’ajoute un déni du droit pour les détenus. En effet, les droits fondamentaux comme le droit à la santé, à l’éducation, de voter, à un salaire au Smic, de rencontrer ses proches dans des conditions décentes, et tout simplement le droit à la dignité sont largement bafoués. « La philosophie » du système pénitentiaire en France repose sur l’idée qu’au-delà de la privation de liberté, le détenu doit au quotidien payer « sa faute » par une atteinte à ses droits fondamentaux.
L’administration pénitentiaire devrait aider les prisonniers à préparer leur sortie, donc leur avenir, en leur permettant de se reconstruire et non de se détruire.
Les prisons sont remplies de personnes qui n’ont rien à y faire. De plus en plus de personnes souffrant de graves troubles psychiques, qui relèvent de la psychiatrie ou de la santé mentale, se retrouvent derrière les barreaux.
La peine d’emprisonnement devrait être l’exception. Le développement des peines alternatives à l’incarcération devrait être généralisé, c’est la meilleure façon de prévenir la récidive. Par ailleurs, l’ensemble des lois répressives votées depuis 2001 (dont nous exigeons l’abrogation) et leur application par les juges ne fait qu’accroître le nombre de personnes détenues, particulièrement la loi de 2005 instituant les peines plancher. L’instauration de la rétention à perpétuité va augmenter le nombre de détenus dont l’horizon indépassable sera les murs d’une cellule.

Surpopulation et prison à domicile


Il y a en France 106 maisons d’arrêt et 79 établissements pour peine. Au 1er avril 2010, 61 700 personnes y sont détenues pour 56 300 places. La surpopulation ne concerne que les maisons d’arrêt, c’est-à-dire la détention provisoire et, théoriquement, les condamnés à qui il reste moins d’un an à tirer.
La surpopulation moyenne se maintient autour de 110 %, mais pour saisir vraiment la réalité, il faut savoir que 29 prisons ont une densité supérieure à 150 % et 9 à 200 %.
La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie communique à tout-va sur les alternatives à l’incarcération, principalement sur le bracelet électronique censé résoudre la surpopulation carcérale. Le nombre de bracelets posés augmente de façon spectaculaire et les profits du business sécuritaire aussi ! En premier lieu, la priorité au bracelet masque le plus faible recours aux travaux d’intérêt général, au suivi-mise à l’épreuve ou encore à la semi-liberté, toutes mesures qui exigent des locaux et du personnel. En second lieu, pour avoir droit au bracelet, il faut disposer d’un logement avec téléphone fixe, d’un emploi ou d’une formation. Les pauvres, qui se retrouvent souvent précisément condamnés à cause de leurs conditions de vie désastreuses, n’auront toujours en guise d’alternative que l’incarcération.
Enfin, le bracelet est la version moderne du boulet des bagnards : la prison est inscrite jour et nuit dans le corps du détenu ; l’expérience montre qu’au delà de six mois, la contrainte devient insupportable, entraînant le retour à la case prison.

Loi pénitentiaire : on a pris 20 ans !


Cette loi de septembre 2009 qui, selon ses promoteurs, consacre l’avènement d’un système carcéral moderne, progressiste et humaniste, « entérine en fait une politique ultra sécuritaire, liberticide, dont la défiance et la volonté de vengeance sont le credo », selon la CGT pénitentiaire. Deux exemples illustrent cette juste appréciation :
- Le droit d’être seul en cellule (revendiqué massivement par les détenus consultés lors des États généraux de la condition pénitentiaire), datant de 1875, est abandonné au profit d’un fumeux « libre choix » assorti d’un moratoire de cinq ans opposable au détenu qui fera le mauvais choix de l’intimité.
- Le quartier disciplinaire (successeur des quartiers de haute sécurité), loin d’être supprimé, est simplement aménagé : la durée d’enfermement possible au mitard baisse mais reste une des plus longues d’Europe avec 30 jours maximum (au lieu de 45 jours auparavant).

La France et ses prisonniers politiques


Depuis 1981 et la suppression par le gouvernement Mauroy de la Cour de Sûreté de l’État, il n’existe plus officiellement de prisonniers politiques en France. 30 ans plus tard, des centaines de militants n’en restent pas moins astreints à un régime spécial issu directement de l’architecture policière, judiciaire et législative de l’antiterrorisme français.
La clé de voûte du dispositif repose sur la loi du 9 septembre 1986 qui concentre le traitement des affaires « terroristes » entre les mains de la 14e section du parquet de Paris. Cette loi crée une nouvelle infraction : « l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » dont l’interprétation large de cette notion imprécise par les juges spécialisés – et zélés – est à l’origine d’innombrables dérapages (procès Chalabi, affaire Tarnac, rafles dans la mouvance indépendantiste basque) et confie à son bras policier, la sous-direction antiterroriste (SDAT), des pouvoirs exorbitants.
Actualisée à de multiples reprises (y compris par la gauche) notamment depuis le 11 septembre 2001 (lois « relative à la sécurité quotidienne », « pour la sécurité intérieure », Perben 2), la législation antiterroriste représente une arme de guerre contre les libertés par les multiples dérogations introduites au droit commun qui accroissent le spectre de l’action policière et diminuent le rôle de la défense : gardes à vue portées à quatre voire six jours, intervention de l’avocat à la 72e heure, détention préventive pouvant atteindre six ans, cours d’Assises spéciales composées uniquement de magistrats professionnels, allongement de la durée des peines.
La condamnation passée, l’institution pénitentiaire prend le relais et applique aux prisonniers politiques ainsi qu’à tous les enfermés se dressant contre le système des traitements inhumains dénoncés par de nombreuses organisations. Parmi ces traitements, l’éloignement quasi systématique des détenus politiques de leurs proches et l’attribution du statut de détenu particulièrement surveillé (DPS). Marqués ainsi au fer rouge, les détenus politiques voient leur quotidien soumis à un contrôle très strict : surveillance accrue, restriction pour faire des études, déplacements limités dans la prison, interdiction de travail, quartiers d’isolement, changements constants d’établissements.
Aucun chiffre n’est actuellement disponible sur le nombre de prisonniers politiques incarcérés en France. En 2005, le ministère de la Justice avait cependant réuni une statistique sur les personnes détenues pour « incrimination terroriste ». Le plus fort contingent des 358 prisonniers était alors basque (159) loin devant les « islamistes » (94), les Corses (76). Apparaissaient ensuite les membres de l’organisation d’extrême gauche espagnole du Grapo (13), ceux d’Action directe (7 dont Jean-Marc Rouillan) et des militants révolutionnaires internationaux (dont Georges Ibrahim Abdallah incarcéré depuis 1984).
Dans un contexte ultra sécuritaire de criminalisation du mouvement social, il est plus que jamais urgent d’exiger la suppression de la législation antiterroriste, la reconnaissance du statut de prisonnier politique, le rapprochement immédiat de tous les prisonniers détenus loin de leurs familles, la fin des longues peines ainsi que l’abolition du statut de DPS et des quartiers d’isolement pour tous.

Suicides : un nouveau record en 2010 ?


Ban Public tient la triste comptabilité des suicides et morts suspectes en détention. Ces militants, en révélant le record de 129 suicides en 2009, ont obligé Alliot-Marie à s’engager à rendre publics les chiffres officiels. À chaque communiqué (déjà 41 suicides depuis le 1er janvier 2010), cette association rappelle que les suicides sont sept fois plus fréquents en prison qu’à l’extérieur et que le choc carcéral à l’entrée en détention, la période du jugement et le placement au quartier disciplinaire sont des périodes de particulière vulnérabilité.
Toutes les mesures pour empêcher les suicides (rondes supplémentaires, draps en papier, recours au co-détenu) ne changeront rien au fait que c’est l’emprisonnement en tant que tel qui est, le plus souvent, la cause première du suicide en prison.

Mineurs incarcérés


Un mineur peut être mis en détention provisoire dès 13 ans s’il fait l’objet d’une procédure criminelle et dès 16 ans en matière correctionnelle. Par contre, lors du jugement, en matière correctionnelle, il peut être condamné à la prison dès 13 ans.
Les jeunes sont incarcérés dans des centres de jeunes détenus et depuis 2007 en établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM). Il est obligatoire qu’ils soient en cellule individuelle.
Depuis 2007, six EPM ont été ouverts en application de la loi Perben I de septembre 2002. Ces ouvertures se sont effectuées à grand renfort d’une communication gouvernementale démagogique qui proclamait que l’objectif des EPM était « de faire tourner la détention autour de la salle de classe ». Ceux qui parlent d’éducation par la prison font semblant d’oublier qu’elle renforce toujours l’exclusion et favorise la récidive et minimisent le poids des murs, du système disciplinaire, de l’isolement et le but punitif de la prison.
En appliquant aux mineurs de plus de 16 ans le droit pénal des majeurs et en infligeant des peines à des enfants de plus en plus jeunes, le gouvernement a fait le choix de répondre aux actes délictueux par la seule logique de l’enfermement, écartant la nécessaire recherche des causes de ces passages à l’acte qui seule pourrait en éviter la réitération.
La loi Perben I encourage l’incarcération, allant jusqu’à lui conférer des vertus de réinsertion, en dépit de tous les constats généralement admis. Depuis l’ouverture du premier EPM début 2007, de nombreux incidents violents se sont déroulés dans ces établissements, entraînant des opérations de maintien de l’ordre, des mesures d’isolement pour les jeunes et des consignes de silence en direction des personnels.
L’incarcération est une rupture supplémentaire et renforce les risques de passages à l’acte violent tournés contre les autres ou contre eux-mêmes. Plusieurs suicides d’adolescents en EPM ont d’ailleurs eu lieu comme dans les centres de jeunes détenus. Le souci du soin et de l’éducation pour prévenir les mises en danger des détenus est contradictoire avec la logique punitive du système carcéral.
Alors que les EPM sont créés, les foyers éducatifs et services d’insertion professionnelle ferment, ôtant tout moyen éducatif aux personnels de la protection judiciaire de la jeunesse.
Au lieu de renforcer l’accompagnement éducatif et social qui peut limiter les répercussions négatives de la précarité (2 millions d’enfants pauvres en France) sur la construction psychique des adolescents, le choix est fait d’ajouter l’exclusion de l’incarcération à l’exclusion sociale.

Les propositions du NPA


Nos revendications immédiates se situent dans une logique de rupture avec le tout carcéral. Au-delà de ces revendications, il est nécessaire que le NPA ait une réflexion : les prisons ont-elles une place dans la société que nous voulons ?

Il faut refuser :
- l’incarcération des malades, des sans-papiers, des mineurs, des personnes sous dépendance de la drogue, des auteurs de petits délits, souvent liés à la misère.
- l’emprisonnement préventif sauf en l’état actuel pour les crimes de sang.
- les condamnations à perpétuité, les peines incompressibles.

Il faut exiger :
- un service de santé efficace dans tous les établissements pénitentiaires et la libération immédiate de tout détenu atteint d’une maladie grave (application de la loi Kouchner).
- l’abolition de la fouille corporelle qui est une humiliation insupportable.
- des installations sanitaires (toilettes, douches) pour chaque détenu qui préservent son intimité.
- le Smic au moins pour les détenus qui travaillent. Ils sont actuellement sous-payés au grand profit de l’administration et d’entreprises.
- le rapprochement de leurs familles. Les détenus doivent pouvoir recevoir leurs familles dans des lieux aménagés qui leur permettent notamment d’avoir des rapports sexuels et amoureux. Les conditions faites aux familles de détenus sont elles aussi humiliantes : éloignement de la prison, accueil basé sur la suspicion.
- la suppression du prétoire et du mitard. Avec le prétoire, le système carcéral s’est doté d’une justice parallèle qui conduit le plus souvent les détenus au mitard.

Pour en savoir plus et lutter :
Ban public : www.prison.eu.org
Observatoire international des prisons : www.oip.org
L’Envolée : lejournalenvolee.free.fr
Contrôleur général des prisons : www.cglpl.fr
Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées : www.genepi.fr
Robin des lois : www.robindeslois.org


source : NPA


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