16 février 2012

acat :appel urgent:Tunisie: Intimidation d’une victime de torture

par Saied Mabrouk, jeudi 16 février 2012, 19:47 ·

APPEL URGENT ELECTRONIQUE  
Semaine 7 (13 au 19 février 2012)  
   
Tunisie  
Intimidation d’une victime de torture  
Intervenir avant le 29 février 2012  
   
   
Situation  
   
   
Dimanche 13 novembre 2011, vers 18h30, Zakaria Bouguira, un jeune étudiant en médecine, était à l’aéroport, avec sa mère, lorsqu’il a vu une cinquantaine de policiers tabasser et arrêter onze jeunes supporters marocains venus assister à un match de football en Tunisie.  
Zakaria a voulu filmer la scène avec un téléphone portable, mais un agent de la police des frontières l’a vu et l’a appréhendé violemment avant d’appeler ses collègues en renfort. Une vingtaine de policiers lui ont assené des coups de poing, de pied et de matraque, au sein même de l’aéroport, devant des témoins qui leur hurlaient d’arrêter. Ils accusaient Zakaria de vouloir mettre la vidéo de l’arrestation des Marocains sur facebook et d’être un traître.  
Ils l’ont traîné jusqu’au poste de la police des frontières à la sortie de l’aéroport, avec les supporters marocains.  
   
Arrivés au poste, Zakaria et les supporters ont été mis dans une pièce et violemment passés à tabac pendant près d’une demi-heure. Un policier qui s’est ému de voir Zakaria pleurer l’a sorti et fait assoir dans la pièce principale du commissariat, près d’un Libyen arrêté en possession d’armes. Tous les policiers qui passaient devant Zakaria le giflaient et lui donnaient des coups de poing, tandis que de nombreux policiers continuaient de frapper violemment les Marocains toujours détenus dans une pièce adjacente.  
La police des frontières a appelé la brigade anti-terroriste (BAT) de Tunis en renfort. L’un des policiers de la BAT connaissait la mère de Zakaria et, sur les supplications de cette dernière, est intervenu auprès des autres policiers pour leur demander d’arrêter de frapper Zakaria.  
Les coups ont alors cessé mais les insultes et menaces se sont poursuivies. Les policiers l’ont notamment menacé de l’envoyer dans le centre de détention de Bouchoucha, disant que là-bas, on l’obligerait à mettre une jupe et on le violerait. 

Lorsque Zakaria a été autorisé à se rentre aux toilettes, accompagné par un policier, il a assisté à une scène d’une extrême brutalité. Un jeune supporter marocain était en train de vomir, accroupi devant les toilettes. Un policier (« I. D. ») - qui avait tabassé Zakaria quelques minutes plus tôt - est entré et lui a donné de violents coups de pied sur la tête, la cognant contre la cuvette des toilettes. Puis il est ressorti, laissant le jeune supporter en sang.
Ce même policier, représentant syndical de la police des frontières, a ensuite affirmé à la télévision qu’il avait été agressé par les supporters marocains et non l’inverse.

Une chaîne de télévision nationale a obtenu une autorisation pour venir au commissariat filmer l’arrestation des supporters marocains. Selon Zakaria, les journalistes ont conseillé aux policiers de nettoyer les visages des détenus marocains et de les changer de pièce car il y avait trop de sang sur le sol et les murs. Ils ont filmé les détenus de dos pour qu’on ne voie pas les marques de coups. Ces mêmes journalistes ont aussi filmé les armes saisies sur le ressortissant libyen pour suggérer qu’elles appartenaient aux Marocains.
Pendant ce temps, la mère de Zakaria, assise dans l’entrée du commissariat, se faisait traîter de « mère du traître » par les policiers qui lui disaient « Vous croyez que Ben Ali est parti, mais on est toujours là ! Ton fils va être condamné pour haute trahison ! »

A la suite d’un appel diffusé sur les réseaux sociaux, une manifestation s’est formée devant le poste de police de l’aéroport pour protester contre la détention de Zakaria très actif sur facebook. L’avocate de ce dernier est arrivée et l’a fait libérer.
Le lendemain, Zakaria a fait établir un certificat médical à l’hôpital, puis a porté plainte contre la police, sans résultat.

Le 20 janvier 2012, Zakaria a aperçu le policier « I. D. » à la terrasse d’un café, au centre de Tunis. Il l’a interpellé pour lui dire son indignation face à ce qui lui avait été infligé deux mois plus tôt, à lui et aux Marocains torturés le même jour. Il a dit à « I. D. » : « C’est ça ton travail ? Frapper et torturer des gens sans défense ? Des gens appréhendés et immobilisés ? Et tu es fier en faisant ça ? » Le policier s’est énervé, sans toutefois recourir à la violence en raison du grand nombre de témoins potentiels présents dans la rue. Il a répondu à Zakaria : « De toute façon vous ne pourrez rien faire ni toi ni tes amis marocains ! Vous ne réussirez jamais à nous avoir. »
Le jour-même, Zakaria a diffusé sur le site tunisien Nawaat un texte relatant cette brève altercation, texte qui a été largement diffusé et commenté sur facebook (http://nawaat.org/portail/2012/01/21/aujourdhui-je-revois-mon-bourreau/)

Dix jours plus tard, lors d’un sit-in organisé le 1er février dernier sur la place de la Kasbah, devant le premier ministère, Zakaria a croisé à nouveau « I. D. ». Ce dernier a remarqué sa présence et Zakaria l’a vu alerter des collègues policiers. Environ une heure plus tard, ce dernier a été arrêté sur la place par trois policiers en civil. Zakaria a crié pour prévenir des amis situés à proximité. Des policiers en tenue sont arrivés et l’ont roué de coups de poing, de gifles et de coups de genou. Ils l’ont menotté et traîné de force vers le commissariat. Là-bas, ils l’ont à nouveau frappé. Zakaria a menacé de les dénoncer sur Internet et les policiers ont fini par se calmer, tandis qu’un attroupement commençait à se former devant le commissariat pour protester contre son arrestation.
« I. D. » était présent dans le poste et a porté plainte contre Zakaria. Un policier a consigné sa plainte ainsi que le témoignage de Zakaria sur les évènements du 13 novembre et a conclu le procès-verbal en écrivant que les versions des deux parties étaient trop divergentes pour que les faits fassent l’objet d’une enquête, une façon à peine détournée de protéger son collègue de la police des frontières en clôturant l’affaire d’office. Puis le chef du commissariat a demandé à Zakaria de signer le procès-verbal et de s’engager à ne plus évoquer le nom de son agresseur en public, en échange de sa libération. Ce dernier a consenti à signer, de peur de ne pas être libéré et d’être à nouveau victime de violence.

A la suite de cet épisode, Zakaria a déposé une deuxième plainte.

Vous pouvez retrouver l'appel urgent à l'adresse suivante :
http://www.acatfrance.fr/appel_urgent_detail.php?id=376  


Agir

Vous pouvez télécharger la lettre à l'adresse suivante :
http://www.acatfrance.fr/medias/files/appel_urgent/AU%407-Zakaria-Bouguerra-lettre.doc

Lettres à envoyer au ministre de la Justice tunisien :

M. Noureddine BhiriMinistre de la Justice31, boulevard Bab Benat1006 Tunis - La Kasbah TunisieFax : 00 216 71 568°106mju@ministeres.tn

Vous pouvez adresser une copie de la lettre à l'ambassade de Tunisie en France : 25 rue Barbet de Jouy - 75007 Paris Fax : 01 45 56 02 64atn.paris@wanadoo.fr 


M. Noureddine BhiriMinistre de la Justice31, boulevard Bab Benat1006 Tunis - La KasbahTunisie

Monsieur le Ministre,

Sur la base d'informations communiquées par l'ACAT-France, je vous fais part de ma vive préoccupation concernant les intimidations dont est victime le jeune étudiant Zakaria Bouguira depuis qu'il a porté plainte contre la police pour la torture et les mauvais traitements qu'il a subis le 13 novembre 2011. Ce jour-là, Z. Bouguira a été arrêté à l'aéroport de Tunis alors qu'il allait filmer avec un téléphone portable le passage à tabac de jeunes supporters de football marocains par des policiers. Insulté et battu devant tout le monde, il a ensuite été conduit au poste de police de l'aéroport. Il y a été roué de coups, insulté et menacé, ainsi que les onze Marocains arrêtés en même temps que lui.

Après sa libération, Z. Bouguira a déposé une plainte dont il est, jusqu'à présent, resté sans nouvelles. Il a publiquement mis en cause l'un de ses agresseurs, un représentant syndical de la police de l'aéroport, ce qui lui vaut aujourd'hui d'être intimidé par la police. Le 1er février dernier à la Kasbah, Z. Bouguira a été arrêté par des policiers qui l'ont roué de coups sur la route et à l'intérieur du commissariat de Bab Benet. Le responsable du commissariat lui a demandé de signer un procès-verbal l'engageant à ne plus évoquer le nom de son agresseur en public et à ne plus entrer en contact avec lui, en échange de sa libération. Z. Bouguira a signé, de peur de ne pas être libéré et d'être à nouveau victime de violence. Il a récemment déposé une deuxième plainte pour dénoncer la nouvelle agression dont il a été victime.

Les actes de torture, les mauvais traitements et les intimidations subis par Z. Bouguira depuis le 13 novembre et l'impunité qui les caractérise constituent de graves violations des obligations internationales en matière de droits de l'homme que le nouveau gouvernement s'est fermement engagé à respecter.

Je vous demande de bien vouloir diligenter immédiatement une enquête effective, indépendante et impartiale concernant les deux plaintes déposées par Zakaria Bouguira.

Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l'expression de ma respectueuse considération. 


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