Vidéo : Tuer pour le plaisir et le « moral »
jeudi 24 mai 2012 - 07h:28
Ali Abunimah - Electronic Intifada
Une vidéo particulièrement violente et choquante d’une attaque
israélienne meurtrière contre des prisonniers palestiniens endormis.
La caméra suit des agents lourdement armés de la sécurité israélienne attaquant un dortoir de prison, hurlant aux détenus de sortir de leur lit et qu’ils seraient abattus s’ils n’obéissaient pas aux ordres.
On peut entendre les prisonniers crier de terreur à
cette attaque surprise. Ce fut une nuit de violence brutale et
meurtrière que des participants israéliens décriraient comme « belle »
et « heureuse ».
L’un des attaquants israéliens hurle, au milieu des
flashes, du feu et de la fumée : « Je veux ouvrir ces portes et
m’occuper de ces petits fils de putes ». D’autres Israéliens crient aux
prisonniers des insultes arabes vulgaires sur leurs mères.
Des prisonniers se tordent de douleur et de peur. On
voit l’un d’eux - images rappelant celles d’Abou Ghraïb - étendu sur le
sol pendant qu’un Israélien pointe un fusil sur lui en criant « couché
sur le ventre ! »
D’autres sont abattus sans raison apparente.
Ce sont des scènes d’une vidéo qui fut montrée en avril
2011 par le programme d’investigation Ouvda sur la station de télévision
israélienne Channel 2. La violente attaque
enregistrée contre les prisonniers palestiniens le 22 octobre 2007 est
réelle, mais elle était exécutée comme un « exercice d’entraînement pour
le personnel de sécurité à la prison de Ketziot, pour stimuler
son »moral » et sa « motivation ».
Un Palestinien fut tué : Mouhammed Ashqar. Personne n’a
été inculpé pour sa mort bien qu’Israël ait récemment accepté de payer
une compensation à sa famille.
Cette vidéo, dit Ouvda, en est une que « tout le système »a tenté de garder secrète pendant plus de trois ans.
Le commandant-adjoint de l’administration pénitentiaire
israélienne donnera à la performance de ses hommes et leur violence
effroyable et meurtrière la cote « dix sur dix ».
Cette vidéo choquante et les événements qui l’entourent
donnent un éclairage rare sur les vies de milliers de Palestiniens
détenus dans des prisons israéliennes ; près de 2.000 d’entre eux
viennent d’achever une grève de la faim de 28 jours contre les
traitements cruels et inhumains qu’ils subissent.
Elever le « moral » et la « motivation »
Le contrôle de la Prison de Ketziot dans le sud de la
région du Néguev (an-Naqab) de la Palestine historique a été remis à
l’administration pénitentiaire israélienne (IPS) par l’armée israélienne
en 2007. Selon l’émission Ouvda, l’IPS promit alors de durcir le
traitement des prisonniers.
Selo Addameer, Ketziot, qu’on appelle aussi Ansar ou
Prison du Néguev, est un centre de détention important pour des
Palestiniens en « détention administrative », sans inculpation ni
procès.
L’un des objectifs de « l’exercice d’entraînement » à 2
heures du matin que montre cette vidéo était de « relever le moral et la
motivation du personnel pénitentiaire » selon Ouvda qui cite des
documents de l’IPS.
La vidéo est sous-titrée « Unité d’ Entraînement Massada
- archive », décrite comme « l’unité la plus combative du Service
pénitentiaire ».
La mission « d’entraînement » confiée à l’unité était la recherche de contrebande dans l’une des ailes de la prison.
Le recours à des Palestiniens - pas seulement des
prisonniers » comme cobayes pour la violence israélienne ne s’achève pas
avec cet incident. Le 27 mars 2012, Rashad Shawakha, 28 ans, était tué
de sang-froid au cours d’une attaque contre le village cisjordanien de
Rammoun qui faisait partie d’un « exercice d’entraînement » par une
unité israélienne sous couverture.
Une déclaration de guerre
Mais dans la mesure « où les prisonniers sont
concernés » dit le narrateur, « l’incursion -surprise par des
combattants masqués dans la prison n’a qu’une seule signification -
déclaration de guerre ».
Cependant les prisonniers sont « sidérés » et la
résistance est « insignifiante ». Entre-temps on entend sur la vidéo la
voixd’un membre du personnel israélien disant « le tir est correct »
(3:28), ce qui veut dire que le tir que nous entendons à l’arrière-pan
est autorisé.
« Ceci n’est pas un tir à vif » dit le narrateur,
voulant dire que l’on n’utilise pas de balles réelles « mais ces mesures
de dispersion de manifestation pourraient aussi tuer ».
Bien sûr il n’y avait aucune manifestation à disperser.
Les prisonniers étaient endormis - dans des dortoirs fermés et des
tentes dans l’enceinte d’une prison lourdement fortifiée - qund ils
furent attaqués avec des armes que les autorités israéliennes refusent
d’identifier.
Et sans doute les prisonniers ignoraient-ils que ce
n’était pas un tir à balles réelles et qu’ils n’allaient pas être tués.
Et les armes utilisées ont bien tué cette nuit-là.
Comme les choses dégénéraient, deux commandants
envoyèrent l’Unité de combat Massada pour donner l’assaut aux autres
ailes de la prison.
A un moment, on peut voir et entendre un officier
israélien parlant dans un micro quand il fait face à l’enceinte de la
prison en feu. Il parle en mauvais arabe « à tous les prisonniers pour
la dernière fois, celui qui sort et se couche sur le ventre on ne lui
tirera pas dessus » (7:23).
« C’est la dernière fois avant que nous ne tirions sur tout le monde » » dit-il (7:50).
Les attaquants, note le narrateur, tirent n’importe comment malgré l’obscurité.
Une arme inconnue
Un Palestiniens identifié comme Nabil, ancien détenu de
Ketziot, a raconté à l’émission Ouvda que les armes tirées par les
Israéliens causaient des douleurs extrêmes. « Cela frappe ton corps, et
cela explose » dit Nabil (8 ::15).
Un autre ancien détenu, non identifié, a dit que les
armes étaient chargées de billes. Nabil montre des marques sur son dos :
« J’ai été frappé dans le dos et c’était insupportable, imaginez si ça
m’avait frappé à la tête ou dans l’oeil ou à une autre endroit
sensible ».
Selon Ouvda, l’IPS a refusé de dévoiler quelle arme ils ont utilisée contre les prisonniers.
« Un des arabes est blessé » - le meurtre de Mohammed Ashqar
Celui-ci est étendu sur le sol, mortellement blessé et sans soins.
« Dani, Dani, un des arabes est blessé » entend-on dire un attaquant israélien (9:01)
La caméra fait un panoramique sur un homme couché au sol, la tête ensanglantée.
D’autres voix,off : « Quelqu’un s’occupe de lui ? » « Non, personne, juste Dima [nom russe] est là avec lui ».
L’homme gisant au sol est Mohammed Ashqar, qui devait
être libéré quelques mois plus tard. Il n’y a aucune preuve montrant
qu’il ait fait quoi que ce soit pour menacer ses attaquants.
Ashqar « avait été incarcéré deux ans avant l’incident
pour adhésion au Jihad islamique » selon Ha’aretz qui rapportait le 3
mai qu’Israël acceptait de payer 1,2 millions de shekels [245.000€] de
compensation à sa famille.
Mais le quotidien ajoute :
... Cependant, le ministère public a clos le dossier
contre les gardiens impliqués dans la perquisition, qui s’est soldée par
un prisonnier mort, 15 prisonniers blessés, 15 gardiens blessés et une
section de la prison incendiée.
Il note aussi :
... Les autorités ont d’abord raconté à la famille
qu’Ashkar a été abattu alors qu’il tentait de s’échapper a dit son père
Seti Ashkar à Ha’aretz. Ensuite ils ont dit qu’il avait été abattu
accidentellement pendant l’émeute.
Le frère de Mohammed, Loai était également détenu sans
charge ni procès à la prison de Ketziot au moment de l’attaque du 22
octobre 2007.
Un prisonnier abattu pendant qu’il négociait avec des gardiens
Quelques instants après Ashqar gisant sur le sol, la
vidéo montre un autre prisonnier émergeant d’un des bâtiments dans la
cour (10:00). Les attaquants israéliens négocient avec lui. Mais au
milieu de la conversation et sans raison apparente il tirent sur lui. Il
tombe par terre et du sang coule d’une blessure à sa jambe. Personne ne
s’occupe de lui.
Assis par terre le prisonnier blessé essaie de se
soigner lui-même, criant aux autres prisonniers dans la tente de sortir,
craignant sans doute qu’ils ne subissent le même sort.
Abattu sans provocation
Smadar Ben Natan, une avocate représentant la famille de Mohammed Ashqar, a raconté à Ouvda qu’elle avait trouvé que :
...les combattants de l’Unité Massada tiraient sur les prisonniers même lorsque leur vie n’était pas en danger ;
... le plan initial du commandant était d’attacher les
prisonnier à leurs lits alors qu’ils étaient encore endormis, mais que
le plan avait été suspendu au dernier moment ;
... les surveillants étaient insuffisamment formés ;
« Dix sur dix »
Quand on lui demanda de coter les surveillants et les
combattants, Dov Lutzki, commandant-adjoint de l’administration
pénitentiaire, dit à Ouvda : « Je leur mettrais dix
sur dix. Cet événement a eu des résultats mortels et tragiques avec un
prisonnier blessé, alors que l’intention n’était pas d’aboutir à ce
résultat, mais jusqu’à présent, les perquisitions de nuit sont une
routine dans le traitement des prisonniers de sécurité ».
Dov Lutzki, commandant-adjoint de l’administration pénitentiaire, donne dix sur dix à ses troupes
Quand on lui demanda si « relever le moral » était une
raison suffisante pour monter une telle opération, Lutzki répondit :
« Un surveillant doit croire en ses propres capacités. Il doit
comprendre que sa position est importante, qu’il protège la patrie via
la façon dont il fait son boulot. Toute tentative d’exprimer de la
faiblesse est immédiatement vue par l’autre partie comme une occasion de
parvenir à des fins supplémentaires ».
Promotion d’un commandant inapte
Le commandant adjoint de Ketziot était Shlomi Cohen au
moment de l’attaque. Il avait une histoire de « sales complications »
après l’évasion de deux prisonniers de la prison de Shikma à Ashkelon,
qu’il commandait auparavant, selon Ouvda. Une commission d’enquête
suggéra que l’aptitude de Cohen à commander une « prison de sécurité »
soit « reconsidérée », mais il fut néanmois promu et placé en charge de
Ketziot.
La propension de Cohen à la brutalité est quelque chose
qu’il atteste de lui-même. Dans un clip vidéo montré par Ouvda on voit
le commandant sermonnant deux prisonniers : « C’est vrai que depuis un
an et demi vous vivez dans des conditions beaucoup plus dures, parce
qu’il est apparu que c’est la seule manière de vous garder ».
Une nuit de plaisir et de « bonheur »
A un moment, sans doute après l’attaque, le cadreur
demande à un officier de poser pour une photo « comme souvenir des
événements de Ketziot ». L’officier casqué, en chemise bleue, s’approche
en souriant (6:30).
Tandis que nous entendons des coups de feu et voyons des
flammes dans une autre séquence, une voix off dit en hébreu : « quelle
beauté » ou plaisir. Un autre s’écrie : « ça c’est vraiment beau !
filme ! filme ! ».
Dima -sans doute le même Dima qui filmait Mohammed
Ashqar mourant - est sommé de filmer quand les attaquants israéliens
blaguent et rient.
L’un d’eux se met à chanter une chanson évoquant comment les choses étaient heureuses avant sa naissance.
« Heureux, oui - c’est une jour heureux aujourd’hui »
« Heureux, oui - c’est une jour heureux aujourd’hui »
dit un autre Israélien. Un camarade répond : « C’est ça que tu voulais.
Sûr, frère, c’est la plus belle chose. Excellente ».
Toujours selon Ouvda, l’administration pénitentiaire publia ensuite un communiqué disant :
« ...En une heure tous les prisonniers gisaient au sol,
criant qu’ils se rendaient. Nous avons l’intention d’envoyer les
prisonniers au tribunal, de les punir et d’exiger qu’ils paient pour les
dommages. »
C’est cette incompréhensible cruauté, cette inhumanité
gratuite qui a indubitablement contribué et continuera de soutenir le
mouvement des prisonniers palestiniens.
Traduit de l’hébreu avec l’aide de Dena Shunra
*Ali Abunimah est l’auteur de One Country, A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict.
Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Du même auteur :
Vidéo : brutalité des flics israéliens contre les participants à une conférence à Hébron - 13 avril 2012
Protestant contre les détentions illégales, Hana Shalabi entame sa 3e semaine de grève de la faim - 2 mars 2011
Finkelstein, le BDS et la destruction d’Israël - 2 mars 2012
Mourir de faim pour être libre - 18 février 2012
Sauvons Khader Adnan, en grève de la faim depuis le 17 décembre - 10 février 2012
Pourquoi les Nations unies doivent dissoudre le « Quartet » - 10 octobre 2011
Appel de l’IFPB : les Afro-Américains doivent soutenir les droits des Palestiniens et la campagne BDS - 29 août 2011
Un Norvégien suspecté d’avoir conçu des projets précis de violence contre les « traîtres », les musulmans - 26 juillet 2011
Alice Walker : la Flottille de la liberté pour Gaza et le combat pour la justice - 21 juin 2011
« Réconciliation » de façade en Palestine
Reconnaître la Palestine ? - 11 mai 2011
Protestant contre les détentions illégales, Hana Shalabi entame sa 3e semaine de grève de la faim - 2 mars 2011
Finkelstein, le BDS et la destruction d’Israël - 2 mars 2012
Mourir de faim pour être libre - 18 février 2012
Sauvons Khader Adnan, en grève de la faim depuis le 17 décembre - 10 février 2012
Pourquoi les Nations unies doivent dissoudre le « Quartet » - 10 octobre 2011
Appel de l’IFPB : les Afro-Américains doivent soutenir les droits des Palestiniens et la campagne BDS - 29 août 2011
Un Norvégien suspecté d’avoir conçu des projets précis de violence contre les « traîtres », les musulmans - 26 juillet 2011
Alice Walker : la Flottille de la liberté pour Gaza et le combat pour la justice - 21 juin 2011
« Réconciliation » de façade en Palestine
Reconnaître la Palestine ? - 11 mai 2011
17 mai 2012 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire