Palestine : l’injustice du siècle...
samedi 15 mai 2010
Dominique Vidal
- côté israélien, car le texte de la déclaration oublie délibérément qu’un second État a été prévu par l’ONU dans le plan de partage : « En vertu du droit naturel et historique du peuple juif, et de la résolution des Nations unies, dit le texte, nous proclamons par le présent acte la création de l’État juif de Palestine qui prendra le nom d’Israël. » Contrairement à tous les usages, cette déclaration ne définit pas les frontières du nouvel État. Bref, on mesure là que les dirigeants sionistes veulent, en fait, au-delà de que que l’ONU a prévu, l’État juif le plus grand possible et le plus « homogène » possible.
côté arabe, car la déclaration d’indépendance d’Israël est immédiatement suivie par l’intervention des armées des États arabes voisins, officiellement pour empêcher la naissance de l’État juif. En fait, les historiens le confirment, le roi Abdallah de Jordanie veut s’emparer du territoire prévu pour l’État arabe, et les autres pays arabes entendent l’en empêcher. Aucun de ces pays ne souhaite une Palestine arabe indépendante. Entre le 15 mai 1948, date de l’entrée des troupes arabes en Palestine, et le 10 mars 1949, date de la dernière bataille de la guerre (prise d’Umm Rashrash, future Eilat), une alternance de combats et de trêves débouche pour les Palestiniens sur la Nakba, c’est-à-dire la « catastrophe ».
Le bilan de la première guerre israélo-palestinienne, puis israélo-arabe, est le suivant : Israël a augmenté d’un tiers la superficie prévue pour lui par les Nations unies, il se répartit ce qui reste de l’État arabe avec la Transjordanie, qui annexe la Cisjordanie et l’Égypte, qui obtient la tutelle de Gaza. Et dans cette période huit cent mille Palestiniens ont pris les chemins de l’exil.
Longtemps, cette guerre a été racontée par ses vainqueurs. Le récit israélien a dominé. Mais tout a changé dans les années 1980, avec l’apparition des « nouveaux historiens » israéliens qui ont trouvé dans les archives israéliennes de quoi ébranler trois mythes fondamentaux :
Premièrement celui d’une menace mortelle qui aurait pesé sur Israël à l’époque : contrairement à l’image d’un frêle État juif à peine né et déjà confronté aux redoutables armées d’un puissant monde arabe, les « nouveaux historiens » établissent la supériorité croissante des forces israéliennes (en effectifs, armement, entraînement, coordination, motivation...), à la seule exception de la courte période allant du 15 mai au 11 juin 1948.
De surcroît, l’accord tacite passé entre Golda Meïr et le roi Abdallah, le 17 novembre 1947, bouleversait la situation stratégique : la Légion arabe, seule armée arabe digne de nom, s’engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à l’État juif en échange de la possibilité d’annexer celui prévu pour l’État arabe. Abdallah tiendra sa promesse. Et, de fait, le partage du 17 novembre se substituera à la fin de la guerre à celui du 29 novembre...
Le deuxième mythe concerne l’exode des Palestiniens. Selon la thèse traditionnelle, ceux-ci ont fui à l’appel des dirigeants palestiniens et arabes. Or les « nouveaux historiens » n’ont pas trouvé la moindre trace d’un tel appel, ni par écrit, ni par radio. En revanche, de nombreux documents attestent, sinon d’un plan d’expulsion global, en tout cas de pratiques d’expulsion généralisées, notamment suite à des massacres comme celui de Deir Yassin.
Le premier bilan de l’expulsion est dressé par les Services de renseignements de la Hagana en date du 30 juin 1948 et il porte sur la première période (judéopalestinienne) de la guerre : il estime que 73 % des 391 000 départs recensés ont été directement provoqués par les Israéliens. Durant la seconde période (israélo-arabe), une volonté d’expulsion ne fait plus le moindre doute avec le symbole de l’opération de Lydda et Ramlah, d’où, le 12 juillet 1948, 70 000 civils sont évacués militairement (près de 10 % du total !), sous la conduite d’Itzhak Rabin et avec le feu vert du Premier ministre Ben Gourion.
Le troisième mythe concerne la volonté de paix d’Israël au moment des négociations de 1949. Dans une première phase, Tel-Aviv a effectivement fait une ouverture : le 12 mai, sa délégation ratifie, avec celles des États arabes, un protocole réaffirmant à la fois le plan de partage de l’ONU et la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies du 11 décembre 1948. En clair, cela signifie qu’Israël reconnaît le droit à l’existence d’un État arabe en Palestine et le droit au retour des réfugiés, mais aussi que les Arabes reconnaissent le droit à l’existence d’un État juif en Palestine. Mais, ce même 12 mai, l’État juif est admis à l’ONU. Dès lors, confiera Walter Eytan, codirecteur général du ministère israélien des Affaires étrangères, « mon principal objectif était de commencer à saper le protocole du 12 mai, que nous avions été contraints de signer dans le cadre de notre bataille pour être admis aux Nations unies ».
De fait, la conférence de Lausanne finira dans une impasse. Israël s’oppose à tout retour des réfugiés palestiniens. Et pour cause : la loi dite « propriétés abandonnées » lui permet de mettre la main sur les biens arabes. Selon un rapport officiel, le jeune État a ainsi récupéré trois cent mille hectares de terres ; plus de quatre cents villes et villages arabes disparaîtront ou deviendront juifs.
Tout se passe comme si les fondateurs d’Israël ont cru pouvoir effacer le peuple palestinien d’un coup de gomme. Les quinze années qui suivent semblent donner raison à ceux qui rêvent d’une assimilation des Palestiniens dans les pays arabes. Faute d’une organisation représentative, ils disparaissent même de la scène politique. Mais l’apparition de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) va changer la donne.
publié le lundi 15 janvier 2007
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