11 mai 2011

BI'lin



Il était près de 20 heures et la lune brillait dans le ciel de Palestine, tandis que, derrière les montagnes, le soleil laissait encore à voir au dessus de nous du bleu et un mélange de couleurs à l'horizon: rouge, violet, jaune, indigo .........La fraiche atmosphère incitant à un tour, je suis sortie pour commencer à prendre des rendez-vous pour la soirée. Au premier coin de rue j'ai rencontré Haitham al Khatib, le cameraman de Bil'in, responsable de l'enregistrement tout ce qui arrive dans le village. Aimable comme tous les Palestiniens, et protecteur comme tous les musulmans, il a décidé de m'accompagner. Nous sommes partis, devisant le long de la route qui mène au mur, et nous sommes arrêtés chez un autre ami, Abu Rane, pour un un agréable bavardage en prenant le thé. Le gendre de Rane était déjà à la maison, ses fils rentraient de leur travail, et l'obscurité est tombée dans la grande cour devant la maison.

Alors le portable de Haitham a sonné. Un voisin le prévenait que des soldats israéliens avaient pénétré dans le village. Haitham a appelé chez lui pour qu'on lui apporte sa caméra, et nous nous sommes rendus dans l'allée, pour attendre. Peu de temps après, nous avons entendu le bruit du moteur des jeeps de l'armée israélienne. Nous nous sommes écartés pour les laisser passer et, surprise, nous les avons vu entrer dans la cour de la maison d'Abu Rane. Nous nous y sommes immédiatement dirigés.

La jeep s'est arrêtée sur le chemin de terre qui mène à la terrasse et dix soldats environ, armés de mitrailleuses, sont descendus. La plupart se sont rendus au domicile de notre ami et de sa fille, qui habite à côté. Nous avons hâté le pas mais avons été arrêtés dans notre marche par un jeune soldat qui, mitrailleuse pointée sur nous, a crié, en hébreu, que nous ne pouvions pas avancer. Nous nous sommes arrêtés. Je suis allée au bord du chemin afin d'avoir une meilleure vue de ce qu'ils
faisaient dans la maison. Le soldat m'a suivie, manipulant son arme, comme si cela pouvait me faire peur. Non, toute personne ayant subi la brutalité de la dictature militaire au Brésil a été immunisée contre les armées en général. Ce fut un vaccin contre la peur.

Alors, j'ai continué à marcher jusqu'au moment où j'ai vu ces femmes, leurs enfants dans leur giron, face aux soldats, ce qui les empêchait d'entrer dans leurs maisons. Sept hommes, armes à la main, n'ont pas réussi à franchir le barrage formé par trois jeunes femmes musulmanes. 15 minutes plus tard ils sont revenus à la jeep. À ce moment, Haitham et moi avons avec solennité fait fi du soldat qui nous avait arrêtés. J'ai couru derrière la jeep, pour voir s'ils avaient emmené un ami, tandis que Haitham allait vers le perron où se trouvaient les femmes et Abu Rane.

Non, personne n'avait été arrêté ... pour le moment. Les voisins sont arrivés, prenant des photos (dans les tribunaux israéliens, les juges demandent des preuves telles que des photographies et films), et la caméra de Haitham est finalement arrivée, apportée par un ami. Abu Rane a pris sa vieille camionnette blanche, ainsi que son gendre, ses deux fils et l'un de ses petit-fils, un garçon de 11 ans. Haitham et moi avons sauté dans la voiture. Il filmait la route et les jeeps. J'ai compris que les hommes de la famille Burnat avait été convoqués, quelque part, là où les Israéliens conduisaient les véhicules.

La camionnette s'est arrêtée à côté du grand portail peint en jaune, qui permet d'aller de l'autre côté de la barrière. Tout le monde est descendu et nous y sommes allés, mais seulement Abu Rane, ses fils Mohamed et Ahmed Burnat, et son gendre Ahmed Mansour Baitello ont pu passer. Les soldats ont empêché Haitham de le faire, lui hurlant après parce qu'il filmait tout, et nous en empêchant le garçon et moi, garçon qu'à ce moment je tenais enlacé, en essayant de lui prodiguer un sentiment de
calme et de sécurité. Il nous a été interdit d'avancer. Mais dès que les soldats sont partis en emmenant nos amis, nous avons suivi, en filmant tout avec la caméra. Quand ils ont été hors de notre vue, tournant à droite, nous sommes revenus sur nos pas, dans l'intense faisceau de lumière provenant du mirador, depuis lequel une caméra à longue distance enregistrait notre parcours. Nous ne résistons pas : nous lui faisons signe.

Haitham a expliqué ce qui s'est passé (il avait parlé avec les soldats en hébreu, et je ne comprends pas encore leur langue). Les soldats ont dit que quelqu'un avait franchi la clôture, mais que la caméra dans le mirador avait seulement réussi à photographier l'ombre des pieds de la personne. Alors ils ont voulu voir si les pieds des personnes arrêtées pouvaient correspondre à cette ombre. Cendrillon à l'envers.
J'ai regardé la haute clôture électrifiée et ai demandé comment une personne pouvait «traverser» sans l'aide de la machine à téléportation de Star Trek. J'ai aussi demandé comment une caméra haute définition pouvait réussir à n'enregistre que l'ombre des pieds de quelqu'un. Etait-ce un fantôme? Non. les fantômes franchissent les clôtures, électrifiées ou non, mais ne laissent pas de traces ou d'ombres. En cela ils sont semblables aux vampires.


- C'est un mensonge - a déclaré Haitham. - Ils font cela pour effrayer le village, menaçant les gens, propageant la peur.
Effroi? Menace? Peur? pauvres soldats ... Ils ne connaissent pas la force morale des Palestini......ens.
Alors que les hommes de l'armée se pressaient de l'autre côté de la barrière, je suis allé à leur hauteur, prétendant que Haitham me filmait, mais il a aussi enregistré la présence des soldats. J'ai commencé à raconter ce qui s'était passé, ce que j'avais vu de mes propres yeux et entendu moi-même. Nous sommes partis quand les soldats ont lancé des roquettes en bas de la colline et mis le feu à des plantations palestiniennes. Nous avons constaté qu'il y avait deux types de roquettes: celles qui retombaient en provoquant des incendies et d'autres qui fusaient en hauteur, illuminant les montagnes comme en plein jour. Armes de guerre, camarades. Et une horrible odeur. Ma gorge en est encore sèche, après plusieurs heures. Le vent a charrié l'odeur jusqu'au village. J'ai fermé les fenêtres et même ainsi, les molécules de gaz pénètrent chez moi.

Abu Rane est revenu, mais pas les autres. Je suis allée à la clôture et ai demandé ce qu'il leur était arrivé. J'ai finalement eu une réponse après une longue attente. Et la réponse a été que je devais partir, parce que c'était une zone militaire en territoire israélien. Je me suis empêchée de rire. Territoire israélien, en Palestine? J'ai mis un point d'honneur à formuler les mots exacts: territoire illégalement occupé par Israël, selon le droit international. Le mythe sioniste allait m'écraser? Précisément moi, qui ai étudié pendant des années le sionisme? J'ai été menacée, mais si leur intention était de me faire peur, ils ont échoué. Ma voix n'a pas tremblé, je n'ai perdu ni mon éducation ni mon sens du respect. J'ai dit ce que je pensais devoir dire. La vidéo a tout enregistré.

Quand je suis rentrée chez moi - toujours escortée par Haitham - vers 22 heures, Mohamed et les deux Ahmed étaient encore retenus. Demain, j'aurai plus d'information et je publierai, avec les liens vers les photos et la vidéo que Haitham est en train de monter.
Je dirais que ma première expérience de raid nocturne israélien a été loin d'un baptême du feu. Je n'ai pas eu peur, je n'ai même pas même tremblé d'indignation. Je me suis sentie désolé pour ces garçons, dont beaucoup sont âgés de moins de 20 ans, certains avec des visages osseux, et qui apprennent déjà la cruauté et la brutalité sionistes. Certains d'entre eux fuient quand ils comprennent à quel point ils ont été manipulés. Une grande partie le fait au moyen du suicide: l'armée israélienne a le taux de suicide le plus élevé du monde. Ils pourraient être en train de se faire des amis. Mais ils sont engagés jusqu'à la dernière racine de leurs cheveux dans le dangereux jeu de la guerre. Une guerre qui est seulement la leur, contre eux-mêmes. Ils sont leurs propres ennemis. Une astuce pour comprendre mon point de vue, la lecture de "Le juge et son bourreau", de Dürrenmatt....
 
grand merci à Wassyla qui nous a envoyé la vidéo et le texte...

Aucun commentaire: