07 octobre 2010

Association France-Israël : "Les ’colonies juives’ sont parfaitement légales"

Infos-Palestine : "Les colonies de peuplement sont parfaitement illégales"
lundi 18 janvier 2010 par Infos-Palestine
Le 15 juin 2009, le site de l’Association France-Israël publie une chronique choquante [4] que nous reproduisons ci-dessous :
« Colonies juives » : lorsque la communauté internationale prône l’épuration ethnique
Le discours du premier ministre israélien Benyamin Nethanyahou, en réponse aux exigences du président américain Barak Obama, ont remis sous les feux de l’actualité la question de ce qu’il est convenu d’appeler les colonies juives installées en Judée Samarie.
Ici en France, cette question fait l’objet d’un quasi consensus. La majorité des faiseurs d’opinion et de la classe politique, Nicolas Sarkozy au premier chef, considèrent que ces colonies sont un obstacle à la paix.. C’est d’ailleurs depuis longtemps devenu une réaction pavlovienne. Il suffit d’évoquer la paix au Proche-Orient pour que votre interlocuteur vous réponde : il ne saurait y avoir de paix sans le démantèlement des colonies juives.
Cet argument, tellement répété, semble être devenu une évidence. Qui pourrait en effet défendre au XXIe siècle un système colonial, de surcroit illégal au regard du droit international ?
Seulement voilà, cette présentation des faits est totalement inexacte. L’emploi du terme Colonies, pour désigner les villages juifs de Judée Samarie, témoigne à lui seul d’une subtile désinformation.
Ceux qui se sont rendus dans ces villages ont pu constater qu’ils se sont construits le plus naturellement du monde depuis plus de quarante ans n’ont rien à voir avec un quelconque système colonial.
L’argument selon lequel ces villages contreviendraient à la légalité internationale est également inexact. Les « colonies juives » sont parfaitement légales contrairement à ce qui est affirmé sans plus de démonstration par la presse française.
Cette même presse, qui prône à longueur de colonnes le démantèlement de ces colonies a-t-elle seulement réalisé que cette solution ne relève ni plus ni moins que de l’épuration ethnique, naguère dénoncée dans le conflit des Balkans, pour ne citer que celui-là ?
Le conflit israélo-palestinien est le seul au monde à propos duquel on vous explique sans sourciller qu’un futur accord de paix ne pourra être conclu sans avoir préalablement expulsé des centaines de millier de populations civiles en raison de leur appartenance ethnique et religieuse.
Ni au Kosovo, où les soldats de l’Otan continue dix ans après la guerre à protéger les villages serbes, ni en Bosnie, ni à Chypre, ni nulle part ailleurs dans le monde on a vu nos grandes consciences prôner une telle expulsion.
Il n’y que les juifs qui doivent quitter la Judée. Et tout le monde trouve cela normal.
Clément Weill-Raynal Chronique RCJ du 15 juin 2009
Nous allons montrer dans cet article que :
Les colonies sont illégales du point de vue du droit international et le terme de "colonie" ne constitue en aucun cas un abus de langage des médias français ;
L’argument selon lequel le démantèlement des colonies illégales revient à une forme d’épuration ethnique est fallacieux et choquant lorsque l’on sait qu’Israël refuse le retour des réfugiés palestiniens, qu’Israël favorise l’installation de colons, mène une politique de destruction d’habitations Palestiniennes et réduisant lentement le territoire des Palestiniens. Nous nous poserons la question de savoir si demander un démantèlement des colonies revient à prôner une épuration ethnique ou bien à arrêter une lente épuration ethnique en cours dans les territoires occupés.
Nous nous appuierons sur des rapports d’ONGs telles qu’Amnesty International et B’Tselem (le centre d’information Israélien sur les droits de l’homme dans les territoires occupés), sur les livres de Norman Finkelstein et Shlomo Ben-Ami, ainsi que sur des résolutions de l’ONU. Les citations sont entre crochets dans le texte. Un lien hypertexte est donné pour presque chaque référence.

Les colonies de peuplement sont bien illégales

Commençons par contredire cette affirmation de Weill-Raynal :
L’argument selon lequel ces villages contreviendraient à la légalité internationale est également inexact. Les « colonies juives » sont parfaitement légales contrairement à ce qui est affirmé sans plus de démonstration par la presse française.
Pour montrer ce point, nous proposons une traduction d’un paragraphe de la nouvelle préface de l’excellent livre de Norman Filkenstein "Beyond Chutzpah" (édition de 2008) [1], p. xxi-xxii (caractères gras ajoutées) :
[…] La Cour [Internationale de Justice] affirme que, selon l’Article 2 de la Chartre des Nations Unies et de nombreuses résolutions de l’ONU empêchant l’acquisition de tout territoire par la force, Israël n’a aucun droit aux territoires qu’elle a capturés lors de la guerre de juin 1967. Par conséquent, Jérusalem Est, aussi capturée pendant la guerre de juin 1967, n’est pas, comme Israël le proclame, sa "capitale éternelle et indivisible" et une partie intégrante d’Israël. Au contraire, Jérusalem Est est un Territoire Palestinien Occupé, affirme la Cour, rappelant que le Conseil de Sécurité et des résolutions de l’Assemblée Générale ont déclaré l’annexion de Jérusalem Est par Israël illégale, nulle et sans validité aucune. […] Enfin, la Cour cite des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU qui, d’après l’Article 49 de la Quatrième Convention de Genève, les colonies israéliennes "n’ont aucune validité légale" et consituent une "violation flagrante" de la loi internationale.(23) "La Cour conclut que les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’ont été en méconnaissance du droit international."
23. Une résolution de l’Assemblée Générale de décembre 2005, "Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé " (A/RES/60/106), "Réaffirme que les colonies de peuplement israéliennes établies dans le territoire palestinien, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé sont illégales.", passé à 153 voix pour ; 7 voix contre (Australie, Etats Fédérés de Micronésie, Grenade, Israël, Iles Marshall, Palau, Etats Unis), et 10 abstentions.
Citons aussi un rapport du Harvard Program on Humanitarian Policy and Conflict Research [5], p. 6 (traduction) :
L’ONU et l’UE ont tous deux affirmé que la politique israélienne des colonies de peuplement viole la loi humanitaire internationale, l’ONU affirmant en particulier que les colonies israéliennes violent l’article 49. Le Comité International de la Croix Rouge [ICRC] a aussi établi que les colonies israéliennes étaient illégales. De plus, une Conférence des Hautes Parties Contractantes à la Quatrième Convention de Genève (tenue en 2001) on publié une déclaration affirmant : "Les Hautes Parties Contractantes … réaffirment l’illégalité des colonies de peuplement dans lesdits territoires et de leur extension."
Si le lecteur n’est toujours pas convaincu, il peut se référer par exemple au rapport de la Cour Internationale de Justice [2], ou à la résolution A/RES/60/106 de l’Assemblée Générale [3].
Notons aussi que des ONG, telles que B’Tselem ou Amnesty International dénoncent régulièrement l’illégalité de ces colonies (voir par exemple [14]).
Le lecteur aura noté en passant que ni la Cour Internationale de Justice, ni l’Assemblée Générale de l’ONU, ni le ICRC n’utilisent l’expression "village […] de Judée Samarie," mais bien "colonies de peuplement," "colonies israéliennes" ou simplement "colonies".
La terminologie "colonie" est donc standard, et les colonies sont illégales du point du vue du droit international, contrairement à ce qu’affirme Weill-Raynall.

Israël pratique-t-elle un lent nettoyage ethnique ?

Nous allons, dans cette partie, concentrer notre argumentation en réponse à l’affirmation de l’auteur de la la chronique lorsqu’il affirme que demander à Israël de se retirer des colonies revient à prôner l’épuration ethnique :
Cette même presse, qui prône à longueur de colonnes le démantèlement de ces colonies a-t-elle seulement réalisé que cette solution ne relève ni plus ni moins que de l’épuration ethnique […] ?
Nous allons montrer que cette affirmation est choquante pour les raisons suivantes :
  • Israël participe activement au processus de colonisation en encourageant les Israéliens à s’installer en territoire occupé. Les colons ne s’installent donc pas "le plus naturellement du monde" ;
  • La création de l’état d’Israël s’est accompagnée de l’expulsion de nombreux Palestiniens ;
  • Israël refuse le retour des réfugiés Palestiniens, qui constitue pourtant un droit selon la loi internationale ;
  • Le processus de colonisation des territoires occupés s’accompagne d’une confiscation de territoire progressive et d’interdiction d’accès à certaines infrastructures aux Palestiniens, ainsi que de la destruction d’habitations palestiniennes ;
  • Le mur de séparation est construit non pas sur la ligne verte mais isole une grande partie des colonies israéliennes ainsi que Jérusalem Est du reste des territoires occupés de Cisjordanie.
Ces points indiquent que le démantèlement des colonies ne constituerait pas un nettoyage ethnique (c’est-à-dire nettoyer la Judée des Juifs, comme l’indique Weill-Raynal), mais plutôt l’arrêt d’un nettoyage ethnique en cours par Israël.
  • Une politique favorisant l’installation de colons dans les territoires occupés
Dans sa chronique de l’AFI, Clément Weill-Raynal affirme :
Ceux qui se sont rendus dans ces villages ont pu constater qu’ils se sont construits le plus naturellement du monde depuis plus de quarante ans n’ont rien à voir avec un quelconque système colonial.
Tout d’abord, il est probablement difficile pour un simple observateur de faire la différence entre des quartiers issues d’une politique de colonisation ou ceux issus d’un développement naturel.
Dans ce paragraphe, nous allons montrer que les colonies font partie intégrante d’une politique israélienne visant à transférer une partie de sa population dans les territoires palestiniens occupés, modifiant ainsi la composition ethnique de ces régions.
D’après le bureau central de statistiques israélien (CBS), la population a augmenté en Israël de 1,8% en 2008 ainsi qu’en 2009. Il est intéressant de noter que la population dans les communautés juives de Cisjordanie (territoires palestiniens occupés) a elle augmenté de 4,8 et 4,7% en 2009 et 2008 respectivement [6]. Comment expliquer cette différence ? Quel avantages les colons israéliens peuvent-ils bien tirer à s’installer en territoire occupé ?
Un rapport de B’Tselem de 2002 consacre un chapitre entier aux avantages auxquels les Israéliens habitant dans les colonies et les collectivités locales des territoires occupés (colonies) ont droit. [7], chapitre 5.
Le rapport montre très clairement qu’Israël mène une politique visant à favoriser l’installation de colons en Cisjordanie. Les colonies sont ainsi pour la plupart des "zones de priorité nationale," bénéficiant d’avantages. Chaque ministère a ses propres critères de classification suivant 3 classes, par ordre de priorité croissant : non prioritaire, classe B, classe A. La distribution des territoires suivant les différentes catégories est illustrée par la figure 1.

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Figure 1 : Colonies en Cisjordanie, par niveau de priorité, en 2002
Notons que si la majorité des colonies sont de classe A ou B, toutes les zones prioitaires ne se trouvent pas dans les colonies. Source : B’Tselem [7]
Le rapport de B’Tselem liste les avantages dont bénéficient les habitants des les aires de priorité pour chaque ministère. Ainsi, par exemple (la liste est non exhaustive. Le lecteur se référera au rapport original pour plus de détails) : le Ministère du Logement et de la Construction offre des prêts aux personnes voulant s’y installer, ces prêts se transformant en aides après un certain nombre d’années ; le Ministère des Infrastructures Nationales réduit le prix des terrains, permettant une réduction des loyers ; le Ministère de l’Education offre divers avantages aux enseignants, allant de la promotion à la réduction des prix de formation ; le Ministère de l’Industrie et du Commerce propose subventions et avantages fiscaux aux entreprises ; le Ministère du Travail et des Affaires Sociales propose aux travailleurs sociaux des avantages comparables à ceux offerts aux enseignants par le Ministère de l’Education ; le Ministère des Finances propose une réduction de l’impôt sur le revenu (typiquement 7%).
En plus des aides individuelles allant directement aux habitants, les collectivités locales bénéficient d’avantages par rapport au reste du pays, en particulier sous forme de subventions. Ainsi, toujours d’après B’Tselem, les collectivités locales de Cisjordanie reçoivent près du double de subventions générales par rapport à celles du reste du pays.
Un article de Haaretz de 2007 indique que, notamment sous la pression d’organisations pro-arabe, de moins en moins de colonies sont incluses dans les "zones de priorité nationale" [8]. Cependant, pour calmer la colère des colons après la décision de geler partiellement et temporairement la colonisation des territoires occupés, le gouvernement a récemment annoncé la proposition d’une nouvelle carte de "zones à priorités nationales" qui intégrerait 110 000 colons dans ces zones [9].
Il est donc très clair, au vu du document de B’Tselem, qu’Israël participe activement au processus de colonisation (illégale selon le droit international) en encourage ou a encouragé le développement des colonies sous forme de subventions aux collectivités et sous forme de divers avantages aux colons.
Une autre manière d’arriver à la même conclusion est par l’absurde : si Israël n’avait pas contrôle de la colonisation, elle n’aurait pu ordonner le gel fin Novembre 2009.
  • Le transfert des Palestiniens
Weill-Raynal affirme que la communauté internationale prône le nettoyage ethnique de la Palestine en demandant le démantèlement des colonies. Nous montrerons dans cette partie que si nettoyage ethnique il y a, c’est un nettoyage ethnique opéré par Israël, et donc que le retrait des colonies reviendrait à stopper un nettoyage ethnique en cours.
La création d’Israël
Avant de parler de la situation actuelle, il nous semble intéressant, au vu de la remarque de Weill-Reynal, de rappeler les conditions dans lesquelles s’est créé l’état d’Israël.
La création d’un état juif par les Sionistes sur une terre peuplée majoritairement d’arabes posait un problème : la population majoritaire était arabe et non juive ! De nombreux historiens s’accordent aujourd’hui sur la thèse du "transfert" de Benny Morris, qui est que la création d’Israël s’est accompagnée d’un transfert d’une partie de la population palestinienne arabe hors d’Israël. Dans "Beyond Chutpah" [1], p. 303, Norman Finkelstein explique en citant Morris (traduction) :
L’"idée du transfert de population" - y compris par expulsion directe - était "l’un des principaux courants de l’idéologie sioniste depuis son origine." Morris continue, en documentant copieusement, dans son livre Righteous Victims, en écrivant que "pour de nombreux Sionistes, en commençant par Herzl, la seule solution réaliste était le transfert de population. De 1880 à 1920, certains entretenaient l’idée que Juifs et Arabes pourraient vivre en paix. Mais de plus en plus, depuis 1920, et en particulier après 1929, l’issue d’un conflit apparaissait comme inévitable pour une vaste majorité. Après les heurts de 1936, aucun des principaux leader ne pouvait concevoir une coexistence et une paix futures sans une claire séparation physique entre les deux peuples -atteignable seulement par le transfert et l’expulsion de population."(5)
5. Benny Morris, Righteous Victims : A History of the Zionist-Arab Conflict, 1881-1999 (New-York, 1999), p. 139.
Cette thèse est aussi reprise par Shlomo Ben-Ami, historien et ancien ministre des affaires étrangères israélien. Au début de son ouvrage intitulé "Scars of War, Wounds of Peace" [17], il explique que l’idéologie sioniste de l’époque a amené naturellement à l’expulsion de nombreux Palestiniens pendant la guerre de 1948, sous l’impulsion des dirigreants militaires. Il écrit, page 44 (traduction) :
Le Plan D [ou Plan Dalet] était cependant une cause principale [du premier] exode, puisqu’il avait été stratégiquement mené afin de concrétiser l’idée de créer une contiguité juive même au-dela des lignes du plan de partition, et par conséquent, par le désir d’avoir un état juif contenant le moins d’Arabes possibles.
[…]
L’idée du transfert n’était pas marginale ou ésotérique dans la mentalité et l’opinion des leaders principaux du Yichouv. [Les] constructions idéologiques [qui motivaient le Sionisme] fournissaient un environnement légitime aux commandants sur le terrain leur permettant de favoriser activement l’expulsion de la population locale, même lorsqu’aucun ordre précis n’était donné par les leaders politiques.
Plus loin, page 46 (traduction) :
L’expulsion des Arabes palestiniens des zones conquises par les Israéliens était pour les commandants militaires une conséquence naturelle, voire inéluctable, de la volonté de conquérir et de posséder la terre par la force. Yigal Allon, parfois avec la connivance de Ben-Gurion, était un promoteur important de l’expulsion des Arabes des terres conquises. C’était, par exemple, le cas pour l’Opération Yiftah en Galilée de l’Est, qui conduisit à un exode massif de Palestiniens et l’Opération Danny à Ramleh et Lydda - toutes deux sous le commandement de Allon - où environ 60 000 Arabes furent expulsés.
Ben-Ami explique donc que les commandants militaires juifs ont favorisé l’expulsion des Palestiniens à l’aube de la création de l’état d’Israël.
Le refus du retour ou de la compensation des réfugiés palestiniens
En particulier à cause des hostilités de 1948 et 1967, la fuite des Palestiniens - provoquée ou non par leur expulsion- a créé le problème connu des réfugiés. A l’issue de ces hostilités, Israël a refusé, et refuse toujours, le droit de retour à ces personnes (ceci n’est pas contesté et est affirmé page 46 dans le livre de Ben-Ami [17]).
A titre d’illustration, citons quelques résolutions de l’ONU traitant de ce problème. Après le conflit de 1948, l’assemblée générale adopte la résolution 194 (III) [11] qui dit, au paragraphe 11 :
L’Assemblée Générale […] Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leur foyer le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leur foyer et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en veru du principe du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables.
Une résolution contenant un passage similaire a été adoptée après les hostilités de 1967 [10]. Plus récemment, en 2005, une résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU [12] revient sur le problème des réfugiés de 1948 :
L’Assemblée Générale, […] Consciente qu’il y a plus d’un demi-siècle que les réfugiés de Palestine souffrent de la perte de leurs foyers, de leurs terres et de leurs moyens de subsistance, Affirmant qu’il est impératif de résoudre le problème des réfugiés de Palestine aux fins de la réalisation de la justice et de la réalisation d’une paix durable dans la région, […] Note avec regret que ni le rapatriement ni l’indemnisation des réfugiés, prévus au paragraphe 11 de sa résolution 194 (III), n’ont encore eu lieu et […] prie de nouveau la Commission de poursuivre ses efforts en ce sens […].
Cette résolution, intitulée "Aide aux réfugiés de Palestine," a été votée à 161 voix contre 1 (Israël) et 11 abstentions ([1], p. xxiii). C’est-à-dire que presque 60 ans plus tard, 161 pays sauf un seul (Israël) déplorent que les réfugiés n’ont toujours pas été permis de rentrer et considèrent que la non-résolution de ce problème est un frein à la paix.
Pourquoi parler de l’expulsion des Palestiniens et du problème des réfugiés dans cet articles ? La position d’Irsaël, qui est de ne pas permettre aux réfugiés d’exercer leur droit de retour, semble illustrer le fait qu’Israël assume cette expulsion. En bloquant le retour des réfugiés, Israël semble dire que le transfert n’était pas une erreur d’un autre temps et que s’il a eu lieu, c’est tant mieux, et que cela n’a pas lieu d’être réparé. De ce fait, Israël ne considère pas le nettoyage ethnique des Palestiniens comme une aberration, mais Weill-Raynal est dérangé à l’idée que les juifs peuvent être demandés de quitter la Judée (Cisjordanie).
Annexion de territoires palestiniens
Nous avons vu dans la première partie de cet article qu’Israël construit illégalement des colonies sur les Territoires Palestiniens Occupés de Cisjordanie, y compris Jérusalem Est. Ceci se traduit bien évidemment par un rétrécissement des territoires palestiniens. Un certain nombre de mécanismes ont été mis en place par Israël pour annexer de fait une partie de la Cisjordanie : L’installation de colonies israéliennes passe par l’éviction de Palestiniens de leur propriété et par la destruction systématique d’habitations. Nous ne nous attarderons pas sur les nombreux mécanismes favorisant les Israéliens et handicapant les Palestiniens dans les territoires occupés, tels que les "checkpoints" limitant la liberté de mouvement des Palestiniens, les routes et territoires exclusivement réservées aux Israéliens, la limitation d’utilisation par les Palestiniens de ressources vitales comme l’eau, qui ont tous été largement documentés par les ONGs. Cependant nous nous attarderons un peu sur le mur de séparation, lui aussi illégal du point de vue du droit international.
(i) Eviction et destruction systématique d’habitations
D’après le rapport de B’Tselem dont nous avons parlé [7] pp. 47-63, Israël utilise un ensemble de mécanismes bureauratiques afin de s’approprier du territoire Palestinien en vue de pouvoir par exemple y installer des colonies. Les différents mécanismes sont, d’après B’Tselem : la saisie pour prétexte militaire ; l’utilisation "abusive" d’une loi ottomane datant 1858 ; la déclaration de propriétés comme étant abandonnées ; l’expropriation directe ; l’achat de territoires. Le rapport de B’Tselem décrit et documente la manière dont ces mécanismes sont utilisés au dépens des Palestiniens propriétaires.
Un rapport d’Amnesty International de 1999 [13] est consacré à la démolition et l’expropriation systématique des habitations palestiniennes. Voici un extrait du résumé :
Depuis 1987, les autorités israéliennes ont détruit en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, au moins 2 650 maisons palestiniennes construites sans permis. Seize mille sept cents Palestiniens, dont 7 300 enfants, ont ainsi été privés d’un toit. Le nombre de démolitions recensées chaque année n’a pas diminué depuis la signature, en 1993, de la Déclaration de principes qui a été suivie d’une série d’accords de paix entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Bien que le nombre de Palestiniens soumis au contrôle direct des autorités israéliennes ne représente que le huitième de ce qu’il était auparavant, le nombre moyen de maisons démolies chaque année – 226 – a légèrement augmenté.
Les personnes et les familles dont l’habitation est détruite subissent un traumatisme affectif. La date et l’heure de la démolition ne sont pas annoncées à l’avance. Les bulldozers, accompagnés de soldats armés de bâtons et de fusils, arrivent le plus souvent quand le père de famille est parti au travail ; les habitants ne disposent parfois que d’un quart d’heure pour sortir leurs effets personnels avant que le mobilier ne soit jeté dans la rue et la maison démolie. Les membres de la famille et les personnes qui protestent contre la démolition sont souvent frappés à coups de bâton ou blessés, voire tués comme cela s’est produit une fois, par des balles recouvertes de caoutchouc.
Bien que le nombre de maisons démolies chaque année soit élevé, il reste faible si on le compare au nombre de maisons qui font l’objet d’ordonnances de démolition et qui sont menacées de destruction. On estime que 1 300 maisons dans lesquelles vit le quart de la population de la zone C (partie de la Cisjordanie entièrement sous contrôle israélien), ainsi que 12 000 maisons environ abritant plus d’un tiers de la population de Jérusalem-Est, sont actuellement menacées de démolition.
Il peut parfois être nécessaire, dans n’importe quel pays, de démolir une maison construite illégalement. Il est toutefois établi que les raisons invoquées pour démolir les maisons palestiniennes de Jérusalem-Est sont fallacieuses et dépourvues de justification technique. Les lois d’urbanisme sont utilisées par les autorités israéliennes pour restreindre les constructions palestiniennes aux localités existantes, sans prévoir l’urbanisation de nouvelles zones qui répondraient à la croissance démographique. Les contrôles sont impitoyables : à l’extérieur de Jérusalem-Est, les autorités invoquent des plans dressés il y a plus de cinquante ans et qui réservent pratiquement toute la région à l’agriculture ; à l’intérieur de la ville, elles tardent à dresser des plans, ont mis en place des procédures complexes d’obtention des permis et plafonné le nombre de Palestiniens autorisés à résider dans la zone.
La démolition des maisons palestiniennes et la non-délivrance de permis de construire sont liées à la politique de confiscation de terres appartenant à des propriétaires palestiniens privés, lesquelles sont ensuite réservées exclusivement aux constructions israéliennes. Des lois discriminatoires empêchent les non-Israéliens de louer à bail des terres confisquées.
Il semble clair pour les ONGs que ces mécanismes ont pour but de chasser la population de certaines terres afin de les annexer. Nous ne pensons pas émettre de conlcusion choquante en affirmant que si ce que les ONGs décrivent est vrai, alors ce que fait Israël s’apparente ni plus ni moins à du nettoyage ethnique.
(ii) Le mur de séparation
Le mur de séparation est une structure censée protéger Israël de l’intrusion d’individus dangereux en provenance de la Cisjordanie occupée. Le problème de cette barrière est qu’elle englobe (du côté Ouest de la barrière) plus de 15 % de la Cisjordanie, comprenant la 80 % des colonies israéliennes, ainsi que tout Jérusalem Est [16]. La Cour de Justice Internationale a considéré en 2004 que le tracé du mur était illégal du point de vue du droit international [15], en particulier parce qu’il ne suit pas le tracé de la ligne verte (voir figure). Outre les conséquences humanitaires dénoncées par les ONGs [16], pour beaucoup, les choix d’Israël concernant l’édification du mur et en particulier le choix de son tracé n’ont pas été guidé par des préoccupations sécuritaires, mais pour effacer la ligne verte et s’approprier plus de terrain palestinien, assurant une continuité territoriale entre les colonies et le reste du pays [16].
Le mur permet ainsi d’englober de fait dans le territoire israélien des territoires palestiniens qui ont été vidés de leur population (via les méchanismes mentionnés dans la section précédente), annexés puis colonisés par Israël [16].

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Figure 2 : Cisjordanie occupée en Février 2008.
Les surfaces blanches correspondent aux zones réservées aux Israéliens et les surfaces oranges celles laissées aux Palestiniens.La ligne jaune/grise correspond à la ligne verte, zone dont les Palestiniens ont droit selon la loi et le consensus internationaux. Presque 50 % de la Cisjordanie n’est plus accessible aux Palestiniens. Source : Foundation for Middle East Peace
  • Conclusion
Nous avons montré que la création d’Israël en tant qu’état juif n’a été possible qu’en chassant une partie de la population palestinienne (créant ainsi le problème des réfugiés), qu’Israël refuse le droit de retour de ces réfugiés, et que des processus systématiques d’expulsion et de destruction d’habitations palestiniennes sont en cours dans les territoires occupés, en parallèle avec la mise en place progressive de colonies, qui ont été en partie englobées dans le territoire israélien via le mur de séparation. Si la mise en place des colonies passe par l’expulsion de palestiniens de leur terres, il paraît évident que ceci s’apparente à du nettoyage ethnique.

Conclusion

Notre point de départ était la chronique de Weill-Raynal publiée sur le site de l’Association France-Israël dans laquelle l’auteur affirmait que les colonies israéliennes étaient "parfaitement légales". Nous avons montré que ces colonies sont bien illégales et avons cité des rapports de l’ONU et de la Cour Internationale de Justice.
Weill-Raynal affirmait aussi que ces colonies s’installent le plus "naturellement du monde" et ne sont pas le fruit d’une politique de colonisation. Nous avons montré en citant B’Tselem et Haaretz que l’état d’Israël est actif dans le processus de colonisation et encourage les israéliens à s’installer dans les colonies.
Enfin, l’auteur de la chronique de l’Association France-Israël s’émeut lorsque la communauté internationale prône le démantèlement des colonies, qu’il considèrere comme étant une forme de nettoyage ethnique. Nous avons montré que les mécanismes de colonisation, par l’expulsion de Palestiniens, la saisie de territoire, et l’implantation de population israélienne, s’il cela est décrit correctement par les ONG, s’apparente à du nettoyage ethnique. Ainsi, si Weill-Reynal est sensible au nettoyage ethnique, il devrait condamner le refus du droit de retour aux réfugiés, la colonisation, ainsi que les politiques de destructions systématiques d’habitations Palestiniennes ou le tracé du mur de séparation.

Références

[1] Norman Filkenstein, "Beyond Chutzpah : On the Misuse of Anti-Semitism and the Abuse of History." University of California Press, 2008.
[2] Cour Internationale de Justice, Recueil des arrêts consultatifs et ordonnances, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Avis consultatif du 9 juillet 2004.
[3] ONU, Résolution adoptée par l’Assemblée Générale, Soixantième Session, point 31 de l’ordre du jour, "Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé" A/RES/60/106.
[4] C. Weill-Raynal, « Colonies juives » : lorsque la communauté internationale prône l’épuration ethnique, 15 juin 2009, site de l’AFI, accédée le 15 décembre 2009.
[5] Harvard Program on Humanitarian Policy and Conflict Research, International Humanitarian Law Research Initiative, Policy Brief, The legal status of Israeli Settlements under IHL, January 2004.
[6] Central Bureau of Statistics, Population by Municipal Status and District, September 2009. Site du CBS, accédé le 15 décembre 2009.
[7] B’Tselem, Land Grab : Israel’s settlement policy in the West Bank, by Yehezkel Lein, May 2002.
[8] Israel Harel, "Subduing the settlement enterprise", Haaretz, 9 March 2007.
[9] Barak Ravid, "PM’s plan would put some settlements on map of national priority communities" Haaretz, 11 december 2009.
[10] Résolution du conseil de sécurité S/RES/237 (1967), 14 Juin 1967 : "Le Conseil de Sécurité […] [p]rie le Gouvernement israélien […] de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis de ces zones depuis le déclenchement des hostilités"
[11] Résolution de l’Assemblée Générale A/RES/194 (III), 11 décembre 1948.
[12] Résolution de l’Assemblée Générale "Aide aux réfugiés de Palestine" (A/RES/60/100), 8 décembre 2005.
[13] Amnesty International, Démolition et expropriation : la destruction de maisons palestiniennes (Londres, 8 décembre 1999)
[14] Amnesty International, Israël et territoires occupés : La question des implantations doit être abordée selon le droit international. (Londres, 8 septembre 2003)
[15] Cour Internationale de Justice, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004.
[16] Amnesty International, Israël et territoires occupés : Le mur/barrière et le droit international, 2004
[17] Shlomo Ben-Ami, Scars of War Wounds of Peace : The Israeli-Arab Tragedy (Phoenix, 2005)

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