23 avril 2010

Mille soleils au Neguev (1)

Qu’entend-on aujourd’hui dans la presse ? Que les Etats-Unis de Barack Obama font pression sur un pays pour qu’il révèle ses recherches sur l’atome, et sa réalisation ou non d’une bombe atomique. Et tous d’appuyer sur l’accélérateur, qui n’est pas à particules, dans ce cas, pour condamner unilatéralement l’Iran. Parmi ceux-là, bien entendu, nos amis les trolls pro-israéliens, que l’on va finir par croire munis d’une sonnette dès que le mot "Iran" apparaît sur le net. Or ces gens-là, et les autres, feraient bien de se faire offrir quelques cours d’histoire, car ce qu’ils reprochent aujourd’hui à l’Iran, leur pays favori l’a fait, dans les mêmes circonstances exactement. Et cela, ils semblent soit l’ignorer, soit déjà l’avoir complétement oublié. Israël, il fut un temps, a été l’objet des mêmes questionnements et de la même inquisition, par les Etats-Unis et la communauté internationale, mais tout le monde l’a déjà oublié. Ou certains ne souhaitent pas qu’on le rappelle. Rafraîchissons-leur donc aujourd’hui la mémoire, ne serait-ce que pour calmer leurs ardeurs bellicistes.

De tout cela, on a longtemps rien su du tout à vrai dire. Des deux côtés, américain et israélien, on a dissimulé les choses. On avait bien des doutes, avec notamment les fuites de la presse française, sur la possession ou non de l’arme nucléaire par les israéliens. Les premiers renseignements provenaient par bribes d’ingénieurs français venus de Marcoule et de Saclay partis installer la centrale civile de Dimona, un petit réacteur de 26 Mégawatts. Des ingénieurs, qui, une fois revenus en France, ont décrit des canalisations trois plus importantes que nécessaires, et un site d’extraction du plutonium voisin non prévu au départ.

Les israéliens avaient débuté en réalité très tôt leur quête de "l’arme ultime", sous l’impulsion de David Ben Gourion, qui s’était persuadé que sa détention était la meilleure solution de défense pour l’état hébreu, par effet de dissuasion. Dès 1953, de l’uranium avait été découvert au Neguev, et un procédé de fabrication d’eau lourde avait déjà été mis en place. L’usine nucléaire de Dimona a été bâtie tôt, de 1957 à 1964, dès les accords signés avec Ben Gourion, qui avait donc insufflé l’idée de la course à la bombe dissuasive, une initiative toute personnelle... la Knesset n’ayant pas eu son mot à dire. Le maître mot, à ce moment là est en effet "secret". Ben Gourion, homme taciturne et fort peu communiquant, voulait garder ce lourd "secret" pour lui seul. Il détestait ses congénères et refusera par exemple toute sa vie d’appeler Menahem Begin, son adversaire politique, par son nom ! L’homme qui est à la base des contacts avec les français s’appelait Shimon Peres, nommé alors ministre de la Défense par Ben Gourion, après avoir dirigé le Mossad !

Le réacteur EL-102 français fourni sera alimenté par 20 tonnes d’eau lourde achetées à la Norvège en 1959 (envoyée au départ en Angleterre qui n’en n’avait plus besoin, ayant changé de filière). Tous les indications précédentes proviennent du livre de 1982 de Pierre Péan "Les deux bombes". Quatre ans après la sortie de ce livre, en 1986, le professeur Francis Perrin, un pacifiste convaincu que la détention de l’arme absolue empêcherait ses détenteurs de l’utiliser, à la tête du Haut Commissariat à l’Energie Atomique, confirmait que des français avaient effectivement travaillé avec des israéliens sur des projets de recherches atomiques pouvant mener à la bombe. Mais à part ces déclarations, aucune confirmation de la part de l’état hébreu, qui niera toujours posséder l’arme atomique, et qui d’ailleurs le nie toujours officiellement. Pourtant, les preuves indirectes de la coopération sont nombreuses, et les Etats-Unis à l’écoute attentive du duo franco-israélien : "le 13 février 1960, le premier essai nucléaire français, à Reggane au Sahara, est tout sauf secret : « Hourra pour la France ! » télégraphie de Gaulle. On imagine mal que la présence de deux scientifiques israéliens soit passée inaperçue des « grandes oreilles » de Washington. Au mois d’août, une secrétaire de l’ambassade américaine à Tel-Aviv raconte à ses supérieurs que, s’étant rendue à Beersheba avec son ami israélien, elle avait appris de lui et de Français qui travaillaient à Dimona la construction en secret d’un réacteur nucléaire"...

Le secret de Dimona restera pourtant bien gardé. Comme quoi on peut faire taire plusieurs centaines de personnes pendant des années ! Les pièces françaises nécessaires à la construction de le centrale seront même envoyées par bateau en diversion en Amérique du Sud avant d’arriver en Israël ! L’accord secret signé par Peres précise en effet que rien ne doit être divulgué à l’extérieur, côté français comme côté israélien (*) DeGaulle, en 1960, découvrira tardivement qu’on l’avait trompé : il avait demandé d’arrêter l’aide à Israël dès son arrivée au pouvoir en 1958. Son embargo, tardif, n’empêchera pas la construction et la finition de la centrale. On s’est beaucoup demandé comment De Gaulle s’était aperçu que ses propres services l’avaient doublé et n’avaient pas respecté ses ordres d’embargo. C’est une anecdote amusante qui nous le dit. De Gaulle avait un regard aigu de chasseur de chars et une mémoire d’éléphant. En avril 1960, il visite le Centre nucléaire de Saclay, et remarque tout de suite sur le parking une... 2 CV Citroën. Elle possède une immatriculation bien étrange à ses yeux. Rentré à l’Elysée, il fait faire une rapide enquête : c’était bien une immatriculation diplomatique, celle d’un technicien... israélien. C’est Maurice Couve de Murville qui avait subi en retour le mémorable savon gaullien, paraît-il... En 1960 toujours, c’est un spécialiste US, Henry Gomberg, qui décide de rompre le silence : son télégramme envoyé de l’ambassade américaine d’Israël à Paris est révélé par le New York Times qui en fait aussitôt sa une. Scandale énorme : dedans, Gomberg évoque le rôle exact de Dimona, alors totalement inconnu, et pousse le gouvernement israélien à communiquer sur l’affaire. Gomberg était clairement persuadé qu’Israël était en train de secrètement construire un "réacteur de type Marcoule" "près de Beer Sheba", selon son tout premier télex. Au cours de sa visite de l’Israeli Atomic Energy Commission, les Israéliens avaient un peu trop insisté pour "limiter leur discussion en raison de contraintes de sécurité, " ce qui lui avait mis la puce à l’oreille. Son télégramme est le premier document ou le mot centrale nucléaire apparait.

Ce sont en effet les politiques qui vont finir par ne plus tenir leur langue. En tout premier Ben Gourion, donc, l’initiateur isolé du projet, qui, dès l’année 1960 où Dimona fait la une du New-York Times, se retrouve contraint d’avouer qu’il s’agît bien d’une usine nucléaire, mais "civile", qui est en construction : voilà non plus qui n’est pas sans rappeler les déclarations de ces trois dernières années d’un dénommé Mahmoud Ahmadinejad.... étrange et consternant parallèle. Ben Gourion, dans la foulée, ira expliquer le fond du projet à Eisenhower, qui entendra et recevra ses justifications, mais son successeur John F. Kennedy ne le prendra pas sur le même ton : persuadé qu’il faut réprimer la prolifération nucléaire, il n’apprécie pas du tout la position d’Israël sur le sujet. Pour lui, c’était une grave erreur au Proche-Orient que d’enclencher la course à l’armement atomique : c’est pourquoi il imposera les contrôles des envoyés de l’ONU sur le site de l’état hébreu. On verra un peu plus loin ce que les israéliens en ont fait.

