18 octobre 2010

Les armes nucléaires et la survie de l’homo sapiens (partie II)
 
Conférence de Michel Chossudovsky à La Havane : Réflexions du compañero Fidel

Mondialisation.ca, Le 9 octobre 2010
Cuba Debate


Lire la première partie : Les armes atomiques et la survie de l'homo sapiens


Hier, jeudi, le professeur émérite de l’Université d’Ottawa, Michel Chossudovsky, a participé à la Table ronde de la Télévision cubaine, en compagnie d’Osvaldo Martínez, directeur du Centre de recherche sur l’économie mondiale.
Bien entendu, j’ai suivi ses interventions avec beaucoup d’intérêt. Il s’est exprimé en espagnol et a fait preuve d’une maîtrise totale des thèmes qu’il a abordés. Il est scrupuleux quant à la signification des mots, mais a utilisé des expressions en anglais pour exprimer exactement une idée sans termes équivalents en espagnol.
Selon lui, les États-Unis vivent une crise systémique dont ils peuvent sortir et prétendent la régler en recourant précisément aux mesures qui l’ont provoquée. Toutes les catégories sociales s’y sont appauvries, mais bien plus les travailleurs et les couches moyennes que la classe riche. L’administration étasunienne exige des mesures d’austérité à l’échelle internationale et applique des « médicaments » et des « recettes » qui ont provoqué la crise face à la nécessité de financer les dépenses militaires et de sauver les banques.
Depuis 2003, ils préparent la guerre contre l’Iran et menacent aussi la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Syrie, le Liban et d’autres pays de cette vaste région.
Chossudovsky a critiqué énergiquement l’introduction des mini-niuk parmi les armes nucléaires tactiques et la doctrine intensément diffusée qui a précédé leur introduction, selon laquelle elles étaient sans effet sur la population civile (safe for the surround civilian population, comme il l’a expliqué). Il a signalé avec ironie que ces mini-niuk comprenaient des bombes dont la puissance représentait entre le tiers et le sextuple de celle qui a détruit Hiroshima.
Je poursuis le résumé de son intervention devant les étudiants et professeur de la faculté d’économie de l’Université de La Havane :
« Je tiens à signaler quelque chose de très important… cette guerre ne crée pas d’emplois. […] en revanche, la deuxième guerre mondiale en a créé sous le régime nazi en Allemagne. […] C’est juste une remarque factuelle. […] Il s’est passé la même chose aux USA quand ils sont intervenus dans cette même guerre en 1941, ce qui a été une issue a la grande dépression sous la présidence de Roosevelt.  Mais cette troisième guerre n’est pas du même genre, c’est une guerre de technologie de pointe, ce n’est pas une guerre où l’on assemble du matériel militaire. La guerre du Vietnam a créé des emplois, et celle de Corée aussi. Cette nouvelle guerre se caractérise par un système d’armements qui est très sophistiqué et qui utilise une main-d’œuvre extrêmement scientifique, des ingénieurs et autres…
« …n’importe quel étudiant de première année sait que les mesures d’austérité implantées aux échelles nationale et mondiale, comme l’ont proposé les réunions du G-20, ainsi que sous les auspices de l’ International Settlements, qui représente les banques centrales et où il existe une sorte de consensus selon lequel, pour régler la crise, il faut en implanter,  ne sont pas une solution à la crise, mais une cause de la crise, car, en même temps que vous réduisez les budgets, les dépenses, les crédits aux petites et moyennes entreprises, vous augmentez le chômage, vous baissez les salaires, ce qui est le cas dans la plupart des pays européens.
