20 février 2012

La barbe de Khader Adnan

Un homme va mourir enchaîné dans une prison israélienne. Cet homme  en grève de la faim, proteste ainsi contre les violences et les humiliations subies  au moment de son arrestation illégale en Cisjordanie. Il proteste contre la détention administrative dont il est l’objet, procédure dénoncée par toutes les organisations comme contraire aux droits de l'homme et qui permet d'interner un individu sans qu'aucune charge ne pèse contre lui. Ce que réclame cet homme, c'est le droit être jugé ou relaché. Au 63ème  jour de grève de la faim, les médecins ne lui donnent que quelques jours à vivre.

Un homme va mourir enchaîné dans une prison israélienne. Ceux qui tiennent sa vie dans leur main ont pris la décision de ne rien faire pour l’empêcher de mourir. Ils ont décidé de maintenir à quatre mois, sa détention arbitraire. Précaution inutile ! L’homme est à bout de force. Il  mourra avant. Ses geôliers continuent de le maintenir enchaîné au barreau de son lit car c’est comme ça qu'ils veulent le voir mourir..
Un homme va mourir enchaîné dans une prison israélienne mais ici, en France, on peut parfaitement rester dans l’ignorance de l’agonie de cet homme. Les médias détournent l’œil de leurs caméras de cette région du monde et éteignent aussi facilement leurs micros. Les intellectuels se taisent. Les hommes politiques gardent le silence. Tout est fait pour que cette mort reste anonyme, cachée, ignorée du plus grand nombre et on s'interroge. Comment  se fait-il que le sort de cet homme n'obtienne pas par le bias des média le même écho que n'importe qui en  pareilles circonstances ?

Une photographie montre cet homme, Khader Adnan, un boulanger originaire d'un village près de Jenine en Cisjordanie. Avec ses petites lunettes on pourrait le prendre pour un institeur mais l'homme porte une longue barbe taillée en carré et on comprend soudain, en voyant cette barbe pourquoi cet homme va mourir dans le silence. La barbe de Khader Adnan le désigne irrémédiablement comme un islamiste avant d'être victime d'un déni de droit.

Ah! quels bénéfices les geoliers de Khader Adnan peuvent tirer de ces faux débats sur la valeur comparée des civilisations.Quels bénéfices toutes ces grandes démocraties peuvent tirer des attaques répétées sur l'islam lorsqu'elles ont besoin de piétinner les droits humains. Peu importe que Khader Adnan soit né en Cisjordanie occupée, qu'il n'a jamais connu de citoyenneté libre, sa résistance est illégitime. Il faut en venir à bout. Il faut que la punition soit exemplaire, douloureuse et impitoyable, hors norme et hors droit.  Il faut, que chacun  là bas en Palestine, sache le prix de l’insoumission mais il faut monsieur tout le monde ici ignore comment ce prix a été payé. A cause de sa barbe, Khader Adnan meurt dans le silence.

En écrivant ces lignes, j’écoute la magnifique  3ème symphonie de Gorecky. La symphonie prend sa source, pour le premier mouvement, dans une prière polonaise du XVème siècle, pour le second, dans les mots de consolation griffonnés à l’adresse de sa mère par une jeune déportée dans une cellule de la Gestapo à Zakopane, et pour le troisième dans un chant populaire d’Opale. La musique dit la perte, la solitude et le deuil. Rien n’a changé depuis ce temps pas si lointain. La barbarie demeure. Sans doute est cela qui nous fait tant souffrir.

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