Tunisie: dossier des militaires accusés injustement
Un colonel et dix commandants d’active ainsi qu’un colonel de réserve et de nombreux sous officiers, d’active et de réserve furent ainsi officiellement et hâtivement inculpés. Leurs noms figuraient en bonne place, à l’époque, à côté des dirigeants d’Ennahda, à la une des journaux tunisiens, pour attester, si besoin est, de l’existence d’un bras armé de ce mouvement politique.
par Ahmed Manai
Une contribution au ..dossier des militaires accusés injustement
Vérités N°2-
« Vérités » est la première publication de l’opposition tunisienne à Paris au début des années 90. Elle était imprimée en Belgique, tirée à quelques centaines d’exemplaires et distribuée gratuitement et discrètement dans les milieux de la presse, des organisations des droits humains, des organismes étrangers en rapport avec la Tunisie et envoyée aux ambassades et consulats tunisiens en Europe.
Il en est sorti deux numéros, financés par feu Mohamed Mzali. « Vérités » était domiciliée à Bruxelles, B.P. 186- Bruxelles 1000-20, sa direction était assurée par Michel P. Hambursin, un sympathisant Belge de la cause tunisienne. Son comité de rédaction (clandestin) était composé de Mezri Haddad, chef de la rédaction, de Ahmed Bennour, Ahmed Kedidi et Ahmed Manai.
L’Armée Tunisienne sinistrée
Septembre 1992- Paris
Par Ahmed Manai, alias Khaled Yahia
Au mois de mai 1991, Ben Ali annonça avec fracas aux tunisiens et au monde médusés, la découverte d’un vaste complot fomenté par le mouvement Ennahda et dans lequel auraient trempé, outre des éléments des forces de la sécurité intérieure et de la douane, de nombreux cadres de l’armée nationale.
Un colonel et dix commandants d’active ainsi qu’un colonel de réserve et de nombreux sous officiers, d’active et de réserve furent ainsi officiellement et hâtivement inculpés. Leurs noms figuraient en bonne place, à l’époque, à côté des dirigeants d’Ennahda, à la une des journaux tunisiens, pour attester, si besoin est, de l’existence d’un bras armé de ce mouvement politique.
Les deux procès instruits à cet effet par les tribunaux militaires étant aujourd’hui terminés et le verdict rendu, il serait utile de s’interroger sur l’impact laissé par cette mascarade sur l’armée tunisienne et sur le sort réservé aux nombreux militaires, déshonorés et souillés à jamais.
Un complot contre l’armée.
Dans son projet d’éradication du mouvement Ennahda, Ben A li n’a pas hésité à la tentation d’impliquer une armée, qui, sans jamais se départir de son traditionnel loyalisme, l’a toujours traité avec un total mépris tout au long de sa carrière militaro-policière et davantage encore depuis son coup d’Etat.
D’autre part un complot aux ramifications militaires, avec à sa tête des jeunes commandants d’unités, intègres et compétents, passerait pour être plus crédible aux yeux d’une opinion quelque peu incrédule.
L’histoire retiendra la réplique que Ben Ali fît à son ministre de l’intérieur, Abdallah Kallel, venu s’enquérir de l’importance à attribuer à l’armée dans son scénario : « qu’on la détruise », lui lance-t-il.
En fait le démantèlement de l’armée tunisienne était déjà largement avancé dès le lendemain du coup d’Etat de 1997. De nombreux officiers supérieurs, appartenant aux premières promotions, des colonels et parfois des généraux, ont été mis à la retraite d’office. Les plus chanceux parmi eux, liés à Ben Ali par le copinage, les affaires, la corruption ou plus simplement la « complotite », se virent attribuer de juteuses situations à la tête d’ambassades ou de sociétés d’Etat. D’autres choisis parmi les plus serviles, furent tout simplement bombardés ministres. Les moins performants investirent le corps des gouverneurs ou se retrouvèrent en compétition avec leurs collègues de la police à la tête de consulats à l’étranger, ou tout simplement délégués dans des sous-préfectures du bled.
La fin de 1989 connut une nouvelle purge de l’armée. Des colonels mais surtout de nombreux jeunes commandants et capitaines se virent mettre à la retraite et pour certains expulsés sans ménagement, sans autre perspective que le chômage.
Les élèves officiers, parfois en fin de scolarité, payèrent aussi leur tribut.
Tout ce monde se retrouve à partir de mai 1991 dans les geôles du ministère de l’intérieur ou à l’ile de Zembra, livrés aux spécialistes de la question sous l’œil vigilant du maitre des céans. Ils étaient plus de deux cents quarante. Nombre d’entre eux y laissèrent la vie, d’autres en sortirent avec des traces indélébiles, pour se faire condamner à huit clos et en l’absence de toute assistance juridique et dans l’anonymat total, à de lourdes peines de prison.
Les plus chanceux enfin iront faire de la figuration dans les deux procès pour attester, en face du monde, de la crédibilité du scénario imaginé par un fou.
Ceux-ci seront acquittés, mais comme à son accoutumée, leur distingué hôte les retiendra à perpétuité.
Ahmed Manai, alias Khaled Yahia
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