14 mai 2010

Un échec clairement programmé

jeudi 13 mai 2010 - 07h:55

Khaled Amayreh - Al Ahram Weekly


Alors que les Palestiniens et les Israéliens vont s’engager dans des pourparlers indirects, les dirigeants palestiniens le font à partir d’une position très affaiblie, écrit Khaled Amayreh.
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Comme à l’accoutumé, Abbas [à d.] s’est plié aux injonctions israélo-américaines.

À un moment où l’administration d’Obama présente la reprise imminente d’entretiens indirects pour la paix entre Israël et l’Autorité Palestinienne (AP) comme « un progrès notable », très peu d’observateurs au Moyen-Orient estiment que les entretiens à venir permettront n’importe quelle percée ou progrès réel.

Soutenu par les principaux Etats arabes, dont l’Egypte et l’Arabie saoudite, l’Autorité palestinienne a accepté cette semaine d’entamer des pourparlers « indirects » ou « par intermédiaire » avec Israël pour une durée de quatre mois.

L’AP avait refusé de reprendre les négociations interrompues tant qu’Israël poursuivrait l’expansion des colonies en Cisjordanie occupée, et dans Jérusalem-Est.

D’intenses pressions exercées par Washington, couplées avec « les conseils fraternels » des pays arabes [dits] modérés, semblent avoir délogé les dirigeants palestiniens de leur position antérieure.

Certains communiqués ont indiqué cette semaine que le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu avait donné à l’administration Obama « des assurances implicites » qu’Israël ne procéderait pas à l’expansion de nouvelles colonies et à des démolitions de maisons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est au moins pour la durée des pourparlers. Si cela est exact, cela peut avoir encouragé l’Autorité palestinienne à accepter de reprendre les discussions.

Netanyahu s’est néanmoins engagé à poursuivre l’expansion des colonies en dépit de la reprise prochaine des pourparlers. Il a déclaré devant certains de ses supporters cette semaine que « la construction sur toute la terre d’Israël continuera indépendamment de ce que vous entendez dans les médias. »

Il aurait été demandé à l’Autorité palestinienne de ne pas divulguer la « concession » israélienne de mettre un terme à l’expansion des colonies afin de ne pas mettre en difficulté Netanyahu devant ses partenaires d’extrême-droite de la coalition, qlesquels s’opposent à tout accord de paix avec les Palestiniens et particulièrement s’il est question de « concessions territoriales ».

Pour sa part, le négociateur palestinien Saeb Ereikat a averti que les discussions « cesseraient » au moment même où Israël entamera la construction de nouvelles unités d’habitations pour colons sur le territoire palestinien occupé.

La reprise de pourparlers entre Israël et l’Autorité palestinienne n’est pas une cause d’euphorie. Des responsables à Ramallah ont laissé entendre que les dirigeants palestiniens avaient opté pour la reprise de pourparlers, qui sont dans l’impasse, « d’abord et avant tout pour satisfaire Washington et pour prouver à l’administration Obama que c’est Israël, et non pas les Palestiniens, l’obstacle réel pour la paix. » « Je pense que le Président Abbas a voulu prouver aux Américains qu’il est toujours dans le rôle du bon et Netanyahu dans celui du méchant, déclare un officiel de l’AP bien placé dans la coterie d’aides et de conseillers gravitant autour d’Abbas.

Le conseiller, qui n’était pas autorisé à s’exprimer devant la presse, a ajouté que « Abbas et les dirigeants palestiniens dans leur ensemble savent parfaitement qu’il y a zéro pour cent de chances que la reprise des négociations amène un succès. » « Nous n’avons tout simplement pas envie de perdre l’épreuve de force de relations publiques avec Israël parce que ce qui se passe est une bataille de relations publiques, pas de vrais efforts pour la paix. »

D’un autre point de vue, certains soulignent que les intentions de Washington sont malhonnêtes et que les États-Unis ne font qu’exploiter la question dans le but d’isoler l’Iran en privant la République islamique d’une utile carte de propagande dans sa confrontation avec l’Occident concernant son programme nucléaire.

Les États-Unis, en particulier le Département d’Etat, sont convaincus que le conflit israélo-arabe est un véritable « brouillage de piste [red herring] » qui permet à l’Iran d’échapper à ses responsabilités concernant ses capacités nucléaires en développement.

Par conséquent, les observateurs au Moyen-Orient explique avec insistance que le principal motif derrière les efforts accélérés des États-Unis pour obtenir d’Israël et de l’Autorité palestinienne la reprise de pourparlers, a plus à voir avec la mise en place d’une coalition arabe contre l’Iran qu’avec la volonté d’avancer vers une solution durable pour ce conflit qui perdure au Moyen-Orient. Les écarts énormes et apparemment infranchissables entre l’Autorité palestinienne et Israël - en particulier l’actuel gouvernement belliciste, sans doute le plus extrémiste dans l’histoire d’Israël - rendent peu probables des progrès tangibles.

En effet, bien qu’acceptant ostensiblement le principe d’un Etat palestinien, Netanyahu a maintes fois promis qu’Israël ne se retirerait jamais de la plus grande partie de la Cisjordanie, ni de Jérusalem-Est et dela vallée du Jourdain. Netanyahu a aussi déclaré à plusieurs reprises qu’Israël garderait le contrôle de tous les postes frontaliers de la Cisjordanie, ce qui signifie que tout futur Etat palestinien n’aurait ni souveraineté ni véritable autorité et serait dominé et étroitement contrôlé par Israël.

Il est également clair que des pourparlers entre les deux parties sur des questions aussi centrales que le problème des réfugiés, qui selon de nombreux experts est au cœur même de la cause palestinienne, ne mèneront nulle part puisqu’Israël rejette avec véhémence le retour des réfugiés palestiniens dans leurs villages et maisons d’origine dans ce qui qui est maintenant Israël. Pour sa part, l’Autorité palestinienne ne peut pas ignorer la question de peur de perdre toute légitimité aux yeux du peuple palestinien.

Le président Abbas reprend donc des négociations au point mort avec Israël à partir d’une position d’une faiblesse considérable. Abbas avait déclaré à de nombreuses reprises qu’il ne reviendrait pas à la table des négociations avec Israël si celui-ci ne gelait pas toutes les activités de colonisation en Cisjordanie. Son recul évident à cet égard va affaiblir son image aux yeux des Israéliens comme à ceux des Palestiniens.

Abbas risque en effet de faire face à une opposition grandissante à l’intérieur de sa propre organisation, le Fatah, s’il persiste à ignorer les institutions du parti comme le Conseil de la révolution qui a récemment réaffirmé son opposition à la reprise des pourparlers avec Israël dans les circonstances actuelles (c’est-à-dire la poursuite de l’expansion des colonies). En outre, l’Organisation de Libération de la Palestine, sous le chapeau de laquelle Abbas reprend les négociations avec Israël, est fermement opposée à la reprise inconditionnelle de pourparlers pour la même raison.

Et pour finir, l’arène palestinienne est divisée, la scission persistant sinon s’approfondissant entre le Fatah et le Hamas et sans aucun signe d’une amélioration à venir de la situation. Pour ces raisons comme pour d’autres, il est prévisible que les négociateurs palestiniens feront face à leurs homologues israéliens à partir d’une position intrinsèquement faible.

Face à ces dures réalités et frustrés par l’attitude « rejectionniste » israélienne mais aussi par la réticence de l’administration Obama à faire pression sur Israël - et plus encore par l’incapacité chronique des États arabes à soutenir les Palestiniens de façon significative en allant plus loin que des déclarations faites du bout des lèvres - Abbas a appelé les Etats-Unis la semaine dernière à imposer une solution aux deux côtés. Les observateurs ont interprété son appel comme l’expression d’une exaspération, voir d’un désespoir politique.


* Khaled Amayreh est journaliste palestinien et réside en Cisjordanie sous occupation






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