26 avril 2010

La Cisjordanie est le « Lebensraum » d’Israël

dimanche 25 avril 2010 - 06h:38

Khaled Amayreh - Al Ahram


Le dernier projet d’Israël est le nettoyage ethnique sous un autre nom, rapporte Khaled Amayreh depuis Ramallah.

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Sionistes fanatiques et voleurs de terres palestiniennes en Cisjordanie sous occupation qu’ils considèrent comme leur "Lebensraum". Nés à New York, en Lituanie ou ailleurs, ils prétendent dépouiller de leurs terres les légitimes propriétaires palestiniens.

Comme nouvelle mesure provocatrice visant à encore réduire les perspectives pour les Palestiniens et à consolider l’emprise israélienne sur les territoires occupés, Israël a émis de nouveaux décrets militaires qui permettraient à l’armée d’occupation israélienne d’expulser des milliers de Palestiniens de leurs maisons et leurs lieux de résidence en Cisjordanie.

Les nouvelles directives définissent comme « infiltré » tout Palestinien ou non-Palestinien vivant en Cisjordanie sans disposer d’une carte d’identité israélienne ou d’un permis spécial délivré par l’armée israélienne d’occupation.

Ainsi même les Palestiniens nés en Cisjordanie, et qui y ont toujours vécu mais sans être en possession de papiers israéliens, seront considérés comme « des infiltrés » pouvant être expulsés à tout moment.

En outre, selon les nouvelles règles, les contrevenants feront face à une déportation immédiate ou seront condamnés à purger jusqu’à sept ans de prison.

Un article sur ces nouvelles règles dans la presse israélienne de cette semaine, a souligné qu’Israël serait en mesure d’expulser des dizaines de milliers de Palestiniens. Toutefois, l’article n’a pas révélé la destination vers laquelle les déportés potentiels seraient envoyés.

Dans le passé, Israël a déporté de nombreux Palestiniens vers la Jordanie et le Liban. Cependant, les conditions sont aujourd’hui considérablement plus difficiles pour Israël pour procéder de même, étant donné le traité de paix jordano-israélien et la délicate situation à la frontière israélo-libanaise, en particulier depuis la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah [mouvement de la résistance libanaise].

L’ordre militaire, qui est entré en vigueur mardi, ciblera principalement des milliers de Palestiniens originaires de la bande de Gaza et vivant en Cisjordanie.

Il vise également les Palestiniens rapatriés - dont beaucoup sont mariés à des conjoints originaires de Cisjordanie - qui ont regagné les territoires occupés à la suite du processus d’Oslo et de la création de l’Autorité palestinienne [AP].

De plus, il pourrait menacer des militants pacifistes étrangers qui arrivent en Cisjordanie pour témoigner des violations israéliennes du droit international et pour encourager la résistance non-violente contre l’occupation israélienne.

Jusqu’à présent les responsables du gouvernement israélien se sont abstenus de tout commentaire sur les nouvelles règles, qu’il s’agisse de les confirmer ou de nier leur existence. Ce silence, selon l’avis des observateurs, peut être destinés à tester les réactions palestiniennes, arabes et internationales avant d’appliquer les mesures draconiennes sur le terrain.

Comme on pouvait s’y attendre, les nouvelles directives ont été fermement condamnées par les responsables palestiniens et arabes ainsi que par les groupes de défense des droits humains.

Le Hamas, le mouvement palestinien de la résistance islamique, a qualifié la mesure de « continuation des opérations de nettoyage ethnique systématique à l’encontre de notre peuple et qui ont débuté en 1948 ».

« Au moment où les Juifs commémorent l’Holocauste allemand, Israël commet un holocauste silencieux contre le peuple palestinien », a déclaré un porte-parole du Hamas en Cisjordanie - qui ne voulait pas que son identité soit révélée, apparemment par crainte d’être arrêté par les Israéliens ou par le régime de l’AP.

Le Hamas et le Fatah se sont engagés à résister activement à ces nouvelles mesures, disant que refouler les Palestiniens de leur patrie ancestrale revenait à procéder à un « nettoyage ethnique ».

Salam Fayyad, premier ministre de l’AP [de Ramallah] et soutenu par l’Occident, a déclaré que les nouvelles mesures étaient en contradiction avec le droit international ainsi qu’avec les décisions du Conseil de sécurité des Nations unies qui condamnent les déportations forcées. « Il est clair que ces mesures prises par Israël tentent d’approfondir l’emprise de l’occupation en Cisjordanie et de faciliter les saisies de terres par les Israéliens. »

L’officiel de l’AP, Saeb Ereikat, a qualifié l’initiative israélienne « d’agression contre les Palestiniens et d’affront aux principes les plus fondamentaux des droits de l’homme. Les Palestiniens sont transformés en criminels dans leurs propres demeures. »

Mahmoud Abbas, le président de moins en moins communicatif de l’AP, a jusqu’à présent gardé le silence, sous prétexte de peut-être soulever la question avec la communauté internationale par la voie diplomatique.

L’administration Obama et l’Union européenne n’ont pas réagi aux nouvelles provocations israéliennes en Cisjordanie.

Un porte-parole du gouvernement jordanien a déclaré cette semaine qu’Israël avait assuré la Jordanie que la nouvelle directive n’entrerait pas en vigueur. Toutefois, il n’y a pas eu de confirmation du contenu de la déclaration du porte-parole jordanien, soit par Israël soit par l’Autorité palestinienne.

Le secrétaire général La Ligue arabe, Amr Moussa, a également condamné les nouvelles mesures israéliennes, affirmant « qu’il est difficile d’établir la paix dans la région en raison du comportement d’Israël. Nous rejetons cette mesure et nous demandons à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités. » M. Moussa a indiqué qu’une réunion de la Ligue arabe allait discuter de la situation.

Le mois dernier, la Ligue arabe a tenu une sommet à Syrte, en Libye, qui a porté sur la cause palestinienne et les provocations israéliennes, dont la judaïsation de Jérusalem-Est et l’expansion continue des colonies juives. Mais le résultat de la réunion a été assez unanimement considéré comme médiocre et inefficace, un certain nombre d’alliés régionaux des Etats-Unis faisant pression pour l’adoption par les participants de résolutions très conciliantes qui permettraient la poursuite du « processus de paix » sous la houlette des Etats-Unis.

La très répressive directive israélienne, qui d’après les militants des droits de l’homme, revient à une déclaration de guerre contre le développement démographique palestinien, a aussi été dénoncée par 10 organisations israéliennes de défense des droits civiques et humains. Ces organisations ont exhorté le ministre de la défense Ehud Barak à annuler les nouveaux décrets.

Ces groupes ont estimé que les ordres militaires en question étaient si vagues et si généraux que pratiquement tous les habitants de Cisjordanie étaient potentiellement dans une situation à risque. Ils ont fait valoir que les instructions militaires ne définissaient quels permis étaient nécessaires pour éviter l’expulsion.

Cette nouvelle menace de nettoyage ethnique contre les Palestiniens en Cisjordanie coïncide avec l’anniversaire commémoratif de l’Holocauste en Israël, un rituel annuel destiné à extorquer de la sympathie au reste du monde et surtout à détourner l’attention des crimes israéliens contre les Palestiniens, comme les attaques brutales de l’an passé contre la bande de Gaza.

Certaines critiques d’Israël font la comparaison de l’approche israélienne contre les Palestiniens - dont la politique de déportation - avec la politique de l’Allemagne nazie et au fameux « Lebensraum » [terme allemand pour « espace vital »], une doctrine qui a prévalu en Allemagne au début du 20ème siècle et qui voulait dire que le pays avait besoin de nouvelles terres pour s’y développer, notamment vers l’est.

Cette notion de « Lebensraum » est devenue une motivation importante dans l’agression territoriale allemande après 1937. Israël se réfère de plus en plus à la Cisjordanie, occupée par l’armée israélienne en 1967, comme « Eretz Israël » [la terre d’Israël]. Parfois, le même terme est appliqué à la Jordanie dont certains dirigeants juifs parlent comme de « la terre orientale d’Israël ».


* Khaled Amayreh est journaliste palestinien et réside en Cisjordanie sous occupation

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