La solidarité bidon de la gauche sioniste israélienne
jeudi 4 août 2011 - 06h:57Budour Youssef Hassan - The Electronic Intifada
          Le 15 juillet, des milliers d’Israéliens ont participé à une  marche à Jérusalem-Est occupée pour témoigner leur soutien à la création  d’un Etat palestinien en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. 
 
 C’est à ça que ressemble la solidarité ?
 Selon les organisateurs israéliens, la marche était   une action conjointe réunissant  Palestiniens et Israéliens. Elle avait  pour slogans « lutte commune » et « solidarité » ; pourtant, la  participation comptait bien peu de Palestiniens. Cet événement s’est  produit quelques semaines après une marche similaire à Tel-Aviv ; mais  si celle de Jérusalem-Est a attiré plus de publicité étant donné le lieu  où elle se tenait, les deux événements mettent en lumière l’échec de la  prétendue solidarité des sionistes israéliens de "gauche" avec les  Palestiniens.
Le terme solidarité - tout comme celui de coexistence - a  été tellement utilisé  dans le discours sioniste libéral qu’il a perdu  tout son sens. L’erreur sur la signification du mot  solidarité soulève  la question suivante : que signifie le mot solidarité et, plus  précisément : quand une action organisée par des Israéliens au nom du  soutien des Palestiniens peut-elle être considérée comme un acte de  véritable solidarité ?
Peut-on considérer allègrement que toutes les fois où  des Israéliens envahissent les rues en scandant  « arrêtez  l’occupation » ils posent un  acte de solidarité ? Chaque fois que des  Israéliens brandissent des drapeaux palestiniens, faut-il le se réjouir  d’un élan majeur pour la cause palestinienne ? Les Palestiniens  doivent-ils simplement être reconnaissants de ce que, en pleine  construction de colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est,  et  dans la déferlante de racisme dans la société israélienne,  il reste  quelques voix israéliennes disposées à « reconnaître » un État  palestinien ?
Lorsque des privilégiés formulent et conçoivent une  solution et l’imposent  à un peuple colonisé et occupé comme étant la  seule solution viable et la seule étape constructive restante », ainsi  que le stipule  l’appel du 15 juillet, il ne s’agit pas de solidarité,   mais d’une autre forme d’occupation. Si l’on est solidaire, l’on ne dit   pas aux personnes ce que l’on pense de leur problème et encore moins  comment l’on envisage la solution. Être solidaire ne veut pas dire que  l’on est d’accord sur  tout,  voire qu’on est d’accord sur une solution  fixe,  mais qu’on se bat pour une cause commune indépendamment des  différences.
Un quasi État construit sur 22 % de la terre de la  Palestine historique n’est pas ce pour quoi les Palestiniens se battent   depuis 63 ans, et présenter  cela comme un Etat, équivaut  simplement à  priver les Palestiniens de leur voix et du droit de décider de leur  propre destin.
Beaucoup diront, pourtant, que lutter cote à cote avec  les gauchistes sionistes élargit la base du soutien de la Palestine et  donne aux Palestiniens l’occasion de débattre avec l’autre partie et de  la convaincre. Ceci serait vrai si les sionistes considéraient les  Palestiniens comme des partenaires égaux,ce qui n’est pas le cas. Tout  le concept des deux états pour deux peuples comme seule solution à  l’impasse palestino-israélienne, extrêmement populaire parmi les  sionistes libéraux, repose sur l’isolationnisme, l’exceptionnalisme et  la bonne conscience des sionistes ainsi que sur leur sentiment de  supériorité à l’égard des Palestiniens qui leur donne le droit de  déterminer le problème, sa solution et les moyens à utiliser pour mettre  la solution en oeuvre.
Une marche palestino-sioniste  « conjointe » n’est pas  l’occasion d’engager un dialogue productif,  mais donne plutôt aux  sionistes plus de chances de marginaliser les voix des Palestiniens et  de faire la leçon aux Palestiniens sur la manière dont ils doivent  résister et ce qu’ils devraient accepter.
Donc,  ces manifestations qui réclament ostensiblement  l’égalité,maintiennent en fait  le statut privilégié des juifs  israéliens. Et  bien que de telles manifestations soient capables  d’attirer des milliers d’Israéliens de temps à autre, elles  n’élargissent pas véritablement la base de soutien israélienne pour les  Palestiniens. Au lieu de cela,  elles reflètent  le soutien d’une  « solution » qui néglige le problème des réfugiés, problème qui est au  coeur de la lutte palestinienne, ainsi que les fragments de la nation  palestinienne et qui condamne le citoyen palestinien d’Israël à une  situation de perpétuelles infériorité et discrimination.
La solidarité ne se mesure pas en nombres ; il ne s’agit  pas de savoir combien de personnes sont venues à une manifestation pro  palestinienne. Il s’agit de savoir pourquoi ces personnes sont venues.  Se battre aux côtés de 50 Israéliens qui sont véritablement engagés dans  la cause palestinienne est par conséquent beaucoup plus important et  valable que de marcher à l’ombre de milliers d’Israéliens qui pensent  que la Palestine est simplement la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Sur sa page  Facebook, la marche de  Jérusalem du 15 juillet avait pour titre en hébreu « marche pour  l’indépendance de la Palestine » tandis que le titre arabe disait  « ensemble vers la libération de la Palestine ». Il y a une énorme  différence entre une libération et un « État indépendant ». Pour les  Palestiniens, la « liberté » va bien au-delà de la création d’un bantoustan  en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. L’incohérence entre les  intitulés en arabe et en hébreu en dit long, mais ça ne date  pas d’hier  et il n’est pas non plus rare que les organisations israéliennes de  « gauche » tiennent un langage et adoptent un ton différents  selon  qu’elles s’adressent à un public palestinien ou  israélien.
Parmi la centaine de Palestiniens qui ont assisté à la  marche beaucoup s’y sont peut-être joints parce qu’ils croyaient à tort  que son but était d’exiger la liberté plutôt que de demander une  « indépendance » bidon. En outre, les membres des comités populaires  palestiniens de  Cheikh Jarrah et de Silwan, dont les quartiers risquent  d’être démolis et qui subissent un processus silencieux et écrasant de  nettoyage ethnique, avaient l’impression de n’avoir d’autre choix que de  se joindre à la marche pour attirer l’attention sur leur lutte. Mais  leur détresse a été exploitée par les organisateurs pour annoncer une  lutte « conjointe » afin de  marquer des points politiques et d’aider à  améliorer leur image.
Il ne faudrait pas dévaloriser la contribution du  mouvement de solidarité de Cheikh Jarrah, principal organisateur de la  marche du 15 juillet. Les manifestations hebdomadaires organisées à   Cheikh Jarrah et à al-Lydd ont mis en lumière la lutte des habitants  palestiniens contre la politique israélienne systématique de démolition  de maisons et d’expulsions. Les membres proéminents du mouvement de  solidarité de  Cheikh Jarrah et d’autres organisations israéliennes de  gauche luttant pour la paix subissent des attaques virulentes de la part  de la droite israélienne, notamment des menaces de mort et des  accusations de trahison.
Ceci ne veut pas dire qu’ils sont à l’abri de toute  critique. En dépit de leur militantisme,  ils n’ont pas pleinement  embrassé le public palestinien, ni ne  l’ont fait participer. Leurs   manifestations sont  dominées par des sionistes libéraux séculiers  blancs et la voix palestinienne, qu’ils sont censés faire entendre est  inaudible dans le tintamarre des chants en hébreu sur la paix et la  coexistence. Même les slogans et les panneaux brandis pendant les  manifestations ont été rédigés préalablement par les organisateurs  israéliens, transformant les défilés en une routine ennuyeuse,   terriblement prévisible et élitiste.
En somme, la « solidarité » israélienne est une épée à  double tranchant. Elle a le potentiel de faire progresser la cause  palestinienne et d’influencer l’opinion publique israélienne ainsi que  d’introduire  la lutte palestinienne dans les grands médias. Toutefois,  il existe le risque de voir certains groupes détourner le mouvement  croissant de la résistance populaire palestinienne en le plaçant sous la  bannière de la solidarité et de la coexistence.
Le fait qu’il y a une déferlante d’extrémisme éhonté  chez l’élite au pouvoir en Israël et dans la société israélienne en  général ne signifie pas que les Palestiniens doivent applaudir avec  reconnaissance aux « compromis » d’un sionisme doux. La solidarité n’est  pas un acte de charité ou un festival de rodomontades et de discours  creux. C’est une obligation morale qu’il faut remplir par  un engagement  total, sans faille et inconditionnel.
Ceux qui veulent de la reconnaissance et de la gratitude  feraient mieux de rester dans leurs relax à Tel-Aviv. Il faut dévoiler  et lutter contre les tentatives  d’exploiter le sort des Palestiniens à  des fins politiques et de transformer la cause palestinienne - une lutte  pour les droits humains la justice la liberté et l’égalité- en un  simulacre d’indépendance.
* Budour Youssef Hassan,  originaire de  Nazareth, est une militante socialiste palestinienne et  étudiante en troisième année de droit à l’Université hébraïque de  Jérusalem. Vous pouvez la suivre sur Twitter : twitter.com/Budouroddick.
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  Retour à Safed avec des menottes - 19 juin 2011                28 juillet 2011 - The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Anne-Marie Goossens
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