Il faudra attendre 42 ans pour que le premier a briser l’omerta sera Shimon Peres qui, pour le livre (et le magazine TV) "A bomb in the Basement" avait révélé en 2002, le rôle du gouvernement français dirigé par Guy Mollet pour aider Israël à se doter d’une "capacité nucléaire". Puis bien plus tard encore, il y aura Ehud Olmert, le 12 décembre 2006, qui lors d’une interview à la chaîne allemande N24 Sat1, fera un lapsus révélateur sur la détention d’armes atomiques par son pays. "Nous n’avons jamais menacé un pays d’annihilation. L’Iran menace ouvertement, explicitement et publiquement de rayer Israël de la carte. Pouvez-vous dire qu’il s’agit du même niveau de menace lorsqu’ils [les Iraniens] aspirent à avoir des armes nucléaires, comme la France, les Américains, les Russes et Israël ?" avoue-t-il candidement en tentant de se reprendre juste après. Jacques Chirac, enfin, fera de même : questionné le 22 juin 2008 sur une fusée iranienne pouvant atteindre Israël, il répondra par une boutade incluant l’usage d’une bombe atomique en face ("Elle n’aura pas fait 200 m dans l’atmosphère que Téhéran sera rasée"). Les deux derniers chefs d’état ont bien des raisons de le savoir : les deux pays ont étroitement coopéré pour faire d’Israël une puissance nucléaire. Bref, on s’en doutait depuis longtemps, et la confirmation écrite est arrivée il y a trois ans à peine, seulement.

En 2007, entre Olmert et Chirac, on avait eu droit aussi à nouvelle tempête dans le Landerneau nucléaire. La publication des archives secrètes de la CIA mettait l’épisode de l’élaboration de la bombe israélienne sous un éclairage nouveau. Parmi les 123 000 pages de l’ère Nixon ou précédente, on trouve une masse importante (certains petits malins diraient critique !) au sujet des relations tendues entre israël et les Etats-Unis. Objet de la tension : les demandes répétées des USA, jamais suivies de réponse, sur l’élaboration d’une arme nucléaire à Dimona. Selon ces fiches, les Etats-Unis avaient déjà obtenu la certitude que l’état hébreu s’était procuré des matières fissiles avant 1965. Le fournisseur étant justement la France et un autre pays, que l’on soupçonne être l’Afrique du Sud !

Le 19 juillet 1969, Henry Kissinger, dans un mémorandum aujourd’hui célèbre, mais alors classé "top secret", qu’Israël "ne prendrait au sérieux nos demandes, tant que nous ne lui fournirons pas ce dont il a besoin". Du chantage, donc. A savoir à propos les fameux Phantom Kurnass, dont je vous ai déjà parlé ici à propos de Yiftah Spector. Les Etats-Unis refusaient jusqu’alors de les livrer à Israël, ces appareils étant capable de larguer des bombes nucléaires. Pour les américains, Israël en possédait donc déjà. Or Kissinger est juif, personne n’en a jamais fait mystère, encore moins lui, et on pense que tout l’intelligentsia juive américaine, appelée lobby par certains, a fait d’énormes pressions sur lui pour que les appareils soient livrés, malgré le fait qu’en 1967 donc, déjà, les américains n’ont plus aucun doute sur l’imminence de la bombe atomique de l’état hébreu. Avoir la bombe, très certainement, mais de là à en faire un engin tactique à emporter à bord d’un avion comme le Phantom, démuni de soute interne, c’est autre chose encore doivent-ils se dire. Israël, est manifestement confronté, comme la France, et auparavant les Etats-Unis ou l’URSS, à un problème de miniaturisation d’une bombe nucléaire. En résumé, on sait faire ça, mais il faut arriver à faire ça (ici une W68 qui sera fabriquée à 5 250 exemplaires de1970 à 1975, et là une W28 tactique, de moindre puissance !). Ce sont des s B28RI qui s’égareront à Palomares en janvier 1966... C’est le numéro 78 252, de bombe B28RI, qu’on ne retrouvera jamais à Thulé.

Les américains donc en sont déjà persuadés, malgré le fait que les ingénieurs US aient visité de 1965 à 1969 les installation de Dimona... sans rien y trouver de suspect (on verra pourquoi un peu plus loin) ! Ce, du moins, toujours officiellement, car les américains se doutent bien de quelque chose dans ce centre atomique où tout est réuni pour fabriquer également le combustible de ce genre d’engin. "Des inspecteurs US ont visité Dimona 7 fois dans les années 60, mais ont été mené en bateau par les israéliens qui, ayant la maîtrise de la planification des visites, sont allés jusqu’à installer de faux centres de contrôle, de bétonner des ascenseurs et les accès à certaines zones « stratégiques ». Le gouvernement américain n’a pas encouragé ce programme nucléaire militaire israélien, mais n’a rien fait non plus pour le stopper." Les pauvres envoyés de Kennedy n’auront en effet pas le droit d’accéder aux installations souterraines du site (encore un appel à la situation Iranienne actuelle !), ni à l’usine d’enrichissement, elle aussi sous terre : des centrifugeuses, il y en a, mais ils n’en verront aucune ! A l’hôtel Astoria, à New-York, Ben Gourion et Kennedy se rencontreront juste après la première visite des techniciens US, qui remettront un rapport négatif sur l’élaboration d’une bombe à Kennedy. Mais dès que le successeur de Ben Gourion (qui est forcé de démissionner en 1963), arrive, Kennedy, qui a été informé par la CIA semble-t-il entre temps qu’il a été berné, les relations deviennent exécrables. Kennedy lui réclame désormais des "informations fiables", preuve qu’il met en cause le premier rapport fourni. A six reprises, on ne lui donnera pas, à lui et à ses successeurs. Début 1963, entre Israël et les USA, ce n’est plus du tout la lune de miel. Mais heureusement l’arrivée de Johnson va tout arranger...au point qu’il ne demandera même plus à visiter le site, même pour la forme.

L’existence de la préparation de l’arme atomique israélienne ne fait plus aucun doute, à la CIA. II est confirmé en secret : dans ces fameux documents, on trouve aussi une note de la CIA rédigée en 1968, adressée déjà au prédécesseur de Nixon, Johnson, qui a succédé à Kennedy dans les circonstances que l’on sait, et a ensuite été élu en 1964. Une note qui assure qu’Israël possède déjà l’arme atomique, au moins un exemplaire, peut-être deux. Johnson, davantage favorable que Kennedy à son électorat juif, entérine l’information : toute la doctrine américaine, désormais est d’empêcher la dissémination, puisque le mal est déjà fait. On s’est beaucoup penché sur le pourquoi de cette étrange sollicitude chez Johnson. Pour finir par trouver cet explication surprenante : "Lyndon Johnson, le nouveau président des États-Unis, appartient à une secte chrétienne, celle des christadelphes, assez proches des juifs, avec lesquels ils partagent une adhésion stricte aux enseignements de la Bible. « Prenez soin des juifs, le peuple élu par Dieu », a écrit le grand-père du futur président dans le livre d’or de la famille. « Considérez-les comme vos amis et aidez-les de toutes les façons que vous pourrez. "

C’est désormais en tout cas une certitude : le survol d’Israël par les Lockheed U-2, qui vole depuis 1956, puis par les satellites Samos, ont tenu l’armée américaine au courant des évolutions des bâtiments qui n’ont cessé de se développer. Le 29 septembre 1971, le cliché obtenu par une caméra KH-B4 sera très révélateur. Israël parle alors "d’usine textile, d’usine agro alimentaire, ou d’un centre de recherche métallurgique" à propos de Dimona ! le 26 mai 1967, un satellite Gambit muni d’une KH-7 prenait en photo.... Muroroa. Difficile de cacher quelque chose aux américains, déjà, il y a 43 ans déjà ... (alors pensez donc aujourd’hui, à moins d’enterrer profondément les usines, ce qu’ont fait dès le début les iraniens). En 1970, c’est clair, les américains ne se font plus aucune illusion : Israël à la bombe, c’est sûr et déjà même plusieurs, et ils n’ont pas réussi à l’empêcher de les fabriquer. Aujourd’hui où l’on reparle de rumeurs de bombardement de l’Iran, on notera qu’à cette époque on n’a jamais évoqué cette possibilité vis-à-vis d’Israël : il y a bien deux poids et deux mesures en histoire !

Et pourtant ! Les américains auraient des raisons d’en vouloir aux israéliens, question nucléaire. Une bonne partie du savoir et du matériel israélien leur a été subtilisé. Aux Etats-Unis en 1965, le Dr Shapiro Zalman, un vétéran du Projet Manhattan, a fondé une entreprise fortspécialisée, NUMEC, située à Apollo, en Pennsylvanie : elle est capable d’enrichir de l’uranium. Le FBI y débarque un jour pour vérifications, et découvre que plus de 200 livres (90 kg) d’uranium enrichi y sont manquants. Deux ans après, la CIA déterminera que l’uranium s’était bien envolé vers Israël. Andrew et Leslie Cockburn l’écriront dans leur livre "Dangerous Liaison." Selon Seymour Hersh, ce n’est pas exact : toute l’histoire n’aurait été qu’un montage, celle d"un employé de NUMEC ayant bêtement oublié son chargement ! Or des éléments mis à jour après coup intriguent sérieusement : Numec avait été créé par Leonard P. Pepkowitz, qui avait travaillé sur le projet Manhattan. Steve Levin membre de la Haganah et proche ami de David Ben-Gurion, le fils du président, était celui qui avait financé l’achat de l’Apollo Steel Company en Pennsylvanie, dirigée par Shapiro, qui était lui-même à la tête du Zionist Organization of America (ZOA). Le 10 septembre 1968, quatre israéliens avaient visité l’entreprise "pour discuter thermoélectricité avec Shapiro," L’un d’entre eux s’appelait Rafi Eitan. Du Mossad : c’est lui qui avait capturé Eichmann, le protégé de la CIA, en Argentine, en 1960 ! Comme simple "visiteur", on fait mieux ! Cela fait beaucoup de suspicions en faveur du vol de matière fissile. A défaut de produire ce qu’il faut à Dimona, ce qui prend au minium cinq ans après le lancement de l’activité il y a d’autres moyens d’accélérer le processus, de toute façon, ou de multiplier les bombes. Et pour ça, on pouvait compter sur le Mossad, pour sûr. Il fut un temps où il était meilleur que de nos jours...

A ce moment là, la centrale israélienne focalise toutes les attentions, y compris internationale, des politiques israéliens, dont Peres ayant clamé que l’état hébreu avait d’autres moyens à sa disposition en cas de futur conflit avec un état arabe. Des visites à la centrale de Dimona ont bien été faites par des ingénieurs américains seulement, car Israël avait refusé les inspections internationales de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ! Voilà qui laisse songeur, face aux refus actuels d’un Mahmoud Ahmadinejad qui enflamment tant la presse aujourd’hui ! En prime, il fallait aussi, selon l’accord accepté par Israël, que l’état hébreu soit informé à l’avance des inspections : autrement dit c’était se moquer du monde : cela laissait largement le temps de dissimuler ce qu’on voulait ! Et c’est bien ce qui a été fait, d’ailleurs ! Au même moment, alors qu’on le sollicite, sachant où il en est, Israël refuse de signer le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Que l’Iran a signé, signalons-le, et qu’il n’oublie pas de rappeler quand ça lui semble remis en cause !!! Et là où ça devient intéressant, c’est qu’au moment où les Etats-Unis n’ont plus aucune illusion sur la détention de l’arme nucléaire à l’étoile à six branches, les israéliens vont refuser les visites des contrôleurs américains : à partir de 1969, il ne seront en effet plus autorisés à visiter Dimona ! Voila qui sonne étrangement aujourd’hui, où les américains demandent avec obstination la même chose aux iraniens... la visite de leurs installations. Les iraniens n’ont peut être pas envie de rebâtir tout un étage factice de leurs installations, comme Israël l’avait fait à Dimona !

L’année suivante, Richard Nixon met officiellement fin aux visites : "plus la peine d’y aller, on sait qu’ils l’ont" , en quelque sorte ! Ce qui, rétrospectivement, laisserait entendre qu’en ce qui concerne l’Iran, que les américains, aujourd’hui, ne sont sûrs de rien en ce qui concerne l’arme iranienne ! Selon Haaretz, il existerait bien également un texte signé de Richard Nixon et de Golda Meir, datant de "40 ans", un "accord secret" demandant un "engagement explicite de Nixon de s’opposer à toute relation entre Iraniens et israéliens dans les activités nucléaires" : à l’époque en effet, Israël commerce avec l’Iran il lui vend des armes, dont de longues roquettes GRAD de 122 mm ! Ressemblant à ça comme deux gouttes d’eau... et aussi vieilles en effet !), et Nixon craint une dissémination nucléaire de la part... des israéliens ! manque de chance, des deux côtés, note Haaretz, on ne retrouve pas ce document ! A force de faire dans le secret, on a dû égarer les clés des armoires. A moins que toute vérité n’est pas bonne à dire, surtout en ce moment dans le cas qui nous préoccupe.

Une pièce tellement secrète que les deux partis l’auraient jeté aux oubliettes ! Evidemment, tout le monde à sa version des faits sur cet accord secret : les israéliens le voient comme une protection du nucléaire israélien, qui n’est alors pas révélé à l’extérieur, les américains un moyen d’éviter l’extension de l’arme dévastatrice jusque Téhéran, alors devenu avec le Shah un pays à la mode américaine. "Golda Meir a expliqué à Nixon pourquoi Israël avait été « obligé » de développer des capacités nucléaires, mais qu’Israël ne se déclarerait pas comme « puissance nucléaire ». Concrètement, cela voulait dire qu’Israël ne testerait pas de bombes, ne se déclarerait pas en tant que puissance nucléaire et donc n’utiliserait pas ce statut pour obtenir des gains diplomatiques, garderait sa « bombe en sous sol », ne signerait pas le TNP et ne le défierait pas non plus. A la suite de cet accord, l’administration américaine a cessé ses inspections annuelles, mais aussi de faire pression sur Israël, et a adopté une politique de facto de « rien demander, rien dire ». Jusqu’à aujourd’hui, cette politique a été celle des administrations américaines successives." En résumé, la doctrine américaine depuis les années 70 c’est : on le sait bien, mais on a choisi avec eux de ne rien dire à personne. Motus et bouche cousue, la diplomatie américaine depuis 40 ans à propos des bombes atomiques israéliennes.

Un deuxième mémo de septembre 1974 de la CIA toujours sera encore plus catégorique, mettant également l’accent sur un autre vecteur que l’avion Phantom II : l’acquisition par Israël de grandes quantités d’uranium, "en partie clandestin" qui signifiait "une preuve supplémentaire que’Israël avait déjà fabriqué des armes nucléaires". Mais aussi que son missile Jericho, censé être conventionnel est bel et bien un vecteur nucléaire : "la CIA fait remarquer que le missile Jericho n’a guère de sens en tant que missile classique, et a été "conçu au départ pour accueillir des ogives nucléaires." Il faut savoir aussi d’où vient le missile concerné : et encore une fois, ce sont les français qui ont donné le coup de pouce. il a en fait été construit avec l’aide de la Générale Aéronautique Marcel Dassault, car c’est un clone du missile MD-620 français, commencé en 1962 et déclaré bon pour l’emploi en 1965. Dassault fabriquant de fusée, on l’avait oublié : comme on avait dû oublier que Marcel Dassault, avant guerre, s’appelait Marcel Bloch, et qu’il avait connu le camp de concentration de Buchenwald parce qu’il était juif. Le premier avion sous le nom de Dassault, l’Ouragan MD 450, sorti en 1949 était devenu le fer de lance de l’aviation israélienne. A noter qu’une partie des avions construits avait été permise grâce à l’aide militaire américaine (MDAP) aux pays de l’Europe de l’Ouest, pour 185 appareils (sur 350). Les fusées israéliennes, une centaine, étant construites de 1964 à 1969 en Israël même. Très vite améliorées (et après avoir beaucoup grossi) : les ingénieurs israéliens apprennent vite, on le sait.

Selon Time, Israël aurait réussi à fabriquer à ce stade au moins 12 bombes atomiques, dès 1973 donc : au moment de la Guerre du Yom Kippour, on a frôlé la catastrophe avec un Moshe Dayan belliqueux près à tous les coups tordus : on comprend aussi, dans ce cas, pourquoi les américains ont prêté leurs Phantoms de reconnaissance, peints aux couleurs israéliennes, épisode raconté ici-même. Pour la détention de la bombe pendant la guerre des 6 jours, ça paraît difficile, même si la France a fait sauter sa bombe dès le 13 février 1960, mais est toujours à la tester en février 1966, date de la dernière explosion saharienne, qui est toujours fixe. Le premier essai lancé n’aura lieu qu’en Polynésie le 19 juillet 1966 : à l’époque, il y a deux vecteurs pour la transporter : le Mirage IV, mais aussi le Vautour, tous deux de Dassault. Ce qui signifie qu’il faut au moins cinq années pour miniaturiser une bombe atomique et la rendre transportable par avion. La centrale de Dimona ayant été effective en production à partir de 1962, le délai est un peu court. Selon certaines sources, en 1967 Israël aurait réussi à construire deux bombes, néanmoins. Mais dont on ignore la taille et le format. Les israéliens, pour miniaturiser vont trouver un autre partenaire : l’Afrique du Sud.

(*) On peut regarder pour s’en convaincre le très bon reportage de Michael Karpin "La menace ultime" (Cobra Fims) de 2003, faisant suite à "A bomb in the Basement" de 2002 du même réalisateur. Qui met en évidence le rôle primordial de Ben Gourion dans la marche forcée vers l’arme atomique, créée en raison d’un accord défense jugé insuffisant avec les américains. Selon le reportage, l’idée est apparue en 1954, et Shimon Peres, nommé ministre de la Défense, a été chargé du projet. Oppenheimer et Teller seront recrutés comme conseillers. L’uranium et une usine de séparation du plutonium font défaut au départ, c’est ce qui sera résolu par des accords. L’Angleterre, les Etats-Unis et l’URSS ne peuvent être contactés : c’est donc la France qui est choisie. Selon les historiens de l’époque, dont ici Jean Lacouture, (Péan le confirme) c’est la guerre d’Algérie qui précipitera les choses : Israël persuade à ce moment-là les français que l’Egypte est derrière le soulèvement algérien, une Egypte de Nasser qui s’en prend aussi à Israël : la France verse donc du côté israélien, aidé par la forte ingérence d’Abel Thomas (ministre des armées et directeur de cabinet de Bourgès-Maunoury), et les liens étroits tissés avec Mendès France et Guy Mollet. C’est Abel Thomas, notamment, qui convaincra Perrin.

Documents joints à cet article

Mille soleils au Neguev (1) Mille soleils au Neguev (1) Mille soleils au Neguev (1)

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