29 avril 2010

« La pression de l’UE et des Etats-Unis est insuffisante pour mettre fin au blocus de Gaza »

jeudi 29 avril 2010

Juan Miguel Muñoz - El Païs


Une interview de Filippo Grandi (né à Milan en 1957), commissaire général de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine [UNRWA].

(JPG)
Manifestation du mouvement de la résistance islamique [Hamas] contre le blocus de Gaza - Photo : AP

Filippo Grandi (Milan, 1957) présente son mandat de trois ans en tant que commissaire général de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine UNRWA, et ce, pour faire face à un défi constant depuis 60 ans : l’amélioration de conditions de vie dans les camps de réfugiés, et deux défis à court terme mais qui menacent de devenir pérennes : la levée du blocus israélien de Gaza pour permettre la reconstruction des territoires dévastés il y a 15 mois, et le financement de l’organisme, qui ne connais pas ses meilleurs moments.

Dépendant des donations des Etats, Grandi, qui était en visite à Madrid, regrette que jusqu’à ce moment avancé de l’année, on n’ait recueilli que 450 millions de dollars, ce qui ne couvre pas les 600 millions de dollars de son budget. « Nous souffrons, dit-il, d’une très grave crise financière. »

Question. Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixé ?

Réponse. Premièrement, améliorer les services. Principalement l’éducation, qui est une question centrale au Moyen-Orient et en Palestine. Deuxièmement, insister sur la protection des droits et de dénoncer ses violations, en particulier des Palestiniens qui souffrent de l’occupation. Nous sommes donc très préoccupés par la situation des 130 000 Palestiniens vivant à Jérusalem et ses environs et l’expulsion des Palestiniens de leurs maisons et les démolitions.

La troisième priorité est d’accroître le financement, non seulement avec les contributions des gouvernements, mais avec des contributions privées ainsi que celles des gouvernements locaux. Nous avons conclu un accord avec la société koweïtienne téléphone Zein. L’image de l’UNRWA est un peu dépassée.

Q. Quelques Jours après la guerre, les pays occidentaux ont tenu un sommet à Charm el-Cheikh (Egypte). Ils ont promis de 5 milliards de dollars. Rien n’est parvenu à la bande de Gaza.

R. La reconstruction par des moyens légaux ne fonctionne pas. Nous ne pouvons pas importer. C’est un énorme problème que nous avons avec Israël. Nous comprenons leurs préoccupations en matière de sécurité, mais, permettre le passage de matériaux de construction est très important pour que l’UNRWA puisse poursuivre ses programmes de manière transparente et légale. Maintenant, toute l’économie est basée sur les tunnels (Rafah). Elle est gérée par des groupes de spéculateurs qui perdent leurs intérêts dans une situation de stabilité.

Avec Israël, il y a un dialogue constructif, mais il ne fonctionne pas. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a reçu des promesses pour permettre l’acheminement des matériaux, mais après un mois, Israël n’a donné que des autorisations partielles pour des quantités minimes.

La reconstruction nécessite un million de tonnes de ciment, nous n’avons reçu que 25 tonnes depuis 2007. Nous avons été obligés a construire avec de l’adobe [brique de terre crue, séchée au soleil].

Q. Alors, pourquoi qualifier de "constructif", le dialogue avec Israël ?

R. Ce n’est pas facile, mais le dialogue n’est pas fermé. Les résultats sont très limités. Nous avons besoin d’établir un mécanisme d’importation prévisible qui nous permette de travailler à la reconstruction. Gaza est une priorité parce que le niveau de besoin est le plus élevé dans une énorme concentration de population.

Q. Le gouvernement israélien d’Ehud Olmert a mis la libération du soldat Gilad Shalit comme condition pour la levée du blocus, mais certains responsables du gouvernement actuel affirment qu’il ne prendra pas fin tant que le Hamas est au pouvoir.

R. Je ne représente pas une organisation politique, mais le blocus est dû à de nombreuses raisons : la sécurité, la politique entre autres. Il est inacceptable que 1,5 million de personnes soient otages d’une situation politique. On en est à la troisième année. La grande majorité des gens veulent vivre normalement. Si nous ne donnons pas à ces gens une chance, il pourra y avoir une explosion politique ou militaire.

Q. Certains juristes qualifient le blocus de crime contre l’humanité.

R. Je préfère ne pas le qualifier. Ce n’est pas dans mes compétences. Mais c’est certainement une punition collective, une violation du droit humanitaire international. La crise de Gaza n’est pas humanitaire, elle est économique, institutionnelle, de services, d’infrastructures et psychologique. Israël autorise l’entrée des aliments et de la médecine, mais cela ne permet en aucun cas une vie normale.

Q. Est-ce l’UNRWA a une certaine capacité a faire pression sur Israël ?

R. Notre capacité à influencer est morale. Nous sommes la plus grande agence au Moyen-Orient. Nous employons plus de Palestiniens que quiconque, à l’exception de l’Autorité palestinienne. Lors de pourparlers pour la paix, on ne peut pas oublier les 4,7 millions de réfugiés, ils sont très importants. Si on les oublie, on ne pourra pas arriver à la réalisation et la consolidation de la paix. Nous n’avons pas de responsabilité politique, et nous ne pouvons pas aider à résoudre le conflit, mais au moins aider la population car il y a carence dans les institutions gouvernementales

Q. Faites vous suffisamment de pression pour que les États-Unis et l’Union européenne mettent fin au blocus fait par Israël ?

R. De toute évidence, la pression n’a pas été suffisante. Nous devons continuer à faire pression et à négocier. La stabilité et la bande de Gaza avec une économie normale serait mieux pour Israël.

Q. Au Liban, depuis des décennies, les réfugiés ont également des problèmes insurmontables. Ils n’ont pas le droit d’exercer des dizaines de professions.

R. Il y a des éléments positifs au Liban. Le gouvernement a promis d’améliorer les conditions de vie dans les camps. Et le Premier ministre, Saad Hariri, m’a dit que son gouvernement va étendre les droits à l’emploi des réfugiés palestiniens. Après, c’est la politiquer officielle... La situation dans les camps génère beaucoup de tension.

(JPG)

Du même auteur :

- 43 ans de faits accomplis - 29 mars 2010
- Arrivée en Espagne d’un palestinien emprisonné depuis 2002 sans inculpation à Guantanamo - 14 mars 2010
- Gaza envoie la facture à l’Occident - 17 janvier 2010
- Face à la crise iranienne, le Hezbollah et le Hamas restent prudents - 28 juin 2009
- Les Palestiniens et les pays arabes rejettent le discours de Netanyahu - 24 juin 2009
- Le monde arabe attend maintenant des actes - 10 juin 2009
- Profits juteux - 6 mai 2009

20 avril 2010 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...

Aucun commentaire: