Une guerre contre l’Iran
mercredi 16 juin 2010 - 13h:58
Abdel-Moneim Saïd - Al-Ahram/hebdo
Notre situation au cœur du Moyen-Orient ne signifie pas seulement un certain rôle régional de l’Egypte, mais également un rôle régional en Egypte. Lorsque la guerre ou plutôt les guerres contre l’Iraq se sont déclenchées, leurs flammes ont atteint Le Caire. Chaque tournée du conflit arabo-israélien enflammait toute l’Egypte.
Lors de la guerre Iraq-Iran, du conflit en Afghanistan entre les Afghans eux-mêmes ou entre certaines parties afghanes et des parties extérieures alliées avec des parties internes, il y avait toujours des Egyptiens. Alors que les pirates sévissaient dans la Corne africaine, ils attaquaient les navires égyptiens et menaçaient tous les navires traversant le Canal de Suez. Si la guerre se déclenche contre l’Iran, elle ne sera pas loin de nous. Nous serons certainement exposés à des positions fort embarrassantes. Nous souffrirons certainement des répercussions d’un jeu sanglant dont on n’a jamais fait partie.
Notre inquiétude émane de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 9 juin d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran. Malgré l’opposition de la Turquie et du Brésil et l’abstention du Liban, les cinq grands se sont mis d’accord, ce qui est fort rare. C’est ainsi que Washington, Moscou et Pékin se sont mis d’accord sur une politique de pression sur Téhéran qui va crescendo sur des périodes déterminées, dans le cadre du chapitre 7 des pouvoirs de l’Onu qui permet à la fin le recours à la force militaire.
De plus, de nombreux indices montrent que le scénario de la guerre contre l’Iran n’est plus un scénario écarté ou le dernier choix des Etats-Unis pour faire face à la crise du dossier nucléaire iranien qui a atteint un stade critique. Le premier indice est lié au facteur temps. En effet, le temps passe et la crise persiste sans que l’Iran ne réponde aux exigences de la communauté internationale. Depuis son accession à la Maison Blanche, Barack Obama a opté pour une invitation au dialogue avec l’Iran et a élaboré de nombreux calendriers dans ce contexte sans qu’aucun ne réalise un règlement pacifique de la crise.
L’invitation américaine au dialogue avec Téhéran survient dans le cadre de la politique de réconciliation adoptée par la nouvelle administration américaine dans le but de corriger les erreurs commises par l’administration républicaine précédente, d’améliorer l’image des Etats-Unis dans le monde et de se défaire du fardeau des guerres en Afghanistan et en Iraq. Cette nouvelle administration a réalisé que la politique du bâton n’a réalisé aucun succès dans le règlement de la crise iranienne. Elle a alors décidé de prendre la voie opposée en ouvrant un dialogue avec l’Iran, espérant que ceci mènera à un accord accepté de tous, réduira les craintes internationales du programme nucléaire iranien et aidera à la réalisation d’une entente américano-iranienne autour de nombreux dossiers régionaux épineux au Moyen-Orient.
Le second indice est que l’administration d’Obama est exposée à de nombreuses pressions de la part d’Israël, du lobby juif aux Etats-Unis et de certains courants américains pour adopter une position sérieuse contre l’Iran. Israël a accepté avec difficulté l’idée du dialogue avec Téhéran. Il a demandé de lui imposer un calendrier fixe tout en confirmant qu’il ne mènerait pas à des résultats positifs sur la voie du règlement de la crise du dossier nucléaire iranien. Tel-Aviv a également souligné qu’il commençait à perdre patience vis-à-vis de ce dialogue qui, à son avis, donne plus de temps à Téhéran pour développer son projet nucléaire.
C’est ainsi qu’Israël a demandé à Washington des clarifications sur les alternatives qu’il adopterait en cas d’échec de cette politique avec l’Iran exprimant sa déception du peu de cas que fait l’Iran des pressions internationales et des demandes de la communauté internationale.
D’autre part, les organisations pro-israéliennes aux Etats-Unis ont exercé des pressions sur l’administration américaine pour adopter une politique plus sévère contre l’Iran. C’est ainsi que l’Ipac a adressé un message au Congrès en mars 2010 réclamant l’imposition de « sanctions sévères contre l’Iran » à cause de ses activités nucléaires.
De plus, le courant pro-israélien aux Etats-Unis a exercé de fortes pressions sur l’administration afin de la pousser à abandonner l’idée du dialogue avec l’Iran et à adopter d’autres choix plus sévères y compris l’imposition d’un embargo maritime empêchant l’arrivée de l’essence à l’Iran. Ce courant a également critiqué l’abstention de l’administration américaine d’exploiter la crise politique que connaît l’Iran à cause des élections présidentielles pour faire pression sur le régime iranien et l’obliger à répondre aux demandes de la communauté internationale. Pour consolider son opinion, ce courant se base sur le fait que l’Iran croit que l’invitation américaine au dialogue est une preuve de la faiblesse de Washington. Ce qui la pousse à prolonger son défi de la communauté internationale.
Bref, la formulation de la résolution des nouvelles sanctions de cette sorte signifie que Washington a réussi à créer une unanimité internationale contre les ambitions nucléaires de l’Iran. Pour réaliser ceci, il a adopté certaines mesures tactiques.
Par exemple, il ne s’est pas beaucoup attardé sur le communiqué adopté par la conférence de New York pour la révision du traité de non-prolifération des armes nucléaires tenue du 3 au 28 mai dernier.
En effet, ce communiqué a invité Israël à signer le traité de non-prolifération nucléaire et à soumettre ses institutions nucléaires à l’inspection internationale. Il a également appelé à la tenue d’une conférence internationale en 2012 pour rendre la région du Moyen-Orient exempte des armes nucléaires. Ce, afin de préparer l’idée de la guerre contre l’Iran et de former une unanimité internationale autour de cette question. L’activité américaine intense en ce qui concerne le règlement de la cause palestinienne n’est pas loin de la préparation de la région à des évolutions importantes.
Al-Ahram/hebdo - Semaine du 16 au 22 juin 2010, numéro 823 - Opinion
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