L’Espagne et le Portugal connaissent des taux de chômage officiels de plus de 20 p. 100. Et la seule solution proposée, non seulement à l’échelle nationale, mais dans tous les pays du monde, selon ce consensus néolibéral, c’est d’implanter des mesures d’austérité…
« …mais la stagnation de l’économie civile a été due d’abord au transfert de richesses, non seulement ces dernières années, mais dès le début des années 80 quand a commencé l’époque dite des politiques néolibérales […] aux USA, ces mesures ont été appliquées par Bill Clinton à la fin de son second mandat […] une loi de modernisation des services financiers, mais ils ont créé un système financier qui ne se réglemente pas lui-même, qui réalise des actes à moitié illégaux. C’est en quelque sorte une criminalisation de l’appareil financier. Le mot n’est pas de moi, mais de nombreux observateurs, dont ceux du Wall Street Journal, parce qu’il y a eu des fraudes financières ces dernières années, et les fraudeurs n’ont pas été touchés.
« …cette crise économique est, de mon point de vue, la plus grave de l’Histoire, elle est sans précédents, même pas celle des années 30 qui était très localisée, car ce n’était pas une crise mondiale en soi, l’économie était dynamique dans différents pays et régions du monde.
« la guerre financière est très liée à la guerre militaire, il y a même des liens entre la Banque mondiale et le Pentagone […] d’anciens secrétaires étasuniens à la Défense deviennent présidents de la Banque mondiale […] le nouvel ordre mondial fonctionne à travers des mécanismes de manipulation financière […] changements de régimes, déstabilisation de gouvernements, opérations militaires de toute sorte […] le capitalisme a des institutions aussi bien civiles que militaires qui opèrent de concert. C’est très important. Derrière elles, il y a des intellectuels, des usines à penser de Washington, des clubs secrets des élites […] Ce processus de guerre qui menace l’humanité est important à tous les niveaux de la société.
« …la guerre est déjà classée comme un acte criminel, selon l’accord de Nuremberg […] c’est l’acte criminel suprême. La guerre est un crime contre la paix. […] Cette crise économique a conduit à une concentration de la richesse en quelques années et à une centralisation du pouvoir économique sans précédents dans l’Histoire […] cette crise n’est pas spontanée, comme veut le faire accroire l’économie néolibérale, elle est le résultat de manipulations, de planifications, sans oublier sa composante militaire. »
C’est sur ces mots que Chossudovsky a conclu son intervention. Puis il s’est dit disposé à répondre aux questions : « …Je vais laisser la question de la résistance et la façon d’inverser ce processus au débat avec vous », a-t-il dit.
Les étudiants ont posés des questions intelligentes et sérieuses. J’en reprends les idées essentielles.
Modérateur. Je crois interpréter vos sentiments en remerciant le professeur Michael Chossudovsky pour son excellente conférence, qui nous a permis de mieux prendre conscience des tenants et des aboutissants des dangers qui menacent réellement l’humanité… Je vous invite à poser les questions que vous jugez pertinentes.
Un étudiant. « J’aimerais savoir comment vous appréciez l’optimisme avec lequel les médias ont présenté la crise actuelle en Amérique latine et comment vous pensez qu’on peut y faire face dans la région. »
Michel Chossudovsky. « On identifie les Caraïbes comme une région très riche en pétrole et en gaz, car ce n’est pas seulement le Venezuela et la Colombie. Il est vrai que les sociétés pétrolières possèdent des informations qui ne sont pas publiques, mais celles qui le sont indiquent que la région est extrêmement riche.»
« La situation en Haïti est aussi liée à un projet de conquête de ressources […] la situation humanitaire existante… permet au capital d’avoir accès aux ressources minérales et aux éventuelles ressources pétrolières de cette région… je ne dis pas que ce soit la seule explication à la militarisation de la région, car il y a aussi le trafic de drogues.»
«…il existe des objectifs géographiques, géopolitiques, la recherche de ressources… mais le narcotrafic est aussi une source de gains très importante pour le capital-»
« …les deux axes du commerce mondial de drogues sont l’Afghanistan et le Pakistan, d’une part, avec le commerce de l’héroïne, et l’autre est la Colombie, le Pérou, la Bolivie. La drogue passe par Haïti et d’autres pays caribéens pour entrer sur le marché étasunien. [ …] L’Afghanistan est un pays terriblement riche, il génère tous les ans environ 200 milliards de dollars en exportation d’héroïne (ce sont du moins mes estimations). Depuis l’entrée des forces étasuniennes dans ce pays, la production d’héroïne a augmenté de trente fois. C’est juste une parenthèse. »
« La militarisation de cette région et les actions réalisées en Équateur, une puissance pétrolière, le Venezuela, une puissance pétrolière, le Mexique aussi. Tous ces pays ont une fonction stratégique dans le cadre géopolitique-économique des USA. »
Etudiant. « Je suis élève de la faculté d’économie. Est-ce que la mondialisation, telle qu’elle nous a été vendue par les pays développés, est-elle viable ou existe des alternatives, comme les mécanismes d’intégration ?»
Michel Chossudovsky.- « Telle qu’elle est définie par les centres de pouvoir, elle  n’est assurément pas viable. Elle l’est peut-être pour un secteur, une minorité sociale qui s’enrichit, mais elle conduit surtout à l’appauvrissement, comme tous les chiffres le prouvent. Elle fait partie d’une évolution qui a touché ces trente dernières années les pays en développement, et vous pouvez le constater dans les pays voisins, au Brésil, au Mexique, au Pérou, à cause de ce modèle destructeur. […] De nombreux pays ont présenté un modèle de développement différent, comme la Yougoslavie. »
« …la Yougoslavie avait un système socialiste, une économie de marché, une économie mixte, un niveau de vie élevé, des services sociaux, des services d’éducation. Et qu’a-t-on fait ? Dès le début des années 80, on l’a complètement détruite, on l’a fragmentée  en une demi-douzaine de pays. Pourquoi ? Parce que la Yougoslavie avait un modèle, offrait une alternative qu’il ne convenait pas de montrer. »
« …nous pouvons voir les expériences en Amérique latine. Le Chili a formulé une alternative, et il a été victime d’un putsch et d’une déstabilisation réalisée par les services de renseignement étasuniens, avec des sabotages, des embargos. J’ai vécu ce putsch. »
« Il y a de nombreux exemples. La Tanzanie, en Afrique, l’Algérie. Bien des pays ont essayé. L’Indonésie dans les années 60, avec un processus très important […] En 1965, à la suite d’un putsch appuyé par la CIA, plus de 500 00 personnes ont été assassinées d’une manière programmée, et un régime militaire s’est installé qui a cédé aux intérêts des USA. »
« …il faut mettre au point un autre modèle économique face au capitalisme mondial. Nous pouvons le faire, mais les autres modèles, dont le modèle cubain, font l’objet de sabotages, d’embargos, de mesures de déstabilisation, d’assassinats. Voilà la vérité.»
« …l’Iran n’est pas un pays socialiste, mais c’est un pays qui jouit d’une certaine autonomie, avec un État qui ne veut pas être manipulé. Mais ils n’acceptent même pas le capitalisme qui est le sien. Le monde actuel est ainsi. Des pays capitalistes sont ennemis des États-Unis ; la Chine est en quelque sorte capitaliste, la  Russie aussi, mais leur forme de capitalisme ne plaît pas aux USA, qui veulent par les armes déstabiliser ou détruire toute tentative contre leur hégémonie économique, géopolitique, et celle de leurs alliés. »
Un professeur. « Excellente  conférence. Avant, j’avais peur de la guerre, maintenant, j’en suis terrifié. Des Étasuniens ne savent pas que la guerre du Vietnam a eu lieu. Que peut-on faire pour conscientiser le peuple étasunien, afin d’éviter une situation qui, si elle se présente, aura des retombées économiques, politiques et sociales absolument imprévisibles ? »
Michel Chossudovsky. « C’est notre préoccupation centrale. Plus de la moitié des lecteurs de notre site Global Research sont étasuniens,  et la majorité des auteurs aussi. Il faut briser les mensonges des médias, il faut batailler contre les sources de mensonges. Car si le peuple étasunien apprenait la vérité, le pouvoir et la légitimité de ses dirigeants s’effondreraient du jour au lendemain. Les médias aux USA,  aussi bien la télévision et la presse qu’Internet, transmettent une vision extrêmement biaisée. »
« …sous l’effet de ces discours inquisitoriaux, les Etasuniens acceptent la fausseté, le mensonge, et une fois que le mensonge devient la vérité, il n’y a plus de réflexion et le débat devient inutile. Cela fait partie d’une propagande de guerre destinée à tous les niveaux de la société. Il faut empêcher que le vrai visage de cette guerre soit connu. Les morts civils en Iraq depuis 2003 se montent à deux millions, selon nos estimations, à partir de sources très fiables, comme la Johns Hopkins School of Public Health ; au Congo, on en compte quatre millions ; le quart de la population coréenne est mort sous les bombardements pendant la guerre dans ce pays. Or, ces chiffres ne sont pas connus du public… il existe une censure. Pire qu’une censure : une manipulation de l’information… il faut se battre contre les médias, c’est fondamental, il faut créer des réseaux contre la guerre dans toutes les municipalités aux USA, au Canada, dans le monde entier. Il faut engager des débats, divulguer la connaissance, parce que nous avons une population intelligente mais sous la pression persistante d’une autorité qui leur dit une vérité qui est en fait un mensonge. »
Une étudiante. « Est-il possible ou viable de produire un changement en faveur des technologies non polluantes et capables de freiner la crise écologique actuelle ? »
Michel Chossudovsky. « C’est une question fondamentale aussi dans nos sociétés, mais les réalités environnementales sont dénaturées et cèdent devant les intérêts économiques, qui sont les principaux destructeurs de l’environnement. »
« …le désastre de British Petroleum dans le golfe du Mexique. Washington, autrement dit l’État étasunien, a été complice en cachant ce qui s’est vraiment passé. La faune, la vie marine de tout la côte des USA et au-delà sont menacées, mais on cache cette vérité.
Il est d’ailleurs significatif, pour connecter cette catastrophe environnementale  à la guerre, que British Petroleum soit impliquée au Moyen-Orient et dans le projet militaire,  et qu’elle soit aussi responsable de la pire crise écologique dans l’histoire du continent. »
Une professeure. « Vous avez analysé très brièvement l’économie des USA… qui continue de définir la dynamique de l’économie mondiale… Continuera-t-elle de l’être, ou des pays comme la Chine, et les pays dits émergents, peuvent-ils finir par jouer ce rôle ? »
Michel Chossudovsky.  « Le leadership économique des USA ne repose plus sur leurs capacités productives… Presque toute leur économie industrielle s’est fermée ces trente dernières années, il n’y a pas d’assemblage, la production est réduite, il existe une économie de services, il y a toute cette question du contrôle de la propriété intellectuelle, c’est une économie de rentier, une économie où la majorité des produits de consommation provient de Chine. »
« …l’économie des USA est plus grande que celle de la Chine, mais elle ne produit pas. Le PIB, comme vous le savez, est une mesure de la valeur ajoutée. En fait, une grande partie du PIB étasunien se doit aux importations de provenance chinoise. »
« Le mécanisme est très simple : tu vas importer une douzaine de chemises de bonne qualité pour 36 dollars – je donne des prix plus ou moins réels. Ce sont des prix des années 90, maintenant, ils ont diminué. […] Une bonne chemise coûte trois dollars à l’usine; elle arrive aux USA et on la vend 30, 40, 50 dollars. Et quel est donc l’augmentation du PIB étasunien ? 30 moins  3, soit 27 dollars qui viennent s’ajouter au PIB sans qu’il y ait eu la moindre production. […] Vous avez donc une croissance sans production, parce que la caractéristique d’une État à économie impériale est que la production se fasse dans les colonies ou semi-colonies.»
« …la fiction de cette première économie mondiale repose sur le pouvoir militaire, c’est là le principal […] Les forces productives aux USA sont extrêmement faibles, et on peut le voir dans les banqueroutes d’entreprises, dans le chômage, etc.»
Un étudiant. «…nous n’avons pas l’habitude de voir quelqu’un de votre origine critiquer si fortement le système capitaliste… Selon une analyse marxiste, la crise est systémique, et non conjoncturelle. Croyez-vous que l’opinion publique mondiale, grâce à cette conscience qu’on pourrait inculquer au peuple étasunien, serait vraiment capable d’empêcher un conflit nucléaire, compte tenu des fortes pressions qu’exercent les petits cercles de pouvoir dont on parlé ces derniers temps ? »
Michel Chossudovsky. « C’est une crise systémique, mais on ne peut la classifier selon les normes du Capital. La méthodologie marxiste sert à le comprendre, parce que ça repose sur des conflits de classe, mais l’architecture actuelle est terriblement différente de celle qui existait au milieu du XIXe siècle […] comme économiste, nous ne pouvons pas le présenter comme un modèle formel, nous devons voir le caractère institutionnel, les liens entre activités financières, d’une part, les opérations secrètes. »
« …la CIA est un organisme à Wall Street, un des principaux ; […] elle est en société mixte avec un grand nombre d’organismes financiers [...] comme elle  a la capacité de prévoir les événements, elle peut opérer sur le marché spéculatif…»
« …il est extrêmement important de caractériser cette crise systémique, mais nous devons analyser le fonctionnement du capitalisme, son cadre institutionnel, ses organes secrets, les opérations secrètes, aussi bien sur le marchés financiers que ans le domaine géopolitique, la fonction des militaires, les décisions prises dans les usines à penser de Washington, les organes de l’État et identifier aussi quels sont les acteurs.»
« La seconde question se branche sur les questions précédentes, à savoir la nécessité de modifier l’opinion publique. Ma réponse, c’est qu’il faut démolir le consensus qui sous-tend ce système qui est un mensonge. […] il y a  différentes lignes de conduite dans les pays capitalistes, des militants qui disent d’ordinaire : Nous allons adresser une pétition : "s’il vous plaît, président Obama, pourriez-vous cesser la guerre en Afghanistan". Ils l’envoient sur Internet : svp. Signez, nous allons rédiger une lettre à M. Obama, etc. ça ne sert à rien. C’est accepter le consensus, c’est accepter le président, qui fait partie de ce consensus. Or, il faut rompre cette inquisition.»
« …on parle de l’Inquisition espagnole, une chose absolument folle sur le plan historique, mais il est encore plus insensé de dire : nous combattons Bin Laden et vous devez nous appuyer et si vous ne nous appuyez pas, vous êtes un terroriste !»
« Voilà deux semaines, le FBI a perquisitionné et arrêté des militants antibellicistes et les a accusés de travailleur pour Bin Laden. Les journaux en ont parlé. Oui, il faut changer l’opinion publique, c’est une dialectique, il faut inverser et démonter le discours qui soutient et légitime la guerre et le projet économique. Et démonter le mensonge qui dit, par exemple : la crise est finie.»
« Tu ouvres le Wall Street Journal et tu lis : la crise vat finir en janvier 2011. Personne ne le conteste, et les économistes non plus. Accepter est devenu un rituel. On  n’accepte pas faute de connaissance, mais parce que tout le monde l’accepte. Il faut donc briser ce rituel d’acceptation du consensus qui provient du pouvoir politique mais aussi des marchés financiers.»
Une étudiante. « Le développement durable est pour moi totalement incompatible avec la guerre, car il n’y a rien de plus destructeur de toute l’humanité que toutes celles qui ont eu lieu. Non la prochaine guerre, mais toutes les dernières que les USA ont déclenchées. […] On insiste sur le développement humain, on nous dit qu’il faut élever le caractère protagoniste des localités, des territoires. Que pensez-vous de ce discours ? Est-il objectif pour nos pays ? »
Michel Chossudovsky. « Je partage l’objectif réel du développement durable, mais il faut voir un peu le jeu de mots qu’il y a derrière. Il a été repris par nombre d’organisations écologistes, comme Greenpeace, WWF […] je ne les critique pas, mais quand vous participez aux différents sommets qui se sont tenus dans le domaine de l’environnement, le Forum social mondial, les sommets populaires, comme ceux du G-7, du G-20, vous constatez qu’on n’y aborde jamais les effets de la guerre sur l’environnement. Les ONG occidentales y présentent des communications sur la pollution urbaine, le réchauffement global, mais jamais sur la guerre, ni sur l’impact de la guerre sur l’environnement, ce qui est fondamental. »
« J’ai participé à ces sommets jusqu’en 1999, et dès le jour où j’ai parle de la guerre en Yougoslavie, je n’ai plus été invité. Il se peut qu’on parle de la guerre dans un atelier, mais la guerre ne fait pas partie du débat sur "Un autre monde est possible". Je ne critique pas ces mouvements sociaux, cet altermondialisme,  je crois qu’il y a là de gens très bons, mais il y a une dynamique et aussi à la direction de ces organisations quelque chose qui ne correspond pas.[…] Nous ne pouvons pas avoir un mouvement contre la mondialisation qui n’aborde que certains aspects, sans tenir compte du cadre géopolitique […] Les USA et leurs alliés… en guerre durant une bonne partie d’une époque, que nous appelons l’après-guerre, autrement dit ce dernier demi-siècle, qui s’est caractérisé par des opérations militaires, des guerres, des interventions, et pourtant ce point-là n’a jamais fait l’objet de débats et d’échanges dans les différents forums mondiaux où l’on a présenté le développement durable comme une ligne de conduite. »
C’est sur ces mots qu’il a conclu son intervention à l’Université de La Havane, laquelle a été chaleureusement applaudie par les étudiants de la faculté d’économie, ses professeurs et les autres personnes qui remplissaient le théâtre Manuel Sanguily.
Dès avant ma rencontre avec le professeur Chossudovsky, une grande coïncidence s’était produite spontanément, en rapport non seulement avec les risques d’un conflit qui deviendrait inévitablement une guerre nucléaire mondiale, mais aussi avec la nécessité de mobiliser l’opinion publique mondiale face à ce danger dramatique.
Il y a les armes atomiques, mais aussi les armes cybernétiques. Un autre fruit de la technologie qui, transférée au domaine militaire, menace de se convertir en un autre grave problème pour le monde.
Les forces armées étasuniennes possèdent environ 15 000 réseaux de communication et sept millions d’ordinateurs, comme l’a dit la journaliste Rosa Miriam Elizalde sur le site web CubaDebate. Selon elle, « Keith Alexander, un général de corps d’armée, qui a comparé les attaques cybernétiques aux armes de destruction massive, a assuré que les USA avaient prévu d’appliquer offensivement ce nouveau concept de guerre sans tenir compte de l’opinion de leurs alliés dans le monde, et qu’ils pourraient même attaquer des réseaux alliés sans préavis s’ils estiment qu’une attaque était partie ou pouvait partir de l’un d’eux. »
Je m’excuse de la longueur des deux parties de ces Réflexions, mais je ne pouvais faire autrement sans en sacrifier la teneur.
Je n’ai pas oublié que c’est aujourd’hui le quarante-troisième anniversaire de la mort du Che et, voilà deux jours, le trente-quatrième du brutal assassinat yankee des compatriotes cubains et d’autres passagers de notre avion civil à La Barbade.
Gloire éternelle à leur mémoire !

Fidel Castro Ruz
Le 8 octobre 2010

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