A qui profite le terrorisme ?
Article placé le 18 oct 2010, par Mecanopolis
La guerre menée par le terrorisme, telle qu’elle est présentée par les responsables gouvernementaux, par les médias, par les forces de polices et par les terroristes eux-mêmes contre leurs adversaires déclarés, est tout à fait invraisemblable.
L’exaltation idéologique peut conduire à toutes sortes de crimes, et l’héroïsme individuel comme les assassinats en série appartiennent à toutes les sociétés humaines. Ces sortes de passions ont contribué depuis toujours à construire l’histoire de l’humanité à travers ses guerres, ses révolutions, ses contre-révolutions. On ne peut donc être surpris qu’un mitrailleur, un kamikaze ou un martyre commettent des actes dont les résultats politiques seront exactement opposés à ceux qu’ils prétendent rechercher, car ces individus ne sont pas ceux qui négocient sur le marché des armes, organisent des complots, effectuent minutieusement des opérations secrètes sans se faire connaître ni appréhendés avant l’heure du crime.
Quoiqu’elle veuille s’en donner l’allure, l’action terroriste ne choisit pas au hasard ses périodes d’activités, ni selon son bon plaisir ses victimes. On constate inévitablement une strate périphérique de petits terroristes, dont il est toujours aisé de manipuler la foi ou le désir de vengeance, et qui est, momentanément, tolérée comme un vivier dans lequel on peut toujours pécher à la commande quelques coupables à montrer sur un plateau : mais la « force de frappe » déterminante des interventions centrales ne peut-être composée que de professionnels ; ce que confirment chaques détails de leur style.
L’incompétence proclamée de la police et des services de renseignements, leurs mea-culpa récurrent, les raisons invoquées de leurs échecs, fondées sur l’insuffisance dramatique de crédits ou de coordination, ne devraient convaincre personne : la tâche la première et la plus évidente d’un service de renseignements est de faire savoir qu’il n’existe pas ou, du moins, qu’il est très incompétent, et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de son existence tout à fait secondaire. Pourtant, ces services sont mieux équipés techniquement aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été.
Tout individu notoirement ennemi de l’organisation sociale ou politique de son pays, et, d’avantage encore, tout groupe d’individus contraint de se déclarer dans cette catégorie est connu de plusieurs services de renseignements. De tels groupes sont constamment sous surveillance. Leurs communications internes et externes sont connues. Ils sont rapidement infiltrés par un ou plusieurs agents, parfois au plus haut niveau de décision, et dans ce cas aisément manipulables. Cette sorte de surveillance implique que n’importe quel attentat terroriste ait été pour le moins permis par les services chargés de la surveillance du groupe qui le revendique, parfois encore facilité ou aidé techniquement lorsque son exécution exige des moyens hors d’atteinte des terroristes, ou même franchement décidé et organisé par ces services eux-mêmes. Une telle complaisance est ici tout à fait logique, eu égard aux effets politiques et aux réactions prévisibles de ces attentats criminels.
Le siècle dernier, l’histoire du terrorisme a démontré qu’il s’agit toujours, pour une faction politique, de manipuler des groupes terroristes en vue de provoquer un revirement avantageux de l’opinion publique dont le but peut être de renforcer des dispositifs policiers pour contrer une agitation sociale, présente ou prévisible, ou de déclancher une opération militaire offensive, et son cortège d’intérêts économiques, à laquelle s’oppose la majorité de la nation.
Allemagne 1933 : Hitler
Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier d’Allemagne et chef du pouvoir exécutif. Pourtant, deux adversaires potentiels sont encore devant lui : le Reichstag, qui vote les lois, arrête le budget et décide la guerre, ainsi que le parti communiste allemand, qui, dans le marasme économique de l’époque, pouvait se relever inopinément et constituer un dangereux concurrent. Le 22 février, Goering, alors président du Reichstag attribue aux SD (Sicherheitsdienst : Service de renseignements de sûreté) des fonctions de police auxiliaire. Le 23, la police perquisitionne au siège du parti communiste et y « découvre » un plan d’insurrection armée avec prises d’otages, multiples attentats et empoisonnements collectifs. Le 27 février, un militant gauchiste s’introduit sans difficultés dans le Reichstag et, avec quelques allumettes, y provoque un incendie. Le feu s’étend si rapidement que le bâtiment est détruit. Tous les experts, techniciens et pompiers, ont témoigné qu’un tel incendie ne pouvait être l’œuvre d’un seul homme. Bien après la guerre, d’anciens nazis confirmeront le rôle des SD dans cet attentat. Dès le lendemain de l’incendie, plusieurs milliers d’élus et de militants communistes sont arrêtés, l’état d’urgence décrété, le parti communiste interdit. Quinze jours plus tard les nazis remportent les élections au Reichstag, Hitler obtient les pleins pouvoirs et, dès juillet 1933, interdit tous les autres partis.
Italie 1970 : les Brigades rouge
Au cours des années septante, l’Italie était au bord d’une révolution sociale. Grèves, occupations d’usines, sabotages de la production, remise en question de l’organisation sociale et de l’Etat lui-même ne semblaient plus pouvoir être jugulé par les méthodes habituelle de la propagande et de la force policière. C’est alors que des attentats terroristes, destinés à provoquer de nombreuses victimes, et attribués à un groupe « révolutionnaire », les Brigades Rouges, sont venu bouleverser l’opinion publique italienne. L’émotion populaire permit au gouvernement de prendre diverses mesures législatives et policières : des libertés furent supprimées sans résistance, et de nombreuses personnes, parmi les plus actives du mouvement révolutionnaire, furent arrêtées : l’agitation sociale était enfin maîtrisée. Aujourd’hui, les tribunaux eux-mêmes reconnaissent que la CIA était impliquée, de même que les services secrets italiens, et que l’Etat était derrière ces actes terroristes.
USA 1995 : Timothy Mc Veigh
Le 19 avril 1995, un vétéran de la première guerre du Golfe, Timothy Mc Veigh, lance contre un bâtiment du FBI, à Oklahoma City, un camion chargé d’engrais et d’essence. Le bâtiment s’effondre et fait cent soixante-huit victimes. Au cours de l’instruction, Mc Veigh a déclaré avoir été scandalisé par l’assaut donné par le FBI, deux ans plus tôt, à une secte d’adventiste à Wacco, dans le Texas. Assaut au cours duquel périrent plus de quatre-vingt membres de la secte, dont vingt-sept enfants. Révolté par ce crime, Mc Veigh était donc parti en guerre, seul, contre le FBI. Et au terme de son procès, largement médiatisé, il a été exécuté, seul, par une injection mortelle, devant les caméras américaines.
Après l’attentat, 58 % des Américains se sont trouvés d’accord pour renoncer à certaine de leur liberté afin de faire barrage au terrorisme. Et dans l’effervescence populaire entretenue par les médias, le président Clinton du signer le consternant antiterrorism Act autorisant la police à commettre de multiples infractions à la constitution américaine.
Au vu des ravages causés par l’attentat, Samuel Cohen, le père de la bombe à neutrons, avait affirmé : « Il est absolument impossible, et contre les lois de la physique, qu’un simple camion remplis d’engrais et d’essence fassent s’effondrer ce bâtiment. » Deux experts du Pentagone étaient même venu préciser que cette destruction avait été « provoquée par cinq bombes distinctes », et avaient conclu que le rôle de Mc Veigh dans cet attentat était celui de « l’idiot de service ».
Au cours de son procès, Mc Veigh a reconnu avoir été approché par des membres d’un « groupe de force spéciales impliquées dans des activités criminelles ». Le FBI ne les a ni retrouvés, ni recherchés. Mais dans cette affaire, la police fédérale a dissimulé tant d’informations à la justice qu’au cours de l’enquête, l’ancien sénateur Danforth a menacé le directeur du FBI d’un mandat de perquisition, mandat qu’il n’a pu malheureusement obtenir. L’écrivain Gore Vidal affirme, dans son livre La fin de la liberté : vers un nouveau totalitarisme, sans hésiter : « Il existe des preuves accablantes qu’il y a eu un complot impliquant des milices et des agents infiltrés du gouvernement afin de faire signer à Clinton l’antiterrorism Act ».
USA : 11/9
La situation mondiale exige l’ouverture continuelle de nouveaux marchés et demande à trouver l’énergie nécessaire pour faire fonctionner la production industrielle en croissance constante. Les immenses réserve des pays arabes, et la possibilité des se les approprier, d’acheminer cette énergie à travers des zones contrôlées, font désormais l’objet de conflits entre les USA, décidés à asseoir leur hégémonie, et les autres pays d’Europe et d’Asie. S’emparer de telles réserves aux dépends du reste du monde exige une suprématie militaire absolue et d’abord une augmentation considérable du budget de la défense. Mesures que la population américaine n’était, il y a quelques années encore, aucunement disposée à entériner. Le 11 janvier 2001, la commission Rumsfeld évoquait qu’un « nouveau Pearl Harbour constituera l’évènement qui tirera la nation de sa léthargie et poussera le gouvernement américain à l’action.»
Les services de renseignements américains, qui prétendaient tout ignorer de l’attentat du 11 septembre, étaient si bien averti dans les heures qui ont suivi, qu’ils pouvaient nommer les responsables, diffuser des comptes rendus de communications téléphoniques, des numéros de cartes de crédit, et même retrouver inopinément le passeport intact d’un des pilotes terroristes dans les ruines fumantes des deux tours, permettant ainsi de l’identifier ainsi que ses présumés complices. La version des autorités américaines, aggravée plutôt qu’améliorée par cent retouches successives, et que tous les commentateurs se sont fait un devoir d’admettre en public, n’a pas été un seul instant croyable. Son intention n’était d’ailleurs pas d’être crue, mais d’être la seule en vitrine.
Le pouvoir est devenu si mystérieux qu’après cet attentat, on a pu se demander qui commandait vraiment aux Etats-Unis, la plus forte puissance du monde dit démocratique. Et donc, par extension, on peut se demander également qui peut bien commander le monde démocratique ?
Démocratie : Etat et Mafia
La société qui s’annonce démocratique semble être admise partout comme étant la réalisation d’une perfection fragile. De sorte qu’elle ne doit plus être exposée à des attaques, puisqu’elle est fragile ; et du reste n’est plus attaquable, puisque parfaite comme jamais société ne fut. Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi : le terrorisme. L’histoire du terrorisme est écrite par l’Etat, elle est donc éducative. Les populations ne peuvent certes pas savoir qui se cache derrière le terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique.
On se trompe chaque fois que l’on veut expliquer quelque chose en opposant la Mafia à l’Etat : ils ne sont jamais en rivalité. La théorie vérifie avec efficacité ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient trop facilement montré. La Mafia n’est pas étrangère dans ce monde ; elle y est parfaitement chez elle, elle règne en fait comme le parfait modèle de toutes les entreprises commerciales avancées.
La Mafia est apparue en Sicile au début du XIXe siècle, avec l’essor du capitalisme moderne. Pour imposer son pouvoir, elle a du convaincre brutalement les populations d’accepter sa protection et son gouvernement occulte en échange de leur soumission, c’est-à-dire un système d’imposition directe et indirecte (sur toutes les transactions commerciales) lui permettant de financer son fonctionnement et son expansion. Pour cela, elle a organisé et exécuté systématiquement des attentats terroristes contre les individus et les entreprises qui refusaient sa tutelle et sa justice. C’était donc la même officine qui organisait la protection contre les attentats et les attentats pour organiser sa protection. Le recours à une autre justice que la sienne était sévèrement réprimé, de même que toute révélation intempestive sur son fonctionnement et ses opérations.
Malgré ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas la Mafia qui a subvertit l’Etat moderne, mais ce sont les Etats qui ont concocté et utilisé les méthodes de la Mafia. Tout Etat moderne contraint de défendre son existence contre des populations qui mettent en doute sa légitimité est amené à utiliser à leur encontre les méthodes les plus éprouvées de la Mafia, et à leur imposer ce choix : terrorisme ou protection de l’Etat.
Mais il n’y a rien de nouveau à tout cela. Thucydide écrivait déjà, 400 ans avant Jésus-Christ, dans La guerre du Péloponnèse : « Qui plus est, ceux qui y prenaient la parole étaient du complot et les discours qu’ils prononçaient avaient été soumis au préalable à l’examen de leurs amis. Aucune opposition ne se manifestait parmi le reste des citoyens, qu’effrayait le nombre des conjurés. Lorsque que quelqu’un essayait malgré tout des les contredire, on trouvait aussitôt un moyen commode des les faire mourir. Les meurtriers n’étaient pas recherchés et aucune poursuite n’était engagée contre ceux qu’on soupçonnait. Le peuple ne réagissait pas et les gens étaient tellement terrorisés qu’ils s’estimaient heureux, même en restant muet, d’échapper aux violences. Croyant les conjurés bien plus nombreux qu’ils n’étaient, ils avaient le sentiment d’une impuissance complète. La ville était trop grande et ils ne se connaissaient pas assez les uns les autres, pour qu’il leur fût possible de découvrir ce qu’il en était vraiment. Dans ces conditions, si indigné qu’on fût, on ne pouvait confier ses griefs à personne. On devait donc renoncer à engager une action contre les coupables, car il eût fallut pour cela s’adresser soit à un inconnu, soit à une personne de connaissance en qui on n’avait pas confiance. Dans le parti démocratique, les relations personnelles étaient partout empreintes de méfiance, et l’on se demandait toujours si celui auquel on avait à faire n’était pas de connivence avec les conjuré ».
Aujourd’hui, les manipulations générales en faveur de l’ordre établi sont devenues si denses qu’elles s’étalent presque au grand jour. Pourtant, les véritables influences restent cachées, et les intentions ultimes ne peuvent qu’être assez difficilement soupçonnées, presque jamais comprises.
Notre monde démocratique qui, jusqu’il y a peu, allait de succès en succès, et s’était persuadé qu’il était aimé, a du renoncer depuis lors à ces rêves ; il n’est aujourd’hui plus que l’arme idéologique d’un nouvel ordre mondial.
Publié sur Mecanopolis le 18 octobre 2010
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