Boycott : Le diacre du diocèse de Toulouse s’adresse à Mme Alliot Marie
Publié le 30-08-2010
Alain Duphil
Diacre du diocèse de Toulouse Tramesaygues. 31550 Cintegabelle
Madame Michèle Alliot-Marie Ministre de la Justice
Tramesaygues, le 29 mars 2010,
Madame la Ministre,
Au cours d’un certain nombre de voyages en Israël et dans les territoires palestiniens, le plus souvent dans la voiture de prêtres ou de chrétiens arabes, j’ai vu de mes yeux des réalités auxquelles nous n’attachons pas assez d’importance en France et en Occident. De mes yeux, j’ai vu l’humiliation des Palestiniens aux check-points, des femmes obligées par des militaires en arme de marcher dans des flaques d’eau près de Zababdeh, des hommes alignés par dizaines, les mains sur la tête face à un mur à Bethléem, des chauffeurs de camion devant vider tout leur chargement de légumes pour finalement se voir refuser le passage, tous attendant des heures et des heures, sous les moqueries intolérables des soldats israéliens, même contre des mamans avec des bébés.
J’ai vu le mur de Jérusalem, bien pire que celui de Berlin, j’ai vu les colonies qui s’avancent vers les villages de Cisjordanie, j’ai vu les oliveraies volées par les colons, les destructions de champs cultivés à Gaza, j’ai vu la ségrégation dont sont victimes les agriculteurs arabes israéliens en Galilée. La communauté internationale n’a pas été capable encore d’imposer un règlement pacifique de cette situation. Cela ne peut plus durer. C’est pourquoi les plus hautes autorités religieuses chrétiennes de Jérusalem, en décembre 2009, ont publié la déclaration Kairos*. Ce document a reçu le soutien de tous les patriarches, évêques et responsables des treize Eglises chrétiennes représentées à Jérusalem. C’est un document important (voir résumé au dos). Je vous serais reconnaissant de bien vouloir en prendre connaissance, et de l’appel à l’action qu’il encourage : une action non-violente par un boycott des produits israéliens. N’est-ce pas le seul moyen d’amener les gouvernants israéliens aux négociations qu’ils refusent avec chaque fois de nouveaux prétextes ? Il semble que vous ne soyez pas d’accord avec cette campagne de boycott. Pourtant, en 2006, vous étiez celle qui a informé toute la France à la fin de l’été, que des avions israéliens avaient menacé des soldats français stationnés au Liban pour les nations Unies. Cette attitude de condamnation de ce boycott ne vous ressemble pas. Il me semble que ce serait l’honneur du gouvernement français de soutenir cette campagne et de prendre des sanctions économiques contre l’Etat d’Israël tant que ne sera pas créé un état palestinien digne de ce nom avec Jérusalem-Est pour capitale. C’est de plus la seule façon de garantir à long terme la sécurité d’Israël au Moyen Orient.
En espérant que vous voudrez bien écouter la voix des chrétiens de Terre Sainte, qui rejoint la voix de nombreux amis juifs rencontrés sur place également, en espérant que vous serez avec Desmond TUTU, qui soutient ce boycott, je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, mes salutations les plus respectueuses.
Alain Duphil
Ingénieur agronome, dirigeant d’exploitation agricole, Elu à la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne, Auteur du livre « Au pays de Jésus », (Editions Amalthée), Président de l’association « Une fleur pour la Palestine », Signataire de la déclaration « Un moment de vérité à Jérusalem » et du manifeste BDS, (boycott, désinvestissement, sanctions).
*LE DOCUMENT KAIROS DE JERUSALEM
En décembre 2009, quinze théologiens de Jérusalem, représentant les 13 Eglises chrétiennes présentes en Terre Sainte, ont publié le document "Kairos". Ce mot grec pourrait se traduire par "temps favorable" ou « moment de vérité ». Ce document commence ainsi : Nous, un groupe de Palestiniens chrétiens, après avoir prié, réfléchi et échangé devant Dieu sur l’épreuve que nous vivons sur notre terre, sous occupation israélienne, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri, un cri d’espoir dans l’absence de tout espoir, uni à notre prière et à notre foi en Dieu qui veille, dans sa divine Providence, sur tous les habitants de cette terre. Parmi les théologiens signataires figurent entre autres :
l’ancien Patriarche Latin de Jérusalem, nommé par Jean-Paul II, sa Béatitude Mgr Michel Sabbah,
l’Evêque de l’Eglise évangélique luthérienne en Jordanie et Terre Sainte, sa grâce Mgr Munib Younan,
et l’Archevêque de l’Eglise grecque orthodoxe de Jérusalem, son Eminence Mgr Théodosios Atallah Hanna.
Leur texte a reçu le soutien de Mgr Desmond Tutu par une lettre du 11 décembre 2009, et celui des chefs et responsables en fonction des 13 Eglises chrétiennes de Jérusalem, dont Mgr Fuad Twal nommé par Benoît XVI, par une déclaration commune du 20 décembre 2009.
Ce document Kairos, qui parle d’abord de "réalité, de parole de foi, d’espérance, d’amour", est surtout un appel lancé aux "chrétiens", aux "Eglises du monde", "à la communauté internationale", "aux chefs religieux juifs et musulmans", "au peuple palestinien et aux israéliens". On trouve au paragraphe 7 dans l’appel à la communauté internationale : Nous vous invitons aussi à écouter l’appel des organisations civiles et religieuses mentionnées plus haut pour commencer à appliquer à l’égard d’Israël le système des sanctions économiques et du boycott. Nous le répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger, mais de parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et définitive, qui mette fin à l’occupation israélienne des Territoires palestiniens et d’autres territoires arabes occupés, et qui garantisse la sécurité et la paix à tous.
Ces sanctions, et ce boycott s’inscrivent dans une lutte pacifique et non violente, comme expliqué dans le paragraphe 4 : L’appel lancé par des organisations civiles palestiniennes, des organisations internationales, des ONG et certaines institutions religieuses aux individus, entreprises et Etats en faveur d’un boycott économique et commercial de tout produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité doivent se faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et clairement que leur but n’est pas de se venger de qui que ce soit, mais de mettre fin au mal qui existe, pour en libérer l’oppresseur et l’opprimé. L’objectif est d’affranchir les deux peuples des positions extrémistes des différents gouvernements israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la réconciliation. Avec cet esprit et cette action, nous finirons par arriver à la solution tant attendue, comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de libération dans le monde.
CAPJPO-EuroPalestine
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