10 mai 2011

Sarkozy veut se faire oublier des Algériens
IL SE CONCENTRE SUR LA LIBYE ET LE SAHEL



Sarkozy est déjà assez embourbé en Libye
Faire profil bas. C’est le nouveau credo de Sarkozy dans ses relations avec l’Algérie.

L’image de la France de Sarkozy s’écorne à l’étranger et notamment en Algérie. Du coup, des officiels de la rive Nord de la Méditerranée sont en train d’adoucir leur discours vis-à-vis du pays. Tout porte à croire que l’abandon des velléités d’ingérence dans les affaires intérieures de leur ex-colonie, a réfréné les ardeurs des hommes politiques placés sous la tutelle de Sarkozy. Cependant, il y a d’autres explications à cette attitude qui pousse à mettre de côté les déclarations belliqueuses.

Ainsi, l’option de renforcer les liens sécuritaires avec les Etats-Unis d’Amérique est un autre événement qui a fait comprendre à la France, que l’Algérie en a plus qu’assez de ces incursions répétitives dans la politique intérieure du pays. Ses mises en garde adressées à ses ressortissants pour éviter de se rendre dans le Sud sont parmi les errements commis récemment par Paris. Mais l’on n’est pas près de croire que Sarkozy a changé le fusil d’épaule et qu’il revient à de meilleurs sentiments.
La méfiance s’est installée entre Alger et Paris. Définitivement? Sarkozy est déjà assez embourbé en Libye et il compte s’épargner un nouveau front à l’Ouest.

Le Mali, le Niger et la Mauritanie sont aussi en train de focaliser l’attention de la France. Ce sont autant d’indices qui la conduisent à s’abstenir de faire de l’Algérie un point de fixation. A cela s’ajoutent les critiques arabes contre la politique africaine de Nicolas Sarkozy. Roland Dumas, ex-ministre des Affaires étrangères, est parmi les frondeurs. «Il est évident que l’engagement de la France en Afrique est totalement contraire à l’intérêt national», dit-il. Au devoir d’ingérence, cher à Bernard Kouchner, l’ex-chef de la diplomatie de François Mitterrand, préconise le devoir de prudence et d’honnêteté. A commencer par celle devant conduire à l’humilité.

Les Algériens ne manqueront pas de rappeler son passé colonial à cette France devenue puissance nucléaire en irradiant des Algériens. Il n’y a que le profil bas qui pourrait lui épargner un tsunami de plaintes en justice pour ses méfaits. L’approche du 50e anniversaire de l’Indépendance n’augure rien de bon pour la diplomatie française qui va redoubler de génie pour éviter d’envenimer davantage ses relations avec son partenaire du Sud. Bernard Valéro, porte-parole du Quai d’Orsay, a donné une esquisse de ce que sera la future politique algérienne de la France. Elle sera bâtie sur le silence. Il met ainsi en pratique la déclaration de M.Sarkozy selon laquelle toute déclaration sur l’Algérie pourrait avoir des conséquences imprévisibles.
Dans son point de presse du 5 mai dernier, le porte-parole a évité de réitérer son warning-travel à ses compatriotes pour les dissuader de se rendre dans le sud de l’Algérie. La prudence est seulement recommandée pour la Mauritanie, le Niger et le Mali. L’action française en Libye a ravivé les réseaux d’Aqmi qui disposent désormais d’armes lourdes et Sarkozy serait mal à l’aise dans l’habit d’un donneur de leçon sur la lutte antiterroriste dans ce cas précis. La faille n’a pas échappé à Mourad Medelci qui a tout de suite fait appel aux renseignements et aux équipements technologiques américains pour lutter contre Aqmi.
Un changement de rhétorique est aussi perceptible à travers la déclaration de Bernard Squarcini, chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (Dcri français). Il confirme qu’Aqmi dispose de 400 hommes avec un cercle logistique de 200 autres. «La menace pour la France est Al Qaîda au Maghreb islamique», dit-il. La proximité géographique et une histoire coloniale passée augmentent la menace, selon le porte-parole de la diplomatie française, mais il ne fait jamais référence explicite à l’Algérie. Toute accusation est soigneusement évitée: l’Algérie a sûrement aidé à épargner à Paris un attentat sanglant et il vaut mieux garder ce lien avec les services de renseignements algériens. Cela sonne aussi comme une reconnaissance implicite du rôle central de l’Algérie dans la lutte antiterroriste conduisant à la conclusion que ce n’est guère le moment de lui chercher querelle.

Cette prudence a fait des émules. Dominique Dellicour, chef de la délégation de l’Union européenne à Dakar, a limité ses craintes d’un sursaut terroriste aux seuls autres pays du Sahel. C’est donc à pas mesurés que l’Europe entière s’avance. Mais prudence ne veut pas dire absence. Deux députés sont mandatés pour remettre un rapport sur le terrorisme au Parlement français. Les enquêteurs seront à Alger en juin. Ce sujet sera certainement discuté à l’occasion de la prochaine visite de Jean-Pierre Raffarin. Selon ce dernier, ces projets ont fait l’objet d’un accord avec le Président Bouteflika en 2007, à l’occasion de la visite d’Etat du président Sarkozy et que cet accord doit être renouvelé au mois de juillet. Il a indiqué que le travail de rédaction d’un nouvel accord opérationnel pour l’occasion était engagé. C’est ce qu’il a indiqué dans un entretien publié par New African. Ne pas couper les ponts est son seul moyen pour ne pas perdre un marché de dizaines de milliards de dollars.

Les 430 entreprises françaises en Algérie ne doivent pas, non plus, être remplacées par des Chinois. Le tout conduit à faire en sorte de ne pas sombrer dans des polémiques comme celle ayant assombri les relations entre les deux nations à l’occasion du traitement de l’affaire du diplomate Hasseni, de celle de Tibhirine et de «la génération de Novembre» que Kouchner a voulu attendre qu’elle disparaisse avant que la France ne régularise ses relations avec le pays du million et demi de chouhada.

Ahmed MESBAH
L'expression dz 

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