Survivre aux prisons israéliennes : tortures, humiliations et naissances derrière les barreaux
mercredi 2 mai 2012 - 06h:15
Nadezhda Kevorkova - RT
Des milliers de Palestiniens sont en grève de la faim dans les
prisons israéliennes - depuis plus d’une semaine ils protestent contre
la détention à durée indéterminée sans charges et les mauvais
traitements qu’ils décrivent ici.
Octobre
2011 - Manifestation de soutien aux prisonniers palestiniens grévistes
de la faim dans les prisons israéliennes - Photo : Anne
Paq/Activestills.org
Certains de ceux qui ont été libérés ont décrit à Russia Today [RT] leur vie en prison.
Selon les organisations de droits humains de
Cisjordanie, 2000 Palestiniens sont en grève de la faim depuis plus
d’une semaine et d’autres sont prêts à se joindre à la grève la semaine
prochaine. Actuellement il y a environ 5000 Palestiniens dans les
prisons israéliennes. Chaque année, 700-800 mineurs sont arrêtés et 20%
des Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes.
Yahya as-Sinwar a été arrêté en 1988 et condamné à 462
ans de prison. Il en a fait 23 ans et il a maintenant 50 ans. C’est un
des fondateurs du Hamas et de l’université islamique de Gaza. Israël l’a
accusé d’organiser et de diriger l’unité de sécurité intérieure du
Hamas, MAJD, et d’avoir tué des traîtres palestiniens qui espionnaient
pour le compte d’Israël. As-Sinwar affirme qu’il n’avait pas le choix
parce que ces gens mettaient le mouvement de résistance en danger.
As-Sinwar nous parle des différents types de torture qui
ont été utilisés régulièrement contre lui pendant toutes les années
qu’il a passées en prison : "Ils m’empêchaient de dormir 10 jours
d’affilée. Quand je m’assoupissais, ils versaient de l’eau glacée ou
bouillante sur moi -selon leur envie du moment. Ils m’attachaient le
bras derrière le dos, me jetaient par terre, un gardien de prison
s’asseyait sur mon ventre ou ma poitrine et m’appuyait sur l’aine, la
douleur était épouvantable." Selon lui, le Shabak (les services secrets
israéliens) utilise la torture pendant l’enquête et le Shabas (le
service carcéral israélien) torture les prisonniers condamnés. "Ils ont
deux départements - Nahshon et Metzada - qui s’emploient à complètement
détruire psychologiquement les gens. Ces méthodes ne sont utilisées
nulle part ailleurs dans le monde."
Selon lui, les gardiens de prison israéliens pouvaient
attacher un prisonnier à une chaise d’enfant et le forcer à se balancer
pendant des jours ou mettre une personne dans une glacière (après ce
traitement, ses membres doivent généralement être amputés).
"Ils attachent aussi les prisonniers par les mains et
les laissent suspendus pendant 24 heures. Ou ils étouffent un
prisonnier, le regardent bleuir, le laisse respirer un peu, l’étouffent
et ainsi de suite" a confié as-Sinwar à RT. "Quand ils ont torturé mon
meilleur ami, ils l’ont battu sur le crâne avec des journaux roulés
serrés. Cela donne de terribles maux de tête qui rendent fous, et tous
les organes internes sont endommagés."
Selon as-Sinwar, ce genre de torture ne laisse pas de
traces et même un bon docteur aurait du mal à constater des signes de
mauvais traitement.
"Ils étudient les prisonniers pour mettre au point
quelque chose de particulièrement humiliant au cas par cas. Pour un
Palestinien c’est plus facile de mourir que de subir une humiliation
-ils le savent très bien et ils nous humilient très cruellement."
As-Sinwar explique que les prisonniers ne peuvent pas
avoir les médicaments dont ils ont besoin : "Même après de longues et
douloureuses heures d’attente, on ne peut pas voir un docteur, c’est une
infirmière qui nous donne à tous le même remède, un analgésique. Ils se
moquent complètement que les prisonniers meurent ou qu’ils souffrent
horriblement.
As-Sinwar est convaincu que la grève est le seul moyen
qui reste aux prisonniers palestiniens pour exprimer leur
mécontentement. "Les prisonniers en Israël ne reçoivent que 10% de la
nourriture qu’on sert dans les prisons des autres pays. Après plusieurs
jours de grève de la faim les détenus ressemblent à des morts-vivants.
Les gardiens doivent les porter sur des civières pour les emmener aux
interrogatoires et les ramener et les jeter sur le sol en pierre de leur
cellule ensuite.
Des cellules de 1,20 m sur 80 cm
Toutes les palissades du quartier de Gaza où se trouve
la maison de Ayman Hatem Afif al-Shakhshir sont couvertes d’inscriptions
pour lui souhaiter une bonne santé et tout le meilleur. Il a passé 19
ans en prison sur les 550 années de sa condamnation et a été libéré en
échange du caporal Shalit. Ayman Hatem Afif al-Shakhshir descend d’une
famille palestinienne connue. Il a été arrêté à l’âge de 28 ans. Ses
trois filles ont grandi et deux se sont mariées et ont eu des enfants
pendant qu’ils était en prison.
Ayman était le chef d’une des Brigades Izz ad-Din
al-Qassam, l’aile militaire du Hamas. Il a été accusé d’avoir participé à
des attaques contre le personnel militaire israélien déployé à Gaza.
"Aucun des détenus n’a pu avoir une seule visite depuis 2006, ce qui
fait 5 ans. Mon père est mort sans me voir une seule fois pendant les 10
dernières années de sa vie. C’est seulement grâce à la Croix Rouge que
j’ai pu recevoir de rares lettres - c’était le seul lien que j’avais
avec ma famille et mes enfants ont grandi sans moi" explique Ayman.
Il dit que sa cellule n’était pas destinée à un être humain.
"C’était une minuscule cellule de 1,2 m sur 0,8 m qui ne
permettait pas de s’allonger, ni de se tenir debout, ni d’allonger ses
jambes, il n’y avait pas de meubles et on recevait une seule fois par
jour une nourriture immangeable. Je connais des prisonniers qui ont
passé 25 ans dans de pareilles cellules."
"La propagande israélienne fait croire au monde entier
que leurs prisons sont des hôtels cinq étoiles, mais ce ne sont que des
mensonges. Et quand ils disent que les prisonniers ont le droit de
suivre des cours dans des écoles israéliennes, c’est aussi un mensonge."
Ayman a obtenu ses diplômes universitaires en Défense
Sociale grâce au programme à distance de l’université de Gaza.
"Aujourd’hui on refuse aux prisonniers toute possibilité d’étudier. Tout
le système a pour but de briser la volonté des prisonniers, et donc on
leur refuse tout ce qui pourrait les relier au monde extérieur,"
explique-t-il.
Ayman est convaincu que les condamnations insensées de
plusieurs centaines d’années ont pour seul but de briser la volonté des
prisonniers.
"Ils veulent que les prisonniers assis dans ce trou de
pierre sachent qu’ils y mourront. Mais ils se trompent fort. Tous les
Palestiniens comptent sur l’aide de Dieu et cette espérance, personne ne
la leur prendra."
Elle a mis son bébé au monde, les mains et les pieds liés
Samar Isbeh a été arrêtée à l’âge de 22 ans, au cours
d’une manifestation étudiante. Elle a été condamnée à deux ans et demi
de prison. Elle a maintenant 28 ans et habite à Gaza alors que sa
famille et celle de son mari habitent en Cisjordanie.
"J’ai été arrêtée trois mois après mon mariage. J’étais
présidente du Conseil des étudiants de l’université islamique. On avait
organisé une manifestation contre l’occupation. J’ai été arrêtée chez
mon mari à Tulkarm. Deux jours plus tard mon mari a aussi été arrêté et
condamné à 9 mois de prison bien qu’ils n’aient pu retenir aucune charge
contre lui" nous dit Samar.
Elle a été déportée dans la bande de Gaza et elle n’a
pas le droit d’aller à Tulkarm et ne peut dont voir ni son mari ni ses
enfants.
"J’étais enceinte d’une semaine quand ils m’ont arrêtée. Ils m’ont
torturée de toutes les manières possibles. Ils m’ont torturée dans une
cellule sous terre pendant 66 jours. Ils m’ont obligée à me balancer sur
une chaise d’enfant, ils m’ont enfermée dans une cellule disciplinaire
frigorifiée", raconte Samar.
"Mes mains et mes pieds étaient attachés quand j’ai
accouché. Ils m’ont fait une césarienne, non pas parce que mon état le
nécessitait mais par pure haine. Ils m’ont laissée accoucher mais ils
ont traité le bébé comme un prisonnier lui aussi. Ils ne nous pas ont
donné de lait, ni de couches sauf parfois lorsque la date de péremption
était dépassée. Les conditions de ma détention avant et après la
naissance étaient très mauvaises. Je n’avais pas le droit de sortir
prendre l’air. Le seul médicament qu’ils nous ont donné au bébé et à
moi, c’était du Paracétamol."
Enceinte et en grève de la faim
Patima Zakka a 42 ans. Elle a été libérée d’une prison
israélienne en échange d’une vidéo qui montrait Gilad Shalit en
captivité. La vidéo a été remise aux Israéliens par ceux qui détenaient
Shalit juste avant le procès de Patima et elle a été relâchée la veille
de l’audience. C’est pourquoi elle n’a jamais eu de condamnation.
Patima a été accusée d’avoir planifié un
attentat-suicide dans un autobus de personnel militaire israélien. Le
procureur a requis 12 ans de prison pour cette mère de 8 enfants. "Je ne
savais pas que j’étais enceinte quand ils m’ont arrêtée" dit Patima.
"C’est une infirmière qui me l’a dit en prison. Mes 8 enfants sont
restés sans mère. Personne ne m’avait demandé de faire sauter qui que ce
soit. C’est vrai qu’ils [les Israéliens] avaient tué mon frère et
plusieurs membres de ma famille - mais c’est le cas de la plupart des
gens en Palestine."
Patima dit qu’on lui a fait endurer toute la série des
techniques d’interrogatoire. "Ils m’ont torturé pendant ma grossesse"
dit-elle. "Ils m’ont mise dans une cellule glacée, et m’ont changée sans
cesse de cellule. Ils voulaient que je fasse une fausse couche. Les
mauvais traitements ont causé des saignements."
C’est ce qui a décidé Patima à entamer une grève de la faim. Elle n’a
pas mangé pendant 21 jours.
"Ils ne m’ont pas laissé le choix" explique-t-elle.
Allah soit remercié, je n’ai pas perdu mon bébé. Il est né en prison. Il
s’appelle Yousef."
"L’obstétricienne m’a hurlé dessus et m’a traitée comme
un animal" dit Patima. "Elle a refusé de me faire un scanner et de
m’anesthésier. Elle n’a pas cesse de me maudire. Mais vous savez, elle a
été punie tout de suite : elle s’est cogné la tête dans ma cellule et
s’est fait très mal. Allah m’est venu en aide. Elle m’a dit : "Vous êtes
une terroriste et votre enfant aussi sera un terroriste." Mais j’ai mis
au monde mon beau Yousef. Et les vrais terroristes, ce sont ces
docteurs qui sévissent dans les prisons israéliennes."
De la même auteure :
Être sourd à Gaza : apprendre à se faire entendre - 15 décembre 2011
Lire également :
La bataille des ventres vides : Bilal Thiab est à son 55e jour de grève de la faim - 30 avril 2012
La bataille des ventres vides : le cas de Hassan al-Safadi, en grève de la faim depuis 52 jours - 27 avril 2012
Israël sanctionne les prisonniers palestiniens qui font la grève de la faim en leur retirant leurs droits - 25 avril 2012
La « bataille des ventres vides » a commencé - 23 avril 2012
Dix-neuf prisonniers palestiniens en Israël sont en isolement total - 20 avril 2012
Khader Adnan a été libéré des geôles sionistes - 18 avril 2012
17 avril 2012 : les prisonniers palestiniens s’engagent massivement dans une grève de la faim - 18 avril 2012
Prisonniers palestiniens en Israël : 4 grévistes de la faim ont été hospitalisés et risquent d’être alimentés de force - 16 avril 2012
Prisonniers palestiniens en Israël : bientôt 1600 grévistes de la faim ! - 15 avril 2012
Les prisonniers palestiniens Abu Shalal, Thaer Halahla et Bilal Diab sont en grève de la faim depuis 28 et 36 jours - 5 avril 2012
Après une grève de la faim de 43 jours, Hana Shalabi a été déportée à Gaza - 2 avril 2012
Hana Shalabi a cessé sa grève de la faim et sera déportée à Gaza - 30 mars 2012
Après 40 jours de grève de la faim, Hana Shalabi est en danger de mort - 28 mars 2012
Le tribunal militaire israélien rejette l’appel d’Hana Shalabi, en grève de la faim depuis 39 jours - 26 mars 2012
Hana Shalabi : « la liberté est plus précieuse que la vie » - 21 mars 2012
Le mouvement de soutien à Hana Shalabi s’étend parmi les prisonniers palestinens - 20 mars 2012
Grave détérioration de la santé d’Hana Shalabi, en grève de la faim depuis 27 jours - 13 mars 2012
Badiya Shalabi : « Ma fille est en train de mourir en prison » - 9 mars 2012
8 mars : journée de solidarité avec la prisonnière gréviste de la faim, Hana Al-Shalabi - 8 mars 2012
Hana Shalabi est en grève de la faim depuis le 16 février, date de son enlèvement - 27 février 2012
Mon mari, Khadar Adnan, met en lumière le mépris d’Israël envers les droits de l’homme - 27 février 2012
Un appel de Khader Adnan : faire du 17 avril une journée d’action internationale en faveur des prisonniers - 21 février 2012
Khader Adnan : le Bobby Sand de Cisjordanie - 20 février 2012
Mourir de faim pour être libre - 18 février 2012
La bataille des ventres vides : le cas de Hassan al-Safadi, en grève de la faim depuis 52 jours - 27 avril 2012
Israël sanctionne les prisonniers palestiniens qui font la grève de la faim en leur retirant leurs droits - 25 avril 2012
La « bataille des ventres vides » a commencé - 23 avril 2012
Dix-neuf prisonniers palestiniens en Israël sont en isolement total - 20 avril 2012
Khader Adnan a été libéré des geôles sionistes - 18 avril 2012
17 avril 2012 : les prisonniers palestiniens s’engagent massivement dans une grève de la faim - 18 avril 2012
Prisonniers palestiniens en Israël : 4 grévistes de la faim ont été hospitalisés et risquent d’être alimentés de force - 16 avril 2012
Prisonniers palestiniens en Israël : bientôt 1600 grévistes de la faim ! - 15 avril 2012
Les prisonniers palestiniens Abu Shalal, Thaer Halahla et Bilal Diab sont en grève de la faim depuis 28 et 36 jours - 5 avril 2012
Après une grève de la faim de 43 jours, Hana Shalabi a été déportée à Gaza - 2 avril 2012
Hana Shalabi a cessé sa grève de la faim et sera déportée à Gaza - 30 mars 2012
Après 40 jours de grève de la faim, Hana Shalabi est en danger de mort - 28 mars 2012
Le tribunal militaire israélien rejette l’appel d’Hana Shalabi, en grève de la faim depuis 39 jours - 26 mars 2012
Hana Shalabi : « la liberté est plus précieuse que la vie » - 21 mars 2012
Le mouvement de soutien à Hana Shalabi s’étend parmi les prisonniers palestinens - 20 mars 2012
Grave détérioration de la santé d’Hana Shalabi, en grève de la faim depuis 27 jours - 13 mars 2012
Badiya Shalabi : « Ma fille est en train de mourir en prison » - 9 mars 2012
8 mars : journée de solidarité avec la prisonnière gréviste de la faim, Hana Al-Shalabi - 8 mars 2012
Hana Shalabi est en grève de la faim depuis le 16 février, date de son enlèvement - 27 février 2012
Mon mari, Khadar Adnan, met en lumière le mépris d’Israël envers les droits de l’homme - 27 février 2012
Un appel de Khader Adnan : faire du 17 avril une journée d’action internationale en faveur des prisonniers - 21 février 2012
Khader Adnan : le Bobby Sand de Cisjordanie - 20 février 2012
Mourir de faim pour être libre - 18 février 2012
28 avril 2012 - Russia Today - Vous pouvez consulter cet article à :
http://rt.com/news/hunger-strike-is...
Traduction : Info-Palestine.net - Dominique Muselet
http://rt.com/news/hunger-strike-is...
Traduction : Info-Palestine.net - Dominique Muselet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire