Le boycott d’Israël par l’Afrique du Sud
vendredi 1er octobre 2010Ronnie Kasrils - The Guardian
Un boycott international a contribué à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud ; aujourd’hui, les Sud-Africains sont à la tête de l’opposition mondiale au racisme en Israël, écrit Ronnie Kasrils.
Des personnalités sud-africaines, dont Desmond Tutu, ont approuvé les récentes initiatives de boycott des institutions israéliennes.
Photo : David Silliltoe pour The Guardian
Quand le dirigeant Albert Luthulli fit appel à la communauté internationale pour qu’elle soutienne le boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid en 1958, la réponse fut un vaste et enthousiaste mouvement qui joua un rôle important dans la fin de l’apartheid. Au milieu des boycotts sportifs, des engagements d’auteurs dramatiques et d’artistes, des actions de travailleurs pour bloquer les produits sud-africains et les empêcher de pénétrer le marché local, et de la pression constante sur les Etats pour qu’ils retirent leur soutien au régime d’apartheid, le rôle des universités se trouva lui aussi en première ligne.
L’une des avancées significatives fut la résolution prise par 150 universitaires irlandais de ne pas accepter de postes universitaires ou de nominations en Afrique du Sud. En 1971, le Conseil du Trinity College de Dublin prit la décision de ne pas acquérir de participation dans toute entreprise de la République qui aurait des échanges commerciaux même par l’intermédiaire d’une filiale. Le Conseil décida par la suite que l’université ne conserverait aucun lien officiel ou institutionnel avec toute institution universitaire ou gouvernementale en Afrique du Sud.
Près de quatre décennies plus tard, la campagne de boycott, de désinvestissements et de sanctions gagne du terrain une fois encore en Afrique du Sud, et cette fois, contre l’apartheid israélien.
Déjà ce mois-ci, plus de 100 universitaires dans toute l’Afrique du Sud, de plus de 13 universités, ont apporté leur soutien à l’initiative de l’université de Johannesburg pour qu’il soit mit fin à la collaboration avec l’occupation israélienne. La campagne a encore progressé depuis et elle inclut aujourd’hui 200 sympathisants. La pétition universitaire sur l’ensemble du territoire, appelant à résilier tout accord entre l’université de Johannesburg et l’université israélienne Ben-Gourion au Néguev, a suscité un intérêt considérable. Avec la récente approbation de certaines voix éminentes d’Afrique du Sud, telles que Kader Asmal, Breyten Breytenbach, John Dugard, Antjie Krog, Mahmood Mamdani, Barney Pityana et Desmond Tutu, la déclaration confirme toute la force qu’a prise l’appel au boycott en Afrique du Sud :
« Nous, universitaires, reconnaissons que tous nos travaux universitaires s’inscrivent dans des contextes sociaux larges - particulièrement dans des institutions qui sont engagées dans la transformation sociale. Les institutions sud-africaines ont l’obligation de revoir les relations qu’elles ont forgées durant l’ère de l’apartheid avec d’autres institutions qui ont fermé les yeux sur l’oppression raciale, au prétexte d’un travail "purement universitaire ou scientifique" ».
Les universités israéliennes ne sont pas visées par le boycott à cause de leur identité ethnique ou religieuse, mais de leur complicité avec le système israélien d’apartheid. Comme les universitaires qui soutiennent l’appel l’expriment avec clarté dans leur déclaration, l’université Ben-Gourion entretient des liens matériels avec l’occupation militaire. Les attaques d’Israël contre Gaza en 2009, qui coûtèrent la vie à plus de 400 enfants, ont suscité une large condamnation internationale. La violation par Israël du droit international fut confirmée plus tard par le juge sud-africain, Richard Goldstone, dans son rapport aux Nations-Unies. L’université Ben-Gourion a directement et indirectement soutenu ces attaques en offrant des bourses et des cours en supplément aux étudiants qui avaient été enrôlés dans les unités combattantes actives et en fournissant des garanties spéciales aux étudiants partis dans le cadre de la réserve pour chaque jour de service.
La position de principe des universitaires en Afrique du Sud par laquelle ils prennent leur distance avec les institutions qui soutiennent l’occupation est à l’image des avancées déjà enregistrées en faisant valoir que le régime israélien est coupable d’un projet colonial illégal et immoral. Le Conseil de Recherches en sciences humaines d’Afrique du Sud, dans une réponse lors d’une enquête demandée par le gouvernement sud-africain en 2009, publia un rapport qui confirme que le racisme structurel et l’oppression imposés quotidiennement par Israël sont constitutifs d’un régime d’apartheid et de colonialisme, semblable à celui qui modela nos vies en Afrique du Sud.
Plus récemment, la réaction internationale à l’attaque honteuse contre la Flottille (le 31 mai dernier) qui transportait des fournitures médicales et d’autres produits de base pour la population ghettoïsée de Gaza fut un signe de l’érosion de la légitimité d’Israël aux yeux de la communauté internationale. En Afrique du Sud, le rappel de notre ambassadeur en Israël et la délivrance à l’ambassadeur d’Israël à Pretoria de l’une des formes les plus dures de condamnation diplomatique, de démarche, fut une déclaration forte où le gouvernement sud-africain reconnaissait que les actes d’Israël méritaient notre plus grand mépris.
La campagne de boycott, désinvestissements et sanctions contre Israël est maintenant lancée en Afrique du Sud. Les syndicats d’Afrique du Sud ont publiquement apporté leur soutien ; tout particulièrement par l’action de l’an dernier du syndicat sud-africain des travailleurs des Transports et activités connexes où ils refusèrent de décharger tout produit israélien sur le port de Durban - un engagement qui fut renouvelé en juillet de cette année.
Le boycott par les consommateurs gagne également du terrain, notamment avec le lancement récemment d’une campagne publique qui amène les militants sud-africains à boycotter la firme Ahava, les Cosmétiques de la mer Morte, et à rejoindre le mouvement international de boycott des produits israéliens.
La campagne de boycott et de sanctions contre l’apartheid d’Afrique du Sud a, en fin de compte, aidé à libérer tant les Blancs que les Noirs sud-africains. Les Palestiniens et les Israéliens profiteront de la même manière de cette campagne internationale non violente - une campagne que tous les Sud-Africains peuvent faire avancer.
La pétition demandant à mettre fin aux relations entre l’université de Johannesburg et l’université Ben-Gourion du Néguev est disponible sur : http://www.ujpetition.com
Vote du 30 septembre 2010 :
Les champions sud-africains du boycott universitaire d’Israël
PACBI (Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël) se félicite de la décision du Sénat de l’Université de Johannesburg « de ne pas poursuivre une relation de longue date avec l’Université Ben Gourion en Israël dans sa forme actuelle » et de fixer des conditions « à la poursuite des relations ».
Le fait que le Sénat de l’université de Johannesburg ait fixé un ultimatum de six mois à l’université Ben Gourion pour mettre fin à sa complicité avec l’armée d’occupation et pour que cessent les politiques de discrimination raciale contre les Palestiniens est vraiment un début significatif du recul de l’attitude « les affaires d’abord » qui a régi les accords entre les deux institutions jusqu’à tout récemment.
PACBI salue chaleureusement tous ceux qui ont travaillé en ce sens et qui ont approuvé la campagne pour rompre les liens avec l’université Ben-Gourion. La pétition sans précédent approuvée par les directions de quatre universités sud-africaines et par des personnalités de premier plan tels que l’archevêque Desmond Tutu, Breyten Breytenbach, John Dugard, Antjie Krog, Barney Pityana, et Kader Asmal, ne mâche pas ses mots en appelant à rompre des liens avec Ben-Gourion et, implicitement, avec toutes les institutions israéliennes qui se rendent complices des violations du droit international.
PACBI
Diffusé le 30 septembre par omar.barghouti2@gmail.com à partir de l’article : South Africa Champions the Academic Boycott of Israel (PACBI)
29 septembre 2010 - The Guardian - traduction : JPP
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