13 janvier 2010

et voici le Mur de fer"....

Et voici le mur de fer...

mardi 12 janvier 2010

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly


Ce sont avant tout des produits de première nécessité qui transitent par les tunnels creusés entre l’Égypte et Gaza, constate Saleh Al-Naami.

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Décision israélienne, financement américain, active collaboration égyptienne, mutisme de la soit-disant "communauté internationale", silence complice des régimes arabes... Tous les ingrédients sont réunis pour donner naissance à cette monstruosité qui dépasse en perversion et en cruauté tout ce que le 20e siècle avait su inventer comme procédés pour enfermer et affamer des populations entières.

Maged Ibrahim a couru à la maison de sa sœur toute proche pour récupérer des bidons en plastique vides. Ce professeur d’université était très pressé. Dès que son neveu Adham lui eût donné trois conteneurs, Ibrahim s’est dépêché d’aller avec sa voiture à la station à essence pour faire le plein pour assurer un approvisionnement minimal en cas d’urgence. Il a besoin aussi d’essence pour le générateur électrique qu’il utilise chez lui quand il y a des pannes d’électricité, ce qui peut parfois durer jusqu’à cinq heures car Israël refuse d’autoriser le ravitaillement régulier de la seule centrale électrique du territoire.

Ibrahim, comme beaucoup d’autres dans la bande de Gaza, cherche désespérément à stocker des vivres et du carburant passés en contrebande par des tunnels, après avoir appris que l’Egypte envisageait de construire un mur de fer en face de ces tunnels pour les faire disparaître. Ces galeries souterraines sont devenues une source essentielle de revenus et d’approvisionnement pour les gens d’ici. Le professeur d’université a eu de la chance et il a pu remplir ses bidons avec du carburant, mais la majorité s’en est retournée les mains vides, les stations étant à sec.

Salem Al-Othman, un habitant du camp de réfugiés d’Al-Nosayrat au centre de Gaza, est propriétaire d’une épicerie et est soucieux de stocker des marchandises en prévision d’une fin de la contrebande. Al-Othman est allé chez l’un des marchands en gros dans le quartier voisin de Deir Al-Balah pour réserver ses produits, mais il était étonné que le grossiste prétende être en rupture de stock sur tout ce que Al-Othman souhaitait acquérir.

Dans le même temps, et contrairement à la plupart des jeudi, les marchés traditionnels de la bande de Gaza, de Rafah et d’autres grandes villes palestiniennes qui vendent des produits égyptiens sont très actifs. Les consommateurs ont acheté tout ce qu’ils pouvaient et l’incertitude sur ce qui va ensuite se passer a fait monter les prix en flèche, malgré les avertissements du gouvernement d’Ismaïl Haniyeh contre la sur-facturation. Pendant ce temps, le mur de fer de l’Egypte était le sujet sur toutes les lèvres.

Maghli Aisha, âgée de 81 ans et qui vit à Al-Satr Al-Sharqi dans Khan Younis au sud de Gaza, est préoccupée ces derniers temps. Maghli est asthmatique et elle a eu moins de crises ces dernières années grâce à des médicaments passés en contrebande à travers les tunnels depuis l’Egypte. « La fermeture des tunnels et la poursuite du siège vont être durs pour ma grand-mère », dit son petit-fils Hassan à Al-Ahram Weekly. « Aucun d’entre nous ne se soucie des tunnels, sauf s’ils nous permettent de respirer un peu sous l’état de siège. » Il implore avec accablement : « S’il vous plaît, ne laissez pas mourir ma grand-mère juste parce qu’il n’y a pas de médicaments ».

Le mur dont on parle a été aussi le sujet de beaucoup de débats parmi les jeunes Palestiniens. Lorsqu’ils se réunissent à Gaza, ils discutent de la manière de rendre ce mur inefficace. Les nouvelles du mur arrivent à un moment où les Palestiniens réalisent pleinement l’importance des tunnels qui les affranchissent partiellement des effets débilitants du blocus organisé par Israël. Par exemple, les tunnels sont un facteur de premier plan dans le contrôle des prix depuis le début du siège, et ils représentent une source d’emplois pour des milliers de personnes dans ce qui est connu sous le nom de « business souterrain ».

Pour Salman, âgé de 38 ans, la contrebande par les tunnels a été un tournant dans sa vie. Il a commencé en tant que propriétaire d’une petite boutique de produits électriques et il a évolué jusqu’à commercer de nombreux types de produits. Aujourd’hui il commerce dans les équipements électriques, les matériaux de construction, le bétail et encore d’autres biens qui sont en nombre insuffisant à cause du blocus. Près de sa maison au centre de Gaza, Salman a construit un grand parc pour des centaines de bovins qui sont passés en contrebande par les tunnels. Il les vend aux plus petits commerçants et lui-même emploie entre 10 et 20 personnes pour s’occuper des animaux.

« Parfois, le personnel travaille sans relâche pour satisfaire les demandes des clients », dit Salman à Al-Ahram Weekly.

Salman traite avec les commerçants égyptiens qui amènent les marchandises depuis le côté égyptien des tunnels. De là, Salman et ses hommes acheminent les marchandises après avoir payé une redevance aux propriétaires du tunnel. Les commerçants par tunnels préfèrent ne pas divulguer la valeur ou le volume des produits qu’ils apportent en provenance d’Égypte, dans le but de faire un bénéfice raisonnable.

Bien que la majorité pense que ces commerçants font un profit rapide, en réalité ce n’est pas vrai. Les commerçants par tunnels paient leurs homologues égyptiens pour les marchandises, puis ils paient les propriétaires du tunnel ainsi que le salaire d’un grand nombre d’employés, ce qui nécessite d’augmenter considérablement le prix des produits à la vente afin de réaliser un profit. Comme les autres commerçants, Salman espère que le siège prendra fin et que les tunnels disparaîtront parce que son entreprise est très risquée.

Khamis Al-Daqqa, qui vend des légumes, a expliqué comment les tunnels ont permis de maintenir les prix assez bas. Al-Daqqa donne comme exemple que si de grandes quantités d’oignons n’arrivaient pas par les tunnels, le prix d’un kilo serait autour de 5 shekels, voir 6, au lieu du prix actuel de 2 shekels. « Le volume important de fruits et de légumes a relancé le commerce et a amélioré le pouvoir d’achat des gens », dit-il au Weekly.

Avant que les bruits à propos du mur de fer n’aient commencé à circuler, les commerçants ont tenté une nouvelle expérience afin de réduire encore plus les prix : en creusant leurs propres galeries de façon à réduire la redevance qu’ils versent aux propriétaires des tunnels. Un de ces opérateurs économiques, qui versait préalablement 40% de la valeur de la marchandise aux propriétaires d’un tunnel, a creusé sa propre galerie qui s’est ensuite spécialisée dans le passage de produits électriques et de vêtements.

Israël propage de nombreuses et fausses informations selon lesquelles ces tunnels sont utilisés pour la contrebande d’armes et de matériel de combat. En réalité, ces galeries qui préoccupent tant Israël et ses alliés sont utilisées pour répondre aux besoins de base quotidiens.

Un propriétaire de tunnel, qui a souhaité rester anonyme, a déclaré à Al-Ahram Weekly que tous les tunnels qu’il connaissait étaient utilisés pour la contrebande de biens et de produits basiques pour les civils. Son tunnel est dédié aux médicaments et à quelques denrées alimentaires fournis par ses partenaires de l’autre côté de la frontière. Il reçoit les marchandises à l’extrémité de son tunnel et les distribue en fonction des commandes passées par les centres de soins et les dispensaires. Lui et ses partenaires reçoivent de ces dispensaires une redevance fixée pour chaque livraison.

Ahmed Bahr, vice-président du parlement palestinien, est certain que les dirigeants égyptiens ne permettront pas que la population de Gaza meure de faim. « Le président [Hosni] Moubarak a promis de ne pas tolérer que les Palestiniens souffrent de la faim », a dit Bahr à Al-Ahram Weekly. « Je suis convaincu qu’il tiendra parole et se tiendra aux côtés de notre peuple ». Il a ajouté que la sécurité nationale de l’Egypte est « tout aussi importante pour nous que la sécurité nationale palestinienne. Ainsi, Gaza n’a pas été - et ne sera jamais - une source de menace pour la sécurité de l’Egypte. »

Et Bahr de conclure : « La menace vient d’Israël ».

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