16 mai 2010

Un Iranien à New York

dimanche 16 mai 2010

Graham Usher
Al Ahram Weekly


Le président iranien a marqué de son empreinte la conférence du TNP aux Nations Unies, écrit Graham Usher.

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Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a utilisé son apparition à la Conférence de l’Organisation des Nations Unies pour la non-prolifération des armes nucléaires [TNP] la semaine dernière, pour dénoncer le système mondial de non-prolifération comme un cas de « double-standard », une règle s’appliquant aux « nantis » de l’arme nucléaire comme les États-Unis et Israël, et l’autre s’appliquant aux « démunis » comme l’Iran, la Syrie, le Venezuela et Cuba, qui sont tous sous une forme ou une autre de sanction de la part des Etats-Unis.

Il passa le reste de son temps à New York pour parfaire son image d’homme d’Etat face à des médias nationaux qui le comparent à Hitler et dont l’administration poursuit agressivement l’objectif, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, d’une quatrième série de sanctions contre le programme nucléaire iranien. Les résultats ont été mitigés.

Le point faible a été son entrevue avec George Stephanopoulos dans « Good Morning America » d’ABC. Le leader iranien a avec raison soulevé le fait que si les États-Unis et la Russie ont récemment accepté de réduire leurs arsenaux nucléaires, ils n’ont pas permis aux inspecteurs d’attester que l’Iran se conformait [aux règles du TNP], ce sur quoi ils insistent pourtant lorsqu’il s’agit des programmes d’énergie nucléaire des États non dotés d’armes nucléaires comme l’Iran. Mais la discussion a ensuite tournée vinaigre, chacun accusant l’autre d’accueillir Oussama Ben Laden dans sa capitale respective...

Ahmadinejad s’en est mieux tiré lors d’une conférence de presse à New York le 4 mai. Contrairement à la plupart des informations diffusées, l’Iran était intéressé à désamorcer la crise avec l’Occident à propos de son programme nucléaire, a-t-il dit. En fait, il était prêt à rouvrir les discussions sur la base d’un plan présenté l’année dernière par l’ « International Atomic Energy Agency » [IAEA] dans lequel l’Iran enverrait à l’étranger pour y être traité une grande partie de son uranium faiblement enrichi, en échange des barres de combustible nécessaires pour un réacteur destiné à la recherche à Téhéran [TRR].

Les États-Unis, la Russie et la Chine ont déclaré que l’acceptation de cette proposition suspendrait pour l’instant la menace de sanctions. Le Brésil a proposé de relancer la négociation, une médiation qu’Ahmadinejad a acceptée et qui a été bien accueillie par la Russie et la Chine.

Le seul problème est que l’Iran a déjà joué cette carte auparavant - uniquement en insistant pour que tout échange de carburant [nucléaire] soit simultané et se produise à l’intérieur de l’Iran, deux conditions qui sont inacceptables pour autant que l’AIEA soit concernée. Il n’est pas évident de savoir si Ahmadinejad se soumettra à ces conditions. Mais alors qu’il brandissait le poing lors de la conférence du TNP, ici à la conférence de presse il portait des gants.

Il a également déclaré que l’Iran, contrairement à la Corée du Nord, ne se retirerait pas du TNP, voulant apaiser les craintes que l’Iran ne produise de l’uranium enrichi non pas pour satisfaire ses besoins énergétiques, mais pour parvenir à la capacité nécessaire à des armements nucléaires.

Mais, a-t-il prévenu, une nouvelle série de sanctions du Conseil de sécurité mettrait fin à toute perspective d ’« engagement » avec l’administration Obama. Quant à la menace d’une attaque militaire israélienne sur l’Iran, Ahmadinejad a eu recours à l’hyperbole. « Les chances pour Israël de gagner - que ce soit au Liban, en Syrie ou même à Gaza - sont nulles », a-t-il déclaré.

Si le but d’Ahmadinejad à la conférence de presse était de confondre et de diviser, cela a fonctionné. Les progrès vers une résolution au Conseil de sécurité pour des sanctions, déjà lents avant la conférence du TNP, sont maintenant carrément gelés.

Les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, membres permanents du Conseil de sécurité, veulent des sanctions « dures » s’attaquant aux secteurs financier et militaire de l’Iran et aux Gardiens de la Révolution. La Chine « s’oppose à peu près à tout », selon une source. Et la Russie croit que certaines sanctions ont plus à voir avec la volonté d’un changement de régime que d’un changement de politique et seront contre-productives. Quant aux membres non-permanents du Conseil de sécurité comme le Brésil et la Turquie, ils ne veulent pas de sanctions du tout.

Le résultat est que la résolution que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France voulaient faire adopter avant la conférence du TNP, peut maintenant s’éloigner jusqu’à juin. L’offre de médiation du Brésil - comme son aceptation par l’Iran - peut encore allonger les délais. De même, les efforts d’Ahmadinejad à la conférence du TNP pour détourner l’attention du programme nucléaire de l’Iran vers l’arsenal nucléaire d’Israël ont payé. Les délégués des Etats arabes et islamiques craignent moins le risque potentiel d’une prolifération nucléaire iranienne que la menace réelle que représentent les armes nucléaires d’Israël et l’incapacité d’avancer vers l’application d’une résolution du TNP datant de 1995 et appelant à la création d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient.

L’Egypte a conditionné tout soutien à une déclaration de consensus lors de cette conférence, à la condition qu’il y ait des progrès pour la mise en œuvre de la résolution de 1995. En particulier l’Egypte veut être soutenue pour une conférence régionale « exploratoire » l’année prochaine, avec la participation d’Israël, pour entamer des négociations sur une zone dénucléarisée au Moyen-Orient.

L’appel est soutenu par la Ligue arabe et les 118 Etats des pays non alignés, que préside actuellement l’Egypte. Le plus important est que cet appel ait arraché le soutien à contrecoeur des membres permanents au Conseil de sécurité.

Dans un communiqué publié le 5 mai, les cinq États ayant reconnu s’être dotés d’armes nucléaires n’expriment pas seulement leur « grave préoccupation » au sujet du programme nucléaire de l’Iran mais aussi leur l’appui à la mise en œuvre « complète » de la résolution 1995. Les cinq ont également déclaré qu’ils étaient prêts à « examiner toutes les propositions pertinentes ... visant à prendre des mesures concrètes allant dans ce sens ».

On ne sait pas quelle forme pourraient prendre ces mesures. Mais ce qui est clair - une semaine après la prestation d’Ahmadinejad à la conférence du TNP - c’est que « le succès dans la façon de traiter avec l’Iran dépendra dans une large mesure de notre capacité à avancer vers zone exempte d’armes nucléaires » au Moyen-Orient, affirme Maged Abdel-Aziz, ambassadeur de l’Egypte aux Nations Unies.

* Graham Usher contribue aux publications de Middle East Report. Il est correspondant au Pakistan pour Al-Ahram Weekly et écrit sur le Pakistan régulièrement pour plusieurs publications états-uniennes et européennes. Il est l’auteur de Le Pakistan en pleine tempête, Middle East Report Online, 27 juin 2008, et de Dépêches de Palestine : la montée et la chute du processus de paix d’Oslo (1999).


Du même auteur :

- L’Iran joue avec le feu
- Imposer le Droit et non la guerre
- Remanier l’Iraq et recommencer en Iran ?
- Les Etats-Unis étendent la guerre au Pakistan
- Le Viet Nam d’Obama

14 mai 2010 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/998...
Traduit de l’anglais par Nazem